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Murielle Fouassier témoigne de son expérience unique à travers ce blog: un voyage autour du monde, qu'elle a entrepris depuis janvier 2008, à la rencontre de milieux et de professionnels spécialisés en criminologie.

Suite à des études de psychologie, en France et de criminologie à Montréal, au Canada, Murielle a souhaité davantage élargir son champ de connaissance, afin de tenter de mettre en avant les pratiques d'interventions originales et efficaces en terme de diminution de la récidive, auprès des jeunes contrevenants, qui sont dans une période développementale complexe et déterminante.

Dans une ère où les interventions évoluent et progressent largement, où les moyens techniques nous permettent de dépasser nos propres horizons et de traverser les frontières, où tous les peuples se penchent sur des questions psycho-sociales déterminantes pour l'avenir de nos sociétés, "Criminologie de par le monde" symbolise le projet d'ouvrir et d'enrichir le regard porté sur l'intervention en criminologie. Il servira aussi à tous les professionnels exerçant de près ou de loin auprès d'une population de jeunes contrevenants, désirant ouvrir leur champ de connaissance ainsi que leur réseau.

Comment définir la criminologie en quelques mots? C'est une science sociale et humaine qui étudie les comportements criminels et tente non seulement d'expliquer le phénomène, en axant principalement son regard sur les causes et les impacts de la délinquance, mais aussi d'apporter des solutions, notamment en terme d'intervention.


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¤ L'INTERVENTION EN CRIMINOLOGIE

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10 mai 2008

¤ COLLOQUE INTERNATIONAL DE CRIMINOLOGIE: DISCOURS NORD-SUD SUR LES PRATIQUES D'INTERVENTION



* Association Internationale de Criminologie en Langue Francophone (AICLF):


"L'Association Internationale des Criminologues de Langue Française (A.I.C.L.F.) se veut une plate-forme de communication entre chercheurs et praticiens. Elle vise à intensifier les échanges sur la question criminelle entre gens qui partagent le français comme langue de communication habituelle, voire même occasionnelle. Elle vise également à assurer une meilleure diffusion des recherches conduites dans les pays de langue française. Les objectifs de l'Association sont accomplis par l'organisation de réunions, de colloques scientifiques, ainsi que par des échanges d'informations.

Les objectifs de l'Association sont réalisés :
- par l'organisation de réunions et de colloques scientifiques tous les deux ans, ouverte à tous les courants de criminologie contemporaine;
- par la publication de bulletins de liaison de l'Association. Ces bulletins se veulent un lieu d'échanges et d'informations sur les initiatives tendant à développer l'influence de la criminologie francophone à travers le monde. Ils renseignent sur la structure et les activités de l'Association, les modalités pour y adhérer, les congrès et événements internationaux à venir, ainsi que sur certaines recherches et projets en cours dans le domaine de la criminologie francophone. "
http://www.aiclf.umontreal.ca/)

Ainsi, en mai 2008, l'AICLF a tenu son colloque biennal dans un pays du Sud, le Maroc. De cette façon, elle pu inviter à engager un débat et un dialogue autour des phénomènes de délinquance, entre criminologues du Nord et du Sud. Ainsi, durant 3 jours, du 11 au 13 mai, des questions fondamentales ont été abordées, dans le contexte de séances pléniéres et d'ateliers.


* Première séance plénière: Migrations et délinquances

1er orateur: Mme Malika Benradi, Université Mohammed V:
"Pour une analyse critique du discours sur la criminalité des maghrebins en Europe: Les statistiques de la peur "

A notre époque, un amalgame est fait entre la migration, le terrorisme et l'islamisme. Pourtant, la migration n'est pas un crime, elle est un moyen pour améliorer la condition de vie personnelle et familiale des individus. La véritable criminalité du groupe maghrebin, dominée par la violence, ne se situe pas au Maghreb même mais en Europe.
Ainsi, madame Benradi se demande où se situe la réalité criminelle.

Il y a 20 ans, V. Giscard d'Estaing disait que les migrants ne pausaient pas de problèmes, sauf ceux qui réalisaient des crimes violents. Ainsi, on ne peut ni parler de facteurs biologique, ni social: La race n'est pas un facteur explicatif, la personnalité et la confrontation à la frustration non plus. En effet, en Amérique du Nord, un grand nombre de maghrébins sont bien adaptés malgré la différence culturelle et les conflits de culture.

La théorie de la réaction sociale semble être quant à elle une théorie explicative pertinente. Effectivement, qu'elle soit officielle, c'est à dire générée par la police ou les juges, ou officieuse, par la presse, les citoyens etc., les deux niveaux de réactions sociales en Europe semblent être négatives envers les maghrébins.
Effectivement, des études prouvent que la presse les cible davantage pour dénoncer des affaires où ils sont impliqué, que les gardes à vue sont plus systématiques, quel que soit le délit et que le jugement est plus sévère.

Ainsi, pour madame Benradi, c'est la réaction sociale qui engendre la criminalité des maghrébins étant donné qu'il a été démontré que le contrôle envers cette population est plus importante et que la réponse répressive est alimentée par l'opinion publique.

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2ème orateur: Madame Michelle Vatz-Laâroussi, université de Sherbrooke:

"La disqualification des pères immigrants au Québec: Impacts psycho-sociaux sur les enfants"

Actuellement, on assiste à une diversification des populations et des flux migratoires dans des sociétés autrefois homogènes, tel que la Bulgarie, le Maroc etc. Ainsi, l'orateur parle de "mondialisation des courants migratoires", et malgré les croyances communes, 60% des déplacements se font du nord au sud et pour les 3/4, dans un pays voisin.

Ainsi, de nouvelles mobilités se sont développées, qui ont une influence notoire sur la dynamique migratoire : La plupart se fait par des espaces transfontaliers, tel qu'en Europe, au Canada, aux Etats Unis ou en Asie. Cette circulation régulière entraine deux sortes de migration: l'une est temporaire ( les individus circulent mais ne s'installent pas), l'autre est construite sur une dynamique de réseaux et dans une logique culturelle, économique et familiale.

Sous la lumière de l'immigration, madame Vatz-Laâroussi apporte des explications à la délinquance:

- La première génération immigrante a généré une délinquance orientée vers le crime organisé, principalement en Amérique du Nord, notamment la mafia italienne et les jeux clandestins chinois;

- La seconde génération a généré davantage une délinquance en lien avec la réaction sociale et les milieux de vie. Il s'agit des groupes ethno-religieux, des groupes urbanisés, de ceux en lien avec la ségrégation résidentielle, l'exclusion, la guetthoisation. A partir de 1990, en Europe, et en 2001 aux Etats Unis apparaissent de nouvelles délinquances: le terrorisme, l'immigration clandestine et les sans papiers. Dès cet instant, la définition de la délinquance change, puisqu'avec la fermeture des frontières, l'immigrant devient un délinquant. De plus, une autre délinquance se forme parallèlement, en conséquence à cette immigration: les passeurs, les réseaux de prostitution et de clandestins.

Pourtant, selon la réaction sociale, la gestion de l'immigration est différente: En Belgique, les albanais sont considérés comme les principals délinquants; En France, il s'agit des maghrébins et des africains. Pourtant, au Québec, ils sont recherchés pour migrer car ils sont francophones. Il s'agit d'immigrants qualifiés avec un niveau de scolarité et un statut socio-professionnel élevé.

Malgré cela subsistent des obstacles systémiques tel que des disqualifications professionnelles si bien que l'orateur parle d'un déficit de reconnaissance. Après 2001, les préjugés ont augmentés et les plus scolarisés ont eu un taux de chômage extrêmement élevé (27%), correspondant à quatre fois plus que la population native. Finalement, à cause de cette réaction sociale, qui engendre des problématiques liées à l'emploi, à la famille, à la valorisation de soi, les individus désinvestissent peu à peu les normes sociales et la délinquance s'accentue. Naturellement, de nouvelles stratégies sont mises en place afin de tenter de rééquilibrer ces défaillances par des surinvestissements, tel que la religion, la famille ou les pairs, provoquant des extremismes parfois dangeureux.

Ainsi, selon madame Vatz-Laâroussi, pour intervenir sur la délinquance actuelle, il est important de travailler sur la reconnaissance des parents, afin de combler les déficits socio-affectifs, mais également d'accompagner la résilience des jeunes. Enfin, avec chacun, il serait aussi important d'améliorer les politiques d'insertion socio-professionnelles des immigrants.

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* Deuxième séance plénière: Violences terroristes

1er orateur: Monsieur Abdessamad Dialmy, université de Fes:

" Psychosociologie de la politique de la violence terroriste au Maroc"

Les facteurs socio-culturels sont eux aussi déterminants. En ce qui concerne l'exécutant, la pauvreté semble mis en avant ( la plupart est d'un milieu socio-économique déficitaire), ainsi que le niveau de scolarité faible, l'analphabétisation, l'hebergement précaire et le jeune âge.
Le terrorisme est basé sur une idéologie, souvent religieuse, qui rejete l'occident et ses valeurs; Le croyant fait des lectures de l'islam simplifiées et doit imiter le comportement du prophète et faire la djiad, la guerre sainte.

Les facteurs psycho-émotionnels semblent jouer eux aussi sur le passage à l'acte terroriste, selon monsieur Dialmy. Le désir de vengence envers l'occident est profondément encré dans les pensées des martyrs: L'occident, vue comme humiliante, frustrante, pécheresse. Les armées marocaines étant défaites, le croyant considère être le seul à pouvoir agir et rendre justice. Par le El tishad, le croyant vient chercher la reconnaissance en plus de la vengence. Il sait qu'en se faisant martyr, la reconaissance est grande et glorifiante. Cet acte, autorisé dans la religion musulmane, à l'inverse du suicide, qui ne l'est pas, lui créé une identité nouvelle. Cette reconnaissance, entre autre, il la trouvera au paradis, où 70 femmes vierges l'attendront: Cette pureté, qui vient pour lui s'opposer à la modernité qui transforme les femmes actuellement, est une manière de retrouver sa masculinité à laquelle il doute, à cause de la condition de vie difficile au Maroc. L'acte terroriste devient donc l'unique réponse à sa vie actuelle, lui permettant de trouver le bonheur qu'il espère atteindre.

Finalement, il reste évident, selon monsieur Dialmy, que les facteurs psychiatriques sont toujours présents pour faciliter le passage à l'acte terroriste. En effet, le sofisme, ou grande djiad, qui correspond à la guerre intérieur passifiste que doit mener chaque croyant pour être meilleur, est quant à elle une guerre à valoriser, pour les croyants, et qui répond à leurs besoins, d'une manière saine et constructive.

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* Troisième séance plénière: Enfants, jeunesse et délinquance

1er orateur: M. Abdallah Maâouia, Université de Tunis:

"Approche psychologique et psychosociale de la délinquance et de la criminalité"

La délinquance est explicable par l'expérience vécue des individus, qu'elle soit interne ou externe, psychologique ou psychosociale.

Selon l'approche psychologique, on parle de personnalité délinquante, en évoquant la psychopathie, la personnalité antisociale ou encore perverse.

Par exemple, derrière la problématique délinquante d'un jeune ayant un problème avec son père se cachera une image du père défaillante ou un renversement de la place du père, qui expliquera ce problème de socialisation.

Selon l'approche psychosociale, certains grands évenements sociaux ont eu des répercussions sur la délinquance. Dans les années 70, le changement de gouvernement vers une politique libérale a eu un impact sur la délinquance féminine. Les femmes, qui n'avaient jusqu'à présent aucun rôle économique étaient dans la production de biens. Cette nouvelle acquisition de rôles et de statuts a été un facteur de délinquance, qui a orienté les femmes vers les crimes économiques, qui n'existaient jusqu'à présent que chez les hommes.

Quant à la représentation sociale, elle a aussi son rôle à jouer dans la délinquance. Les centres de rééducation mixtes avec des formations professionnelles de 2 ans qui proposent de l'électricité, de la menuiserie, de la mécanique, de la couture etc. sont essentiels dans la mesure où ils offrent aux jeunes avec des problèmes scolaires et des défaillances sur le plan socio économique une vision positive et structurante de la société. Une étude a pu mettre en avant un discours encourageant et positif de la part des jeunes délinquants concernant de tels milieux sociaux. Pourtant, dans la société, les conditions de travail et de vie sont plus difficiles et plus injustes que dans ces lieux de réinsertion sociale. Les jeunes, ayant évolués dans la société, ont une représentation sociale décourageante et particulièrement négative. Ainsi, même si le milieu de vie leur semble bénéfique, leur investissement dans les formations n'est pas encourageant. Ils savent que le centre ne changera pas leur monde à la sortie. De l'aide économique de la part des pays occidentaux semblent essentielle pour redonner un espoir à la population et pouvoir investir les délinquants dans une démarche active de réinsertion sociale.

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2ème orateur: Mme Nicole Vettenburg, Université de Gand:

"Comment interpréter le comportement des jeunes, selon le regard pédagogique et criminologique"

Selon que la délinquance soit normale (commune) ou persistante, l'analyse doit être différente.

Présentation de la vulnérabilité sociétale: De moins en moins, le jeune vit d'expériences positives avec les institutions sociales. Au contraire, au lieu de profiter de l'offre positive de ces institutions, il est confronté aux aspects négatifs. L'interaction entre les institutions et les jeunes est donc de plus en plus négative, par le phénomène de cumulation.

Finalement, la solution ne serait-elle pas d'arréter de discriminer le jeune, afin qu'il renoue des liens avec les institutions sociales?

En effet, des études (1988, 2001, 2007) ont prouver que:

- l'attitude de l'enseignant a de l'influence sur le comportement négatif du jeune;

- les facteurs scolaires ont plus d'influence sur les comportements négatifs à l'école que les facteurs familiaux;

-les caractéristiques culturelles et familiales sont plus importantes que les caractéristiques structurelles.

Ainsi, la prévention de la délinquance doit être générale et individuelle, mais toujours radicale, offensive et intégrale, participative et démocrative. Cela signifie qu'elle doit aller au coeur même du problème et travailler tous les aspects, en tenant compte des besoins du jeune, de ses capacités et de la pertinence de l'intervention.

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3ème orateur: Mme Catherine Sultan, Magistrate du tribunal de la jeunesse, France:

"Droit pénal des mineurs français: modèle remis en cause"

Le droit pénal des mineurs, en France, fut créé avec deux ordonnances, pendant des crises politiques: en 1945 et en 1968. La société assume un rôle d'éducation et de protection des jeunes. Le juge devient donc entraîneur et engagé dans la vie des jeunes, qu'ils soient en danger ou délinquants.

Cependant, dans ces deux catégories de jeunes, les réponses sont différentes, bien que la logique soit la même. Ainsi, travailleurs sociaux et juges se péoccupent du sens de l'agir et accompagnent l'enfant dans son cheminement. Une dialectique est mise entre le juridique et l'éducatif: chacune se réfère à l'autre, afin d'apporter une réponse adéquate.

Avec l'évolution de la société, la consommation augmente: les situations familiales sont de plus en plus fragilisées à cause du chômage, de l'immigration etc: la société ne parvient plus à intégrer ses jeunes. L'individualisme atteint des mesures inquiétantes: il n'y a plus de solidarité entre les communautés, les gens n'ont plus de repères.

Malgré ce contexte, les démarches judiciaires et éducatives n'ont pas changées, si bien que les réponses actuelles ne paraissent plus autant adaptées et nous oblige à remettre en cause le modèle de justice.

Selon Mme Sultan, les jugements sont de plus en plus rapides et l'activité pénale est en croissance, étant donné que la répression est telle que des dossiers traités en protection de la jeunesse sont désormais traité en pénal. La justice des mineurs est donc encombrée: le nombre de dossier est trop important ce qui nécessite des délais trop long. Finalement, ces réponses tardives ne sont pas aussi significatives pour le jeune qu'un délai court car la mesure perd de son sens et de son poid. Finalement, dans ce contexte, l'acte commis est davantage pris en considération que la personnalité du jeune: Les réponses pénales deviennent donc de moins en moins individualisées. Même les réponses éducatives sont sous couverts de répression et d'un contrôle strict, si bien qu'en tout point, et particulièrement dans ses droits, le statut du mineur se rapproche de celui du majeur.

Cependant, pour l'oratrice, un élément favorable et nouveau depuis ces 20 dernières années est la réparation: Les mesures réparatrices, extrêmement bénéfiques pour la victime comme pour le jeune est mis en place et devrait être privilégier, comme c'est le cas en Belgique, où le système de justice des mineurs est plus humain et plus éducatif (M. Born).

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* Quatrième séance plénière: Impacts des changements sociaux sur la personnalité et les comportements (souffrance, inadaptation, délinquance)

1er orateur: M. Mohammed Guedah, Université de Rabat:

"Transgression et transgresseurs entre la mise à l'épreuve de soi et de l'autre"

M. Guedah nous rappelle que les conduites transgressives sont généralisées durant l'adolescence, correspondant au moment de structuration de la personnalité. Durant cette période, les adolescents basculent souvent dans la délinquance, mais celle-ci se divise en deux types: la délinquance occasionnelle, qui ne dure pas et est commune à une grande majorité de jeunes, et la délinquance persistante, qui correspond à des troubles de la conduite significatives.

Au Maroc, ces conduites sont prédominées par la consommation de drogue ou d'alcool, par le vol, le vandalisme, le viol ou toute atteinte à la culture musulmane (manger pendant le ramadan, avoir des relations sexuelles avant le mariage...) La société marocaine est en voie de transition: Les valeurs tarditionnelles subissent de profondes mutations et évoluent. M. Guedah parle de crise actuelle. Ainsi, dans cette culture musulmane, une partie de la population vit une inadaptation sociale determinante.

Finalement, ces types de délit nous montrent que la transgression est une mise à l'épreuve de soi et comme une expression avant tout d'une quête identitaire, entre les changements développementaux que vivent les adolescents durant cette période de la vie complexe, et les changements sociaux, eux aussi particulièrement marqués ces dernières années.

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2ème orateur: Dianne Casoni, université de Montréal, CICC:

"Effet des changements sociaux sur l'individu: Du non de l'obéissance au non de la sybolisation"

Comme l'avancent les théories analytiques, la relation aux images parentales a un effet sur la personnalité de l'enfant, du jeune puis de l'adulte; elle a donc un lien avec la délinquance.

Mme Casoni évoque que la réalité sociale actuelle, dans nos sociétés modernes, est un "burn out", une dépression sociale visible, à cause des fortes pressions vécues au quotidien: la surcharge du travail, le chômage etc. "Cela a indubitablement un impact sur le jeune, qui, quant à lui, se sent abandonné, ou ne parvient pas à se décentrer et devient profondément égocentrique". C'est à cause de telles problématiques que le jeune, vivant une inadaptation sociale, basculerait dans la délinquance. Ainsi, un jeune turbulent, ayant déjà une tendance à l'agir, à cause de fortes décharges motrices, sera dans un déni de ses véritables émotions négatives et de ses angoisses. Le rôle des parents sera donc d'être attentif à la fois à l'immaturité émotionnelle du jeune et à son besoin de socialisation.

"Elever" un enfant, comme le mot l'indique, est un travail éprouvant qui doit contribuer au développement du jeune, le faire grandir psychiquement. Pour cela, l'attente, la frustration est essentielle. Dire non à une satisfation brute de l'enfant est constructif à condition que les parents puissent proposer une alternative satisfaisante, avec l'autre et dans le temps. C'est de cette manière que s'interiorisent les normes et que se développent symbolisation et mentalisation. Le passage d'un monde de plaisir égocentrique et contre l'autre à un monde de plaisir altruiste et avec l'autre est une façon d'apprendre au jeune à se conduire de façon adéquate en société, en étant acteur de ses agirs.

Ainsi, des centres de rééducation se sont ouverts afin d'aider le jeune à développer de nouvelles façons de faire, dans lesquels les éducateurs correspondent à des substituts parentaux. Le milieu de vie était donc utilisé pour poursuivre le développement du jeune. Le travail de symbolisation, où le jeune avait un lieu pour exprimer ses compréhensions au monde et ses frustrations permettait d'atténuer les pensées paranoides du jeune.

Pourtant, selon Mme Casoni, aujourd'hui au Québec et en Amérique du Nord plus généralement, la tendance est différente, puisque ces notions psychanalytiques de symbolisation sont oubliées au profit des approches béhaviorales. Les peines étant de plus en plus courtes ne permettent évidemment pas de réaliser des suivis en profondeur auprès du jeune, car le temps est un élément essentiel. "La psychisation met du temps alors que le changement de comportement est plus rapide!" Les deux changements constatés aujourd'hui sont donc logiques et interreliés.

Finalement, dans les centres de réadaptation, la souffrance des jeunes semble cachée: En effet, les sujets négatifs sont tus au profit de ce qui est bien, bon, heureux; les comportements conventionnels sont valorisés et ceux qui ne le sont pas sont interdits et punis. Aucune symbolisation ne peut donc se faire et les tensions restent présentes. Les passages à l'acte, selon Mme Casoni, sont donc toujours présents et l'explosion est prévisible, tant que la tendance actuelle ne changera pas et que le contrôle remplacera l'éducatif.

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10 sept. 2007

¤ QUEBEC: Compendium 2000 des programmes correctionnels efficaces, Motiuk



1. Références théoriques et empiriques…

Les programmes correctionnels sont qualifiés comme un « ensemble d’activités ayant un objectif précis», ou comme « une série planifiée de possibilités d’apprentissage présentés à des délinquants jugé, et, ayant pour objectif de réduire la récidive ». Il s’agit donc d’une perspective comportementale, dans une approche constructive.
Les références théoriques et empiriques sont différentes et multiples selon la structure du système de justice pénale, dans lequel on se situe, le nombre et la durée des rencontres etc. mais les activités sont souvent de nature psychoéducative, cognitivo-comportementale ou thérapeutique.
Leurs principes « tiennent comptent des particularités individuelles, dans le comportement criminel ». Ainsi est né une psychologie du comportement criminel, interdisciplinaire. Elle reconnaît un grand nombre de facteurs entrant en compte dans le comportement criminel, d’ordre biologique, personnel, interpersonnel et structurel, culturel, politique et économique. La perspective psychologique recommandée est une approche large de la personnalité et de l’apprentissage social qui repose sur un modèle fondé sur les causes de la criminalité et sur le changement personnel. On parle donc de facteurs de risques sur toutes les sphères de vie du jeune et les traitements ciblent les besoins criminogènes de la personne délinquante.
Pour Andrews et Bonta (1994), c’est avant tout l’approche cognitivo-comportementale, ou d’apprentissage sociale qui doit sous-tendre ces traitements, plutôt que d’autres formes de thérapies axées sur la compréhension de soi etc., en tentant d’agir directement sur la réduction des comportements et pensées antisociaux en utilisant des méthodes tel que le renforcement positif, tout en accordant une place privilégier aux notions de réceptivité (avec les étapes de Prochaska et DiClemente, de 1986), de motivation, de résistance et d’alliance thérapeutique.

2. Références légales, sociales ou politiques…

Ces programmes correctionnels ont été mis en place, durant les deux dernières décennies, dans un contexte socio-politique, où les pratiques et politiques correctionnelles de dissuasion, de sanction et de punition étaient prédominantes. Les politiciens et les décideurs voulaient satisfaire l’opinion politique, qu’ils disaient être en faveur d’une politique punitive. Ainsi, pour des raisons électorales, de plus en plus d’établissements carcéraux ont été construits. Les programmes correctionnels ont donc été discrédités. C’est l’évolution des examens quantitatifs qui ont permis de redonner du pouvoir aux programmes en prouvant l’efficacité des traitements, avec l’appuie des méta-analyses.
A présent que sont reconnues la légitimité et l’efficacité des programmes correctionnels, le théoricisme, l’ethnocentrisme, la destruction de la connaissance, le transfert d’expertise défaillant, et le manque de formation des intervenants sont encore de gros obstacles au dessus desquels il va falloir passer pour que soient véritablement mis en application les programmes.


3. Cadre et contexte de prédilection…

C’est la nature de la peine qui déterminera le genre de programmes utilisés. En effet, le cadre est vaste puisque le lieu d’exécution de ces derniers peut être la communauté, ou l’établissement. Le contexte de prédilection est lui aussi très large, puisque les programmes dépendent aussi des stades de prévention. Tolan, Guerra et Hammond (1994) en ont catégorisés trois :
La prévention primaire, qui est fondée sur deux approches, la prévention des situations, et la prévention par le développement. La première vise à limiter les occasions de commettre un crime, tandis que la seconde cible des populations fragiles dans le but de réduire les problèmes, à long terme, tel que la délinquance.
La prévention secondaire vise quant à elle des populations qui ont des risques déjà connus et problématiques, tel que la violence, les troubles de comportement, où les efforts déployés sont au niveau de la prévention de la délinquance juvénile.
Enfin, la prévention tertiaire s’adresse aux délinquants qui sont déjà reconnus coupables, dans l’objectif de réduire le taux de récidive.
Les types d’interventions, qualifiés dans cet ouvrage de programmes, sont présents dans les trois types de prévention. Le chapitre, quant à lui, se consacre uniquement aux programmes correctionnels donnés dans la prévention tertiaire, où les personnes sont donc contraintes de participer aux programmes, suite à des décisions judiciaires. En fonction du cadre d’intervention, et donc, indirectement, des risques criminogènes de la personne, les programmes pourront aller du plus intense (milieu carcéral, centre de garde etc., suivie intensif dans la communauté etc.) au plus léger, du plus court (quelques jours) au plus long (quelques années). Ils peuvent être précis et cibler un problème, ou bien cibler au contraire des objectifs très larges, mais dans tous les cas, ce sont les programmes multimodaux qui sont recommandés.

4. Modalité des interactions…


Un travail de partenariat est organisé autour de la personne délinquante, ou antisociale. Les enseignants, les travailleurs sociaux, les agents de probations, les éducateurs, les psychologues, les spécialistes (toxicologue, sexologue, psychiatre etc.), entre autre, sont les principaux acteurs. Ainsi, services correctionnels entretiennent des liens avec de nombreux autres organismes. Les interventions peuvent être employés séparément ou en conjonction.
Enfin, afin de maximiser l’impact des programmes correctionnels sur le délinquant, tout ceux qui gravitent autour de lui, soit la famille, l’école, les employeurs, etc. sont aussi impliqués dans les programmes.

5. Définition des objectifs poursuivis et de l’alliance thérapeutique…

Officiellement, le but social est d’assurer la sécurité de la collectivité, en contrôlant les individus ayant causés du tord à d’autres, tout en tenant compte de leurs besoins.
Le but des différents programmes est le même, soit, générer des changements chez les délinquants, à partir de choix personnels. Plus particulièrement, « faire en sorte qu’une personne ayant un comportement délinquant ou antisocial devienne plus respectueuse des lois ou adopte un comportement prosocial. Plus particulièrement, les programmes correctionnels visent à réduire les facteurs de risques et à renforcer les facteurs de protection : concrètement, les changements visés sont d’ordre comportementaux, cognitifs, psycho-affectifs, sociaux. Les deux premiers sont les plus souvent retenus dans les programmes, état donnés qu’ils sont plus facilement visibles.
Pour cela, l’alliance thérapeutique est vue comme particulièrement importante dans le processus de changement de la personne criminelle, d’autant que la grande majorité de la population concernée sont dans la résistance au changement. Cette alliance contribue à sa réceptivité au traitement, directement en lien avec la réduction de la récidive. L’un des défis serait de parvenir à aider la personne à passer de l’étape de précontemplation à la contemplation, puis à la détermination, à l’action et enfin au maintien.


6. Grille d’analyse/explication des problèmes cibles…

Les « clients », tel qu’ils sont nommés dans le texte de Motiuk, qui ont des comportements criminels ont la plupart du temps des problèmes de personnalité (hostilité, opposition, contrôle, domination etc.), de comportement (manque d’habiletés, incapacité à reconnaître sa responsabilité, colère, agressivité, violence et.), environnementaux (milieu socio-économique précaire, absence de bon réseau social etc.) et peuvent aussi présentés des traits de troubles mentaux (personnalité limite, antisociale, narcissique, psychopathique etc.). Ces facteurs, contribuant à la résistance, font de ces individus des clients qui ne présentent pas une bonne réceptivité au traitement, pour la majorité.

7. Stratégies d’intervention et processus de changement…
→ Matériel ciblé et travaillé durant l’intervention
Dans l’intervention auprès de personnalité criminelle, trois plans sont retenus : l’éducation, afin d’aider les personnes à acquérir des connaissances, la formation, afin de donner des outils pour permettre de développer des techniques manuelles ou cognitives, la thérapie, afin de remédier à des troubles émotifs et traiter les symptômes d’inadaptation. Cela peut être comparable aux procédés de guérison. La combinaison des trois procédés doit permettre de dégager de nouveaux modes de fonctionnement (de raisonnement et de résolutions de problèmes).
L’intervention doit ciblé tous les facteurs qui entrent en compte dans le comportement criminel et une attention toute particulière est accordée aux huit facteurs de risques suivant : les attitudes/ valeurs/ croyances, le soutien interpersonnel et social, les éléments fondamentaux de la personnalité, les antécédents de comportement antisocial, les circonstances difficile au foyer, à l’école et/ou au travail, dans les loisirs, et enfin la toxicomanie. Les besoins criminogènes des personnes sont ainsi ciblés par des outils d’évaluation/d’inventaire des risques et besoins criminogènes et l’intervenant tentera de les réduire, afin de diminuer la récidive.
Puis, les cibles favorisées sont l’évolution de la cognition ainsi que des états émotifs cognitifs antisociaux, la réduction des relations avec les pairs antisociaux, et l’augmentation des connaissances prosociales, le renforcement de la maîtrise de soi, du contrôle de soi et des compétences en résolution de problèmes.
L’intervenant doit aussi avoir une attention particulière à la réceptivité au traitement du client, afin d’accès ses stratégies, qui est un critère de réduction de la récidive important. Les facteurs de réceptivité comprennent la personnalité, la capacité, la motivation, les points forts, l’âge, le sexe, l’origine ethnique, la langue etc. Ainsi, tous ces éléments sont à prendre en compte durant l’intervention.
Pour toutes ces notions, ce sont les comportements et les cognitions de la personne qui sont ciblés, puisque ce sont ceux-là qui sont observables et mesurables. Il tentera de lui apprendre à acquérir des comportements plus prosociaux et adaptés.

→ Attitudes encouragées chez l’intervenant
Les programmes proposent des activités structurantes, accès sur la résolution de problèmes, l’utilisation de l’autorité, le renforcement des modèles anticriminels et l’acquisition d’aptitudes, favorisée par la mise en pratique des comportements et attitudes prosociales, en utilisant notamment des techniques de renforcement, le contexte de jeux de rôle, d’approximations progressives, d’extinction et de restructuration cognitive.
Mais afin de faire en sorte qu’un bon lien thérapeutique se mette en place, afin que la personne adhère plus facilement au processus de changement, et soit réceptive, l’intervenant doit avoir de bonnes qualités interpersonnelles, ouvertes, chaleureuses, dépourvues d’hostilité et de blâme, et engageantes. Il doit aussi être sincère, empathique, compétent, capable de motiver le client, avoir une bonne capacité de communication, être ouvert, enthousiaste, souple, attentif, respectueux, bienveillant.
Il doit cependant définir à la personne son rôle de professionnel ainsi que les limites de sa relation avec le client, et les maintenir tout au long du traitement.


→ Interventions et rétroactions verbales de l’intervenant
Les interventions varient en fonction du type de délinquants. Cependant, selon un bon nombre de chercheurs, il serait gagnant de commencer le programme par des entrevues motivationnelles (Miller et Rollnick, 1991). Cela reviendrait donc à aider les clients à faire une analyse des coûts-bénéfices du mode de vie délinquant. Il faudra aussi pouvoir créer des choix de motivations efficaces. Cette attitude non confrontante favoriserait l’établissement d’une bonne alliance thérapeutique. Il ne faut donc pas blâmer le « client », ni les étiqueter. Il ne doit pas non plus être trop moralisateur, trop critique.

8. Indications/Contre indications…

Ces programmes sont indiqués pour toutes les personnes ayant des comportements criminels : Tant les adolescents que les adultes délinquants sont visés. Hommes ou femmes, violents, intoxiqués, psychopathes, détenus, agresseurs sexuels etc.
Il est indiqué que les personnes à risques élevés aient les services les plus intensifs et que ceux qui ont des risques plus faibles aient peu ou pas de service. Le risque alors serait d’accroître les risques au lieu de les diminuer, par des facteurs tel que l’influence des pairs etc.

9. Résultats et efficacité…

Depuis quelques années, de nombreuses études portant sur les programmes correctionnels ont été répertoriées. Toutes les études (Lipsey, en 1992, Moncher et Prinz, Hollin, Andrews et Bonta, en 1998, Cullen et Gendreau en 2000 etc.) ont démontrés l’efficacité des programmes, en testant ceux qui étaient efficaces pour réduire la récidive et ceux qui ne l’étaient pas. Ainsi, tous, intervenants comme chercheurs, reconnaissent la nécessité et la validité de ces programmes.
Des études démontrent aussi que l’effet des programmes augmente avec le respect des principes des services à la personne, du risque, des besoins et de la réceptivité générale. En effet, à présent, les services correctionnels du Canada, comme dans plusieurs pays, cherchent à établir des méthodes afin d’assurer une bonne application de l’intervention. Selon Trotter(1999), il est essentiel que le travail social applique le modèle le plus fidèlement possible aux principes énoncés afin que les résultats soient significatifs. Des résultats montrent que tant les facteurs de réceptivité internes qu’externes sont à prendre en considération, afin de réduire la récidive.

10. Conclusions sur « les ingrédients actifs »…

- Mise en application optimale des programmes :
La sélection, la formation et la surveillance clinique des travailleurs face aux programmes (théories, outils etc.) est favorisée, ainsi que la mise à disposition de manuels sur le programme. Ce sont des ingrédients qui permettent une meilleure intégration des programmes et donc une meilleure intervention.
La motivation, le soutien de la direction, la compétence du personnel, un rapport des coûts-bénéfices, des objectifs et des méthodes claires, une structure hiérarchique bien définie sont des critères de réussite, pour une bonne mise en application des programmes correctionnels dans les services. De plus, l’intervention de chercheurs dans la conception ou la prestation des services accroît l’intégrité des programmes, afin de bien connaître les études consacrées aux pratiques, ainsi que les effets réels du programme.

- Les caractéristiques des programmes :
Le programme, quant à lui, doit être cohérent, et ses objectifs doivent être SMART, c’est dire simples, mesurables, atteignables, réalistes et dans le temps. De plus, le contenu des programmes doit être vu comme faisant partie d’un tout interactif, dynamique et évolutif.
Il est préférable que les programmes soient donnés dans la communauté, lorsque les facteurs de risques sont peu élevés. S’ils sont donnés en unité résidentielle ou en établissement, il est bénéfique d’axer les services sur la communauté.

- Les caractéristiques de l’intervention :

L’intervenant doit travailler dans le sens de la résistance : cela permettra de la réduire, le client devra participer activement à l’élaboration de son plan d’intervention, pour être preneur.
Pendant le traitement, les renforcements doivent être présentés quatre fois plus que les punitions.



10 janv. 2007

¤ QUEBEC ET AMERIQUE DU NORD: Les programmes probants auprès des jeunes délinquants persistants



I.Problématique

Depuis longtemps, le traitement des délinquants est une question sociale fondamentale : peut-on « guérir », « sauver l’âme » de nos criminels ? La majorité des sociétés, traditionnelles ou non, se sont penchée sur cette question, afin de rétablir un bien être social, une sécurité de tous ses membres… « Comment le bien pourrait-il triompher du mal ? »...
Au fur et à mesure que les sociétés « évoluaient » et que les sciences progressaient, se sont développées des théories, puis des théories sont enfantés des traitements. Par des recherches empiriques et théoriques, les traitements ont alors pu être mis l’épreuve, par des méthodes rigoureuses, qualitatives et quantitatives, qui n’ont cessés, jusqu’à ce jour, de s’améliorer.
Ainsi, aujourd’hui, nous pouvons tester, confirmer ou infirmer les pratiques, sans cesse grandissantes dans le domaine de la criminologie. La criminologie, qui est devenue une science, à part entière, dans certains pays, surtout en Amérique, mais aussi dans plusieurs endroits d’Europe. La France quant à elle, n’en est pas encore là : la criminologie est un axe de la psychologie, de la sociologie, du droit. Ayant terminé mes études de psychologie clinique en France, mais ayant toujours eu comme désir et objectif de travailler auprès de population criminelle juvénile, je suis ainsi partie, au Québec, afin de continuer mon parcours « initiatique » dans un continent où les traitements et les interventions auprès des délinquants montrent de plus en plus leur efficacité, démontrée par les chercheurs.


II. Les modèles de traitement…

Dans cette recherche, les modèles de traitements sont en très grande partie largement inspirés de l’approche cognitivo-comportementale, approche que j’ai tenu à étudier étant donné le consensus de la très grande majorité des chercheurs et des auteurs au sujet de son efficacité, en matière de délinquance juvénile (particulièrement la délinquance structurée).
Tous les programmes qui démontrent la meilleure efficacité sont ceux qui sont polyvalents et ne doivent pas avoir une seule technique d’intervention, mais plusieurs modalités différentes, en fonction du jeune. (HOLLIN, 1990, LEBLANC et al., 2002, DIANNE et COURNOYER, 2005)

Les programmes cognitivo-comportementaux, qui consistent à améliorer les habiletés dans la gestion de la colère, par la restructuration cognitive, l’acquisition d’habiletés et l’entraînement à l’application (à travers le réencadrement cognitif, l’entraînement à la relaxation, l’imagerie, le modelage et les jeux de rôle), s’avèrent efficace et diminuent significativement la colère, chez les jeunes contrevenants. (BECK and FERNANDEZ, 1998).
De plus, les ateliers incluant les problèmes de résolutions interpersonnelles, l’entraînement au contrôle de soi et à la gestion de soi, l’entraînement, la gestion de la colère, la prise de rôle, le développement du jugement moral sont également ceux qui semblent les plus satisfaisants. (HOLLIN, 1990).

Ainsi, le programme Reasoning and Rehabilitation (R and R) de Ross et Fabiano (1985) est vu comme l’un des meilleurs programme existant, puisqu’il comporte des éléments d’habiletés sociales, de résolution de problèmes interpersonnels, de modèles cognitifs, de prises de perspectives sociales, de raisonnement critique, de valeur, de méta-cognition, et de contrôle de soi. Le programme demande 80h d’entraînement intensif avec des groupes de 4 à 6 jeunes en probation, mais montre des résultats d’une efficacité extrême, après 9 mois, avec un taux de récidive de 18%, au lieu de 70% pour le groupe de probation et 48% pour celui dans un groupe d’habiletés de vie. (HOLLIN, 1990, LANDENBERGER and LIPSEY, 2005)

Cependant, le programme ART, à plusieurs modalités, qui utilise les techniques d’habiletés sociales et de thérapie cognitivo-comportementale de Glick and Goldstein (1987), est retenu comme montrant le plus d’efficacité. (HOLLIN, 1990, BARNOSKY, 2002, LANDENBERGER and LIPSEY, 2005) Il s’agit d’un programme cognitivo-comportemental, de 10 semaines avec 30 heures d’intervention administrées en groupe de 8 à 12 jeunes contrevenants, trois fois par semaine (soit 1 heure par atelier de groupe). Pour être éligible, le jeune contrevenant, doit avoir un risque de récidive modéré ou élevé, et avoir un problème d’agressivité ou un manque d’habiletés pro-sociales. En répétant les techniques apprises dans les ateliers, les jeunes doivent développer de nouvelles habiletés, de contrôle de la colère et utiliser des comportements appropriés.


III. Les cadres et contextes de prédilection…


Les programmes d’interventions auprès des jeunes contrevenants les plus sévères sont effectivement efficaces, de façon significative, quel que soit le type de jeunes. Plus ils sont secondés par des programmes spécifiques particuliers, plus l’efficacité est significative. La différence entre l’efficacité des traitements en milieu institutionnel et communautaire n’est pas significatif, mais toutefois un peu plus élevé dans la Communauté. (LIPSEY and WILSON, 1998). En contexte non institutionnel, le pourcentage d’efficacité des programmes sur la récidive est de 50%, par rapport à 30% pour le groupe contrôle, ce qui correspond à une réduction de la récidive de 40%, avec une meilleure efficacité d’abord pour des programmes de rencontres individuelles, d’habiletés interpersonnelles et des programmes comportementaux. En contexte institutionnel, le taux de diminution de la récidive est de 30 à 35%, ce qui reste, là encore, très élevé. Les programmes à prioriser qui fonctionnent le mieux sont les habiletés interpersonnelles, puis les techniques d’enseignement à la vie de famille, puis les programmes comportementaux.
Il apparaît effectivement que les programmes de probation, d’autant qu’ils soient intensifs soient bien efficaces avec ces types d’adolescents et plus efficace dans le temps (1 an après l’ordonnance) que les programmes en centre de garde, ou en probation régulière. Il faut qu’ils présentent de hauts risques d’activités délictuelles tout en ayant un niveau modéré de besoin. Enfin, l’intervention doit se focaliser sur les facteurs de risque. (DIANNE et COURNOYER, 2005)


IV. L’implication des membres de la famille…


Quelque soit le programme utilisé, une perspective d‘action multi systémique est recommandé: effectivement, il est nettement conseillé que les parents soient acteurs et impliqués dans l’apprentissages et l’entraînement des habiletés des jeunes. (DIANNE et COURNOYER, 2005) Une famille actrice et partenaire est essentielle dans le suivi et engendre une meilleure efficacité des programme, et donc, une diminution de la récidive plus significative. (GOLDSTEIN, 1989, DIANNE et COURNOYER, 2005)
Dans son étude extrêmement riche et complète, OLLENDICK (1996) évoque des programmes cognitivo-comportementaux de formation aux parents, consistant à développer des habiletés parentales. Selon un grand nombre de recherches, ces ateliers améliorent non seulement le comportement du jeune à la maison, mais dans la communauté. De plus, une attention particulière doit être mise sur la bonne relation parent-enfant.

V. Le continuum des services…


Pour une efficacité totale, lorsqu’il s’agit d’un suivi intensif dans la communauté, soit, les plus efficace auprès des jeunes délinquants persistants, aux programmes doivent être ajoutés plusieurs conditions, soit participer à des activités prosociales (loisirs, école, travail etc.) d’au moins 30 à 40h par semaine et avoir des couvre feu quotidien (DIANNE et COURNOYER, 2005).

VI. L’innovation…


BARNOSKY (2002) cherche à étudier l’efficacité d’une thérapie dialectique comportementale, mise en place à Washington, qui est un traitement cognitivo-comportemental compréhensif, spécialement conçue pour les individus pour qui il est difficile de traiter des dysfonctionnements mentaux. Originalement développé par M. Linehan, pour les individus suicidaires, ayant des difficultés à réguler leurs émotions, les programmes de DBT incluent l’entraînement et la consultation pour améliorer les habiletés des individus. Pour cela, les DBT ont un versant individuel, et un de groupe. D’abord, en petit groupe, tous les résidents vont dans des ateliers d’entraînement aux habiletés. L’emphase est mise sur l’aide à l’acquisition de nouvelles compétences, une à une, à travers les renforcements et la généralisation, jusqu’à ce que le jeune soit capable de les utiliser dans les interactions quotidiennes. Dans un second temps, le jeune est en thérapie individuelle, et l’intervenant travaille avec lui sur une analyse des comportements, une restructuration cognitive, un entraînement aux habiletés, etc. Puis, on enseigne aux partenaires (famille, assistants sociaux etc.) comment supporter et renforcer les nouvelles habiletés du jeune. Enfin, des réunions d’équipe sont organisées afin que les intervenants reçoivent une rétroaction pour s’assurer qu’ils adhèrent au cadre de la DBT.
Bien qu’il faille rester vigilent sur les résultats de cette étude, puisqu’elle n’est que préliminaire, il me semble que cette étude soit très pertinente et qu’elle puisse donner des pistes intéressantes, au sujet de la méthodologie pour mettre en place des programmes cognitivo-comportementaux en institution, plus particulièrement en ce qui concerne les quatre temps d’intervention.
Une seconde étude de BARNOSKY (2002), s’est intéressée à l’efficacité du programme ART, dans des institutions de jeunes contrevenants. Ce qui m’a semblé original et intéressant, c’est qu’en plus de l’application du programme ART, un groupe de discussion était mis en place, guidé par des animateurs, pour corriger les pensées anti-sociales des jeunes, et que cela semblait démontrer des résultats encourageants.

VII. Les conditions facilitant l’implantation…


La qualité de la mise en application doit être bonne puisqu’elle influe sur les résultats. (LEBLANC et al., 2002, LIPSEY, 2005) Pour cela, il faut être vigilent aux résistances de l’institution (maintient des punitions plus que de la réhabilitation, conflit de rôle entre gardien de prison et thérapeute, mise en place de l’intervention pour une bonne efficacité, les résistances du personnel et des chefs etc.), et les contrer par différents moyens : DIANNE et COURNOYER (2005), avancent qu’il faut avant tout des professionnels compétents toujours formés, qu’il est nécessaire de valoriser et prendre en compte les réflexions des intervenants dans la recherche « recherche action », puis faire des recherches évaluatives (élaboration et évaluation des programmes en cours d’implantation). C’est une fois la maturité du programme atteinte que les devis expérimentaux devraient se faire. Les résistances du client (pas de motivation à changer) contribuent aussi aux échecs des traitements, s’ils ne sont pas pris en compte sérieusement lors de l’implantation des programmes. (GOLDSTEIN, 1987, SHIVRATTAN, 1988, HOLLIN, 1990) En effet, malgré que la population ciblée soit non volontaire, il est nécessaire d’engager les jeunes dans une motivation et une ouverture au programme et de leur laisser le choix de ne pas participer. Pour cela, le modèle de GOLDSTEIN est conseillé par la plupart des études (HOLLIN, 1990, SHIVRATTAN, 1988, LANDENBERGER, and LIPSEY, 2005)

Ainsi, reprenons les grandes lignes de l’implantation du programme ART, qui a démontré son efficacité : Après le développement du programme d’étude ART, la phase préparatoire consistait dans l’entraînement rigoureux du personnel, puis la structuration du résident : c’est là que la motivation du jeune et sa mobilisation est sollicité par différents moyens pendant deux semaines précédant le début du programme, notamment par l’information, la campagne d’affiches, accrochées dans le hall, la salle a manger et n’importe où d’autre où était inscrit « Quelque chose de gros va commencer », « Joignez vous au gang des types de colères », des rencontres en groupe et individuelles sont également organisées pour présenter l’intérêt et les points forts du programme. A la fin des sessions, il est dit aux jeunes qu’ils iront ensemble manger une pizza, pour ceux qui auront complété leur devoir. (GOLSTEIN and GLICK, 1987).

L’étude de PULLEN (1996) est une très belle illustration de l’échec d’une bonne implantation d’un programme, R&R, dans différentes régions du Colorado, dans les services de probation intensive. Après un enregistrement vidéo des sessions d’apprentissage et des habiletés présentées par les intervenants aux jeunes contrevenants, revue ensuite par E. Fabiano, l’une des précurseurs du programme, les conclusions ont montré une amélioration au niveau de l’attitude, aucun résultat significatif au niveau de la récidive. Celle-ci a remarqué que les sessions n’étaient pas proposé de manière correcte, les informations cruciales n’étaient pas toujours communiquées, les concepts et les compétences demandés n’étant pas assimilés par les animateurs et mal expliqués, les combinaisons des sessions inappropriées, les leçons mal préparées, ce qui engendrait que les jeunes contrevenants ne comprenaient ni connaissances ni compétences, puisque le programme n’était finalement pas pertinent pour les jeunes. Le problème dénoncé par les animateurs est qu’ils n’avaient pas suffisamment de temps pour préparer les sessions. Les jeunes, quant à eux, n’étaient pas motivés et avançaient qu’ils étaient obligés de participer contre leur grès à ces ateliers.
Cette étude a pu démontrée que l’implantation du programme n’était que minimal, entre 1994 et 1995, au Colorado. Bien qu’il était indispensable de délivrer des périodes pour que les intervenants puissent être formés, le programme a manqué de support institutionnel. Effectivement, il y a eu un problème important au niveau de l’administration du programme, y compris le manque de formation des animateurs.
Ainsi, des recommandations ont été faites afin que les programmes puissent être facilités dans les structures, dont les plus pertinentes sont :
- Si l’état de département judiciaire projette de continuer à mandater la participation dans le programme, l’administration doit donner une priorité totale et mettre en œuvre les éléments suffisants pour le fonctionnement du programme et donc, redistribuer des ressources et mettre en place un dispositif de contrôle de l’application du programme.
- Les animateurs doivent être intéressé à présenter le programme, et ne peuvent être obligés. Des dispositifs doivent être mis en place afin de les intéresser.
- Augmenter le support administratif pour le programme, et chaque professionnel devrait être obligé à participer à participer à une réunion sur les principes, les exigences du programme pendant et pour la rééducation.
- Une session booster devrait être faite entre 30 et 45 jours après les ateliers.
- L’entraînement devrait être davantage favorisé
- Améliorer et diriger la mise en oeuvre et la qualité du programme
- Engager un coordinateur à temps plein pour la région, pour coordonner les sessions, examiner le programme et la forme d’évaluation, et d’être une ressource disponible aux animateurs, qui auront besoin de réponses concernant le programme
- Pendant la probation, il faudrait renforcer et encourager les parents à participer activement aux processus d’apprentissage de leurs jeunes.

VIII. L’efficacité…

Toutes les études le prouve : L’intervention auprès des délinquants en difficultés est efficace. Mais pour s’assurer d’une meilleure efficacité du traitement, trois facteurs sont pris en compte (LIPSEY, 1995) :

- La modalité et le type de traitement : Ce qui ressort des études, c’est le modèle psychoéducatif, avec l’approche cognitivo-comportementale et cognitivo-développementale, suivi dans un contexte judiciaire, et quand il est combiné à d’autres.
La forme d’adaptation différentielle semble effectivement la plus efficace, car aucun programme ne fonctionne avec tous les délinquants : les mesures et les méthodes doivent être adaptées aux types d’adolescents en difficulté : C’est au programme de s’adapter au client et non au client de s’adapter au programme. (HOLLIN, 1995) Pour cela, une approche différentielle doit intégrer la notion d’appariement entre l’intervention et le jeune. (LEBLANC et al., 2002, DIANNE et COURNOYER, 2005). Plus particulièrement, l’intervention auprès de jeunes en difficultés nécessiterait la présence de 4 éléments : l’intervenant, l’adolescent, la mesure et la méthode. Pour une efficacité optimale, c’est 4 éléments doivent être interreliés. (LEBLANC et al., 2002)
Ainsi, à l’unanimité des études les plus récentes, c’est le programme ART qui semble privilégié (LEBLANC et al., 2002, BARNOSKY , 2002, DIANNE et COURNOYER, 2005). En effet, celui-ci montre une corrélation plus élevée dans ses résultats, suivi du programme R&R. Lorsque tous les facteurs sont présents, dans les 12 mois qui suivent l’intervention, il y a 25% de chute de la récidive, ce qui correspond à 52% de moins que dans le groupe contrôle. (LANDENBERGER, and LIPSEY, 2005). Pour une implantation du programme dans la communauté, les parents et la famille sont sollicités pour participer au programme, et non simplement les jeunes. Cela durera 3 mois, où il y aura 2 rencontres par semaine, pour un total de 25 sessions, d’entre 1h 30 et 2h. Le premier temps est consacré à une discussion sur les différentes situations de vie vécues, puis, l’apprentissage et l’entraînement aux habiletés, sur une alternative basique, puis un entraînement au contrôle de la colère, ou de l’éducation morale (GOLDSTEIN, 1989)

- Le degré d’évolution des recherches dans l’application et l’implantation du traitement : Ceux-ci ont aussi bien évidemment un grand impact sur les changements du jeune, les recherches doivent donc être bien fondées et le programme bien implanté. (cf. voir le point précédant)

- Le « dosage » du traitement donné aux jeunes : Là encore, il doit s’adapter aux besoins du jeune, mais doit toutefois être intensif et d’un minimum de 26 semaines, soit de plus de six mois, et plus de cent heures de contact au total, trois rencontres par semaine avec un intervenant, rencontre familiale hebdomadaire, auto-observations quotidiennes, respect d’un contrat comportemental sur les distorsions cognitives. (DIANNE et COURNOYER, 2005) Selon les études de Lipsey (2005) Le programme en tant que tel devait être d’un minimum de 16 semaines, soit 4 mois. Les ateliers proposés doivent être contrôle de la colère (identifier les circonstances de la colère et trouver des moyens pour la contrôler) et résolution de problème interpersonnel (s’arrêter avant d’agir, prendre conscience de ses erreurs de pensée et modifier les pensées, trouver des solutions pro-sociales).

Suites à ses études, HOLLIN (1990) fait quelques recommandations qu’il me semble également intéressant de présenter ici : évaluer le jeune et ses besoins individuels pour maximiser les chances d’une analyse précise fonctionnelle ; avoir les critères claires pour l’intervention (motivation, volonté de s’ouvrir sur ses délits) ; faire une distinction claire entre les cibles criminologiques et cliniques ; être préparé à concevoir une étude de cas complexe en utilisant de multiples lignes de base pour travailler la cognition et le comportement ; faire attention aux questions relatives à l’intégrité du traitement (l’entraînement et la motivation du personnel et des familles influent sur le programme) ; construire des stratégies de généralisation à l’intérieur des programmes ; pour des intérêts professionnels et pour les futures générations de jeunes contrevenants, se préparer à entrer ces traitements dans les politiques et le social ; être préparé à contrer les mythes selon quoi rien ne fonctionne avec des méta-analyses etc.

IX. Les méta-analyses…

- BECK, R. and FERNANDEZ, E. (1998) réalisent une méta-analyse afin d’évaluer l’efficacité des programmes dans le traitement de la colère, en s’intéressant uniquement aux thérapies cognitivo-comportementales, qui sont celles qui ont déjà montré la supériorité de leur efficacité par rapport aux autres thérapies. En restant fidèle à la méthodologie qui apparaît dans les 50 recherches retenues et conduites sur 25 ans, de 1970 à 1995, ils présentent l’approche d’habiletés reproduites, dont l’intervention est en trois phases : la préparation cognitive, l’acquisition d’habiletés et l’entraînement à l’application.


-La méta-analyse d’OLLENDICK (1996), pose la question sivante : Qu’est-ce qui peut être fait au sujet de la violence des jeunes ? Il présente une recension des écrits extrêmement riche et variée, comportant des auteurs théoriques fondamentaux qui ont traités le sujet de la violence et de l’agressivité, ainsi que des chercheurs qui ont fait des études, non seulement en Amérique du Nord, mais également dans les pays européens, d’outre mer, d’Asie et d’Afrique, en ce qui concerne les facteurs, les effets de la violence et de la délinquance, ainsi que les traitements les plus efficaces.

- La méta-analyse de LANDENBERGER. et LIPSEY (2005), qui évalue les effets positifs des programmes cognitivo-comportementaux pour les contrevenants. Elle reprend d’autres méta-analyses, notamment de Pearson (2002), de Wilson et al (2005), de Lipsey (2001 et 2005), puis des recherches bibliographiques, datant de 1965 à 2005, des études sur Internet, dans les journaux spécialisés, les bibliographies, les moteurs de recherches.

- La méta-analyse de LIPSEY (1995) vise à voir l’efficacité des traitements cognitivo-comportementaux sur les jeunes contrevenants. Celle-ci s’inspire de 400 études auprès de jeunes contrevenants de 12 à 21 ans, publiés ou non, menées dans des pays anglophones, de 1950 à 1995, qui examinent le changement dans le niveau de délinquance de groupes de jeunes ayant eu un traitement (quel qu’il soit), en comparaison avec des groupes contrôles (non traités).

- La méta-analyse de HOLLIN (1990) reprenant, quant à elle, toutes les recherches sur l’intervention cognitivo-comportementale auprès de jeunes contrevenants, tant des programmes individuels (thérapie comportementale individuelle, programme d’entraînement aux habiletés sociales, programme cognitivo-comportemental, programme multimodal) que des programmes institutionnels (économie de jeton, les endroits d’accomplissement) ou en communauté (intervention en milieu scolaire, en milieu familial, et la probation), tente de dégager quelques éléments de succès et d’échec, concernant les connaissances qu’il existe de l’intervention cognitivo-comportementale.

- La méta-analyse de LIPSEY et WILSON (1998) traite de l’intervention efficace auprès de jeunes contrevenants. Ainsi, ils reprennent tous les résultats de 200 études expérimentales et quasi-expérimentales concernant l’efficacité des interventions auprès des jeunes contrevenants structurés, en y modifiant les résultats, ceux-ci n’étant pas assez précis, selon leur point de vue. En effet, aucune distinction n’avait été faites jusque là entre les différents types de criminels, particulièrement les plus sérieux, qui sont pourtant les plus résistants au traitement. Les caractéristiques des 200 études, publiées entre 1950 et 1995, sont très diversifiées, tant au niveau des sources, des pays de provenances, des disciplines des auteurs que des types, des âges, des origines ethniques, des programmes testés, ou encore que des méthodes et procédures.

X. Commentaire critique…

Les études que j’ai pris en compte ne sont peut-être pas les plus pertinentes, en terme de précision. Souhaitant évoquer le processus de généralisation des acquis auprès des jeunes contrevenants, en unité de garde, dans cette recherche, qui est un processus découlant de l’approche cognitivo-comportementale, je me suis rapidement confrontée à la réalité suivante : le sujet était trop précis, et il m’était impossible de recueillir le nombre d’études suffisantes, à moins d’ « extrapoler » largement le sujet. Ainsi, j’ai choisi d’être plus générale et d’ouvrir mon sujet aux programmes efficaces auprès des jeunes délinquants persistants, afin de pouvoir refermer petit à petit à des programmes, puis à des techniques à l’intérieur même des programmes.
C’est ainsi par « la méthode entonnoir » que j’ai procédé tout au long de cette recherche : Dans certaines études effectuées, la population étudiée s’ouvre au-delà même des jeunes contrevenants. Celle de LANDENBERGER et LIPSEY (2005) étudient les contrevenants en général. Mes premières lectures (méta-analyses) s’étant entendues sur les traitements avec une approche cognitivo-comportementale, voilà pourquoi j’ai délimité rapidement mon sujet à cette approche et que, dans cette optique, cette méta-analyse de 2005 était un grand apport pour moi : Ses données extrêmement récentes en terme de traitements efficaces auprès des contrevenants étaient très pertinents, si bien qu’il m’a semblé judicieux de la présenter en guise d’introduction.
Dans celle de BECK et FERNANDEZ (1998), la population concernée est plus vaste encore puisqu’elle a comme objet les traitements les plus efficaces pour faire diminuer la colère et ne s’intéresse pas uniquement aux jeunes contrevenants mais s’étend aux parents abusifs, aux écoliers avec des troubles du comportements et de personnalité, aux adultes et adolescents normatifs et aux détenus. Mon objectif, dans cette recherche, étant de parvenir à une idée assez claire d’un programme pour jeunes délinquants persistants, basé sur des idées probantes, cette méta-analyse évoquait les traitements de la colère, que nous voyions, au fur et à mesure, comme nécessaire à prendre en compte dans les programmes efficaces pour diminuer la récidive. Ainsi, cette méta-analyse, qui a également utilisé des études spécifiquement réalisée sur les adolescents persistants a pu nous apporter un modèle de programme de gestion de la colère plus précis, qui apportait les meilleurs résultats.
Cette recherche des programmes les plus efficaces auprès de jeunes délinquants persistants m’a mené aux programmes de Goldstein et de Ross et Fabiano. C’est pourquoi j’ai repris les études de GOLDSTEIN (1987 et 1988), de BARNOSKY (2002), de ROHDE (2004), de PULLEN (1996), bien plus précises en terme de programmes et de facteurs significatifs ou non.
Cependant, par cette démarche, il est possible que j’ai délaissé des études plus générales et plus pertinentes en terme de validité notamment méthodologique, au profit de ces dernières, dont certaines sont des recherches pilotes qui prédisent des résultats mais ne peuvent les avancer avec une certitude absolue, ce qui enlève de la valeur à ma recherche et donc, à mes conclusions.

XI. Commentaire méthodologique…

La plupart des études, notamment des méta-analyses retenues, ont une méthodologie très rigoureuse. Notamment, pour Lipsey et Wilson (1998), les études réalisées jusque là sont toutes trop générales, et proposent des interventions trop uniformes. Les caractéristiques associés à l’efficacité des programmes d’intervention étant très différentes, selon qu’on se situe en institution ou en communauté, ceux-ci se proposent de faire une recherche, qui divise les interventions les plus efficaces, en contexte institutionnel, ou en contexte communautaire. Reprenant tous les effets de taille afin d’être le plus fidèle possible dans la compilation des résultats, la méthodologie utilisée par Lipsey et Wilson est la plus rigoureuse, à ma connaissance, en ce qui concerne la précision des résultats.

Pourtant, certaines, particulièrement trois, doivent être prises avec plus de recul : les deux études de BARNOSKY (2002), ne présentent que des résultats préliminaires, ce qui enlève de la valeur aux conclusions de la recherche. Ces études, réalisées dans des établissements de Washington, entre 1998 à 1999, présentent des résultats sur la récidive, 12 mois après le programme, celles-ci devaient se prolonger sur une période de 18 mois après la période de suivi. Les résultats n’étaient donc pas encore communiqués à ce moment-ci de l’étude. De plus, la méthodologie n’est que très peu évoquée (ce qui ne permet pas de s’assurer de sa validité) et le cadre gouvernemental ayant comme second objectif de faire une étude de dépense (à savoir si de tels programmes sont avantageux sur le plan financier), il ne faut pas mettre de coté la possibilité que les résultats ne soient pas fiables, voire modifiés en fonction des conclusions budgétaires…


Mais il semble que ce soit l’étude de Rohde (2004) avec laquelle nous nous devons d’être vigilent : En effet, il ne s’agit là que d’une recherche pilote (réalisée entre 2001 et 2002, avec 76 adolescents de sexe masculin âgés de 12 à 25 ans, incarcérés dans un service correctionnel très sécuritaire), qui comporte des failles. La première grande limite concerne le fait que les résultats sont uniquement basés sur la parole (les réponses) des jeunes, ce qui est, en soit, subjectif. En plus de cela, les questions concernent principalement les cognitions et les pensées, ces deux choses étant majoritairement difficile d’accès pour cette population. Ainsi, il est difficile de s’assurer du crédit des réponses. Ainsi, l’efficacité de cette étude est loin d’être total, et nous donne simplement un léger aperçu concernant le type d’élément susceptible de travailler avec le jeune contrevenant, notamment dans les unités de garde.

XI. Conclusion: Consensus, débats et inconnus

Toutes les études s’entendent sur l’efficacité des traitements ognitivo-comportementaux, auprès des jeunes contrevenants persistants. Ils vont tous plus loin encore et reconnaissent qu’une seule méthode n’est pas préconisée avec tous les délinquants. (GOLDSTEIN, 1987, HOLLIN, 1990 LIPSEY, 1995). En effet, avec l’évolution des études, on reconnaît de plus en plus qu’il est nécessaire de prendre en compte les problématiques des jeunes (type de délinquance, type de personnalité) dans le traitement, afin de s’adapter au jeune, et non l’inverse.

En ce qui concerne les programmes cognitivo-comportementaux, il semble que plusieurs principes soient pris en considération par les auteurs, en tant que facteur qui améliore l’efficacité auprès des jeunes contrevenants persistants : Les programmes de gestion de la colère ainsi que des entraînements aux habiletés interpersonnelles sont ceux qui sont le plus souvent favorisés auprès de ces jeunes délinquants. Pour une bonne efficacité de ces apprentissages, un modèle de session est proposé, avec de nouvelles habiletés ou des alternatives sont proposés au jeune, suivi d’un jeu de rôle (modeling). Après cela, il semble aussi par un grand nombre de chercheurs qu’il soit important de les faire pratiquer lors de la semaine l’habileté proposée, un maximum de fois possible, et grâce à l’aide de travaux pratiques à réaliser. C’est cette répétition qui permettra aux jeunes d’apprendre les techniques apprises pendant les ateliers et à développer ainsi de nouvelles habiletés.
Cependant, les auteurs ne s’entendent pas exactement sur les caractéristiques des programmes : GOLDSTEIN (1987) décrit son programme comme en 25 sessions : 13 semaines, à un rythme de 2 par semaine d’1h 30 à 2h, pour un total de 40 à 50h. D’autres évoquent 30 sessions d’1h, pour un total de 30h (BARNOSKY, 2002). D’autre propose 16 sessions de 2h par atelier, pour un total de 32h. (ROHDE, 2004). D’autre encore de 32 sessions à un rythme de 2 ateliers par semaine, pour un total de 48h (LANDERBERGER et LIPSEY, 2005). On peut toutefois voir des différences qui ne sont pas réellement significatives.
Quoi qu’il en soit, quelques études ont aussi pu illustrer ce que la plupart des chercheurs évoquaient : une bonne implantation et intégrité du programme est essentielle pour que les effets attendus du programme puissent être observés.

La motivation du jeune est également est un facteur qui semble indispensable, dans les études où celle-ci est évoquée. Ainsi, il semble indispensable que le jeune soit motivé à participer au programme pour que les résultats concernant sa récidive soit efficace : un jeune en résistance n’acquerrera aucune compétence et ne mettra pas en application ses apprentissages. Pour cela, nous dégageons de ces études que les processus de renforcements sont ceux qui sont priorisés pour développer cet investissement chez le jeune.

L’implication des parents dans les acquis de leurs jeunes semble un facteur reconnu par tous. Cependant, là-dessus, des divergences existent au niveau de la technique à privilégier : Certains feraient participer directement les parents à des ateliers conçus spécifiquement pour eux, alors que d’autre les ferait participer aux ateliers des jeunes (GOLDSTEIN, 1987, LIPSEY, 1995). Enfin, pour d’autre, mettre les parents au courant en leur donnant quelques techniques pour supporter leur jeune est ce qui favorisé (BARNOSKY, 2002)
Ainsi, pour toutes ces considérations, le programme reconnu, quasiment à l’unanimité est le programme de ART de Goldstein, bien que certaines études mettent aussi en avant le programme R&R de Ross et Fabiano (1985) comme un programme qui démontre une efficacité presque semblable. Cependant, certaines recherches en ce qui concerne les effets significatifs n’ont pas pu démontrer l’efficacité du programme R&R, notamment à cause d’une défaillance au niveau de l’implantation, alors que les résultats du programme ART ont pu être reconnu à de multiples fois.

XII. Bibliographie :

- BARNOSKY, R. (2002). Preliminary findings for the juvenile rehabilitation Administration’s dialectic behavior therapy program. Olympia, Washington: The Evergreen State College, Washington State Institute for Public Policy.


- BARNOSKY, R. (2002). Washington State’s Implantation of Agression Replacement Training for Juvenile offenders: Preliminary findings. Olympia, Washington: The Evergreen State College, Washington State Institute for Public Policy.

- BECK, R. and FERNANDEZ, E. (1998). “Cognitive-Behavioral Therapy in the Treatment of Anger: A Meta-Analysis.” Cognitive Therapy and Research, 22, 1, 63-74.

- DIANNE, J. and COURNOYER, L.G. (2005). « Trajectoires délinquantes, la réadaptation est possible… à certaines conditions ». Prisme, 45, 206-217.

- GOLSTEIN, A.P. and GLICK, B. (1987). “Program description and evaluation”, in Agression Replacement Training: A comprehensive intervention for aggressive youth. Champaign, Illinois: Research.

- GOLDSTEIN, A.P. and al. (1989). “Program evaluation”, in Reduncting delinquency, intervention in the community. Psychology practitioner guidebooks, Pergamon Press, 80-93

- HOLLIN,C. R. (1990). “Outcome and evaluation” and “Success and failure”, in Cognitive-behavioral interventions with young offenders. Psychology practitioner Guidebooks, Pergamon Press, 110-152.

- LANDENBERGER, N.A. and LIPSEY M.W. (2005). “The positive effects of cognitive-behavioral programs for offenders : A meta-analysis of factors associated with effective treatment”. Journal of Experimental Criminolog. 1, 451-476. Psychinfo

- LEBLANC, M. and al. (2002). “Les principes de l’intervention différentielle”. In LEBLANC, M et al. (dir). Intervenir autrement : Un modèle différentiel pour les adolescents en difficulté. Québec, Gaétan Morin Editeur.

- LIPSEY, M.W. (1995). “What do we learn from 400 research studies on the effectiveness of treatment with juvenile delinquents?”. What works: reducing reoffending. Guidelines from Research and practice. J.Willey and Sons Ltd. 63-78.

- LIPSEY, M.W. and WILSON, DB. (1998). “Effective intervention for serious juvenile offenders: A synthesis of research”. In R. LOEBER and D. FARRINGTON. Serious and Violent juvenile Offenders: Risq factors and successful interventions. Thousand Oaks, CA: Sage Publications, 313-345.

- OLLENDICK, T.H. (1996). “Violence in Youth: Where Do We Go From Here?”. Behavior Therapy, 27, 485-514.

- PULLEN, S. (1996). “Evaluation of the reasoning and rehabilitation cognitive skills development program as implanted in juvenile ISP in Colorado.” Colorado Division of criminal justice.

- ROHDE, P. and al. (2004). “Pilot Evaluation of the Coping Course: A Cognitive-Behavioral Intervention to Enhance Coping Skills in Incarcerated Youth”. J.Am.Acad.Child Adolesc.Psychiatry, 43, 6, 669-676. Psychinfo

- SHIVRATTAN, J.L. (1988). Social interactional training and incarcerated juvenile delinquents. Canadian Journal of Criminology, 30, 145-163.


10 mai 2006

¤ QUEBEC: Réflexion sur la place de la psychanalyse dans l'intervention auprès des jeunes contrevenants



INTRODUCTION

Les actes criminels des mineurs sont l’une des grandes préoccupations de nos sociétés, européennes comme nord américaines. Il paraît essentiel, afin de proposer des traitements adaptés aux adolescents délinquants, de tenter de comprendre les mécanismes qui sont à l’origine de tels passages à l’acte, quelle que soit la nature du délit. L’influence de la psychanalyse, et par extension de l’approche psychodynamique, sur le développement de la psychocriminologie se situe essentiellement dans son intérêt pour les motivations inconscientes et les conflits internes qui peuvent concourir à amener un adolescent à commettre des actes délictueux. (D. Casoni, 2003) De nombreux travaux, depuis l’apparition de la psychanalyse, et particulièrement une quarantaine d’année, ont permis de faire avancer la compréhension du fonctionnement psychique des individus qui s’engagent dans un mode de vie délinquant. C’est donc dans un souci d’effectuer une étude individualisée qui vise à comprendre le jeune qui a commis l’acte criminel, sur un plan psychique, que je me poserais la question suivante : En quoi la perspective psychanalytique est-elle nécessaire dans le traitement de la délinquance juvénile?

La première partie sera consacrée à l’acte délinquant dans le courant de la psychanalyse. Comprenez bien que pour proposer un cadre conceptuel explicatif de la psychanalyse dans le champ de la délinquance, il sera inévitable de suivre des voies théoriques, que je me serai efforcée de rendre le moins pesantes possible, afin de ne pas décourager le lecteur. Tout d’abord, je ne peux pas omettre de définir, dans un premier temps, ce qu’est la psychanalyse. Je montrerai alors comment elle s’est petit à petit intéressée à l’adolescence, puis à la délinquance, en évoquant les principaux pionniers européens, à mes yeux. Je terminerai cette première partie en proposant les concepts psychanalytiques qui éclairent le fonctionnement psychique du délinquant.
Dans sa pratique clinique, le criminologue a recours à différentes méthodes d’évaluation et différents modes de traitement. Dans ma seconde partie, je m’intéresserai donc aux différents modèles d’intervention d’influence psychanalytique, axés sur la compréhension de l’agir délinquant, qui peuvent être proposés au mineur dans le cadre judiciaire. Je présenterai successivement les cinq types de psychothérapies psychanalytiques qui semblent être les plus utilisées, puis rendrai compte des limites de leur application dans le domaine de l’adolescence délinquante.
Enfin, lors de la troisième partie de ce travail, je confronterai la théorie psychanalytique avec les trois principales approches dans le traitement de la délinquance juvénile. Mon objectif sera que vous puissiez saisir à quel point l`éclairage des concepts psychanalytiques dans les différents modèles d’intervention est intéressant, à quel point il semble indispensable de les intégrer dans notre pratique, si nous voulons apporter l’aide la plus exhaustive possible à ces jeunes.

I. L’Évolution de la Psychanalyse dans le champ de l’adolescence Délinquante

1. Comment définir en quelques mots ce qu’est la psychanalyse?


Afin que nous nous entendions sur ce qu’est la psychanalyse, il paraît essentiel d‘en définir le concept dès maintenant. Cependant, je souhaite dors et déjà rassurer mes lecteurs… Étant consciente non seulement de la complexité de ce domaine mais aussi de sa spécificité, qui nécessite de l’avoir longuement étudié pour en comprendre ses aspects les plus complexes, je tenterai d’être la plus brève et la plus claire possible, afin de ne pas risquer de vous décourager en vous proposant une lecture indigeste.

La psychanalyse ne peut être évoquée sans y introduire son père fondateur, le médecin viennois S. Freud, qui l’a fondé à partir de 1885. Il me semble toutefois essentiel, pour permettre une meilleure compréhension de la définition que je proposerai, de présenter le contexte d’apparition de la psychanalyse. Celle-ci a été précédée de deux phases dans les recherches de Freud, qui lui permirent de se rendre compte que la remémoration et la réactualisation émotionnelle des scènes traumatiques conduisaient à la guérison de ses patients:
- la méthode cathartique, qui consiste à mettre le patient sous hypnose afin de découvrir l'origine des symptômes hystériques.
- l'association libre, qui vise à pratiquer la catharsis sans l'hypnose. Freud cherche alors à favoriser la remémoration en invitant le patient à dire librement ce qui lui vient à l'esprit et en travaillant sur les chaînes associatives.

C’est ainsi que Freud donna une définition de la psychanalyse, en 1922, en trois termes. Elle est à la fois :
- une méthode d’investigation de processus mentaux qui consiste essentiellement à mettre en évidence la signification inconsciente des paroles, des actions et des productions imaginaires (tels les rêves, les fantasmes, les délires) d'un sujet.
- une technique de traitement des désordres névrotiques, basée sur cette méthode d’investigation, et rendue spécifique par l'interprétation contrôlée de la résistance, du transfert et du désir. En ce sens, le mot « psychanalyse » est synonyme de «cure psychanalytique».
- un corps de savoir psychologique dont l’accumulation tend à la formation d’une nouvelle discipline scientifique. C’est donc un ensemble de thèmes psychologiques et psychopathologiques où sont systématisées les données apportées par la méthode psychanalytique d'investigation et de traitement.

Il semble également indispensable d’ajouter à cette définition le concept d’appareil psychique que modélise la psychanalyse par des « topiques », qui indiquent des « lieux », non pas au sens propre, mais des systèmes structurés qui s'articulent entre eux selon une dynamique. Freud a défini un grand nombre de concepts « métapsychologiques » pour parvenir à décrire cet appareil psychique véritablement complexe. Dès 1895, il élabore une première topique : celle qui distingue le conscient, le préconscient (autrement dit, la mémoire accessible), et l'inconscient, comprenant notamment les souvenirs refoulés, inaccessibles. Puis, en 1920, il crée une seconde topique, qui distingue le Ça, pôle pulsionnel inconscient de la personnalité, le Moi et le Surmoi. Le Moi doit assurer une adaptation à la réalité, là où le Ça ne se préoccupe pas des contraintes extérieures. Mais, le Moi est aussi le responsable de nombreuses « défenses » pathologiques. Le Surmoi est l'intériorisation de l'interdit parental.
Mais le moteur qui dynamise tout cet appareil, c'est la pulsion, comme l'affirmera LACAN. Retenons qu'elle naît dans le Ça, pur désir sans intégration à la personnalité et sans considération pratique, et qu'elle sera intégrée, remaniée, par le Moi. Sous la pression du Surmoi, le Moi refoulera éventuellement cette pulsion, la rendant inconsciente et névrotique.

2. L’émergence de l‘adolescence dans la psychanalyse

Le terme adolescence n’est apparu qu’en 1848 et était encore très peu utilisé alors. C’est avec Freud que l’intérêt s’est petit à petit porté sur la singularité de l’adolescence, avec particulièrement l’avènement du stade pubertaire, essentiel en psychanalyse. En effet, la découverte de la sexualité infantile est l’un des points de départ de la psychanalyse, et pour Freud, l’évolution psycho-sexuelle se fait en deux phases. Une première, qui s’achève avec la mise en veilleuse des conflits oedipiens de la petite enfance et l’entrée dans la période de latence. La seconde débute avec la puberté, temps décisif qui va donner à la vie sexuelle infantile sa forme définitive, normale ou anormale :
Ainsi, ce n’est pas l’adolescence qui constitue un repère essentiel mais les « transformations de la puberté », où la pulsion sexuelle, jusqu'alors essentiellement autoérotique sous le primat de la génitalité. Un certain statut est donc accordé à l’adolescence, mais strictement limité par la nécessité impérative de réserver à l'infantile la place déterminante. Elle sera la période de transformation finale récapitulant et développant l'évolution que le sujet avait accomplie pendant ses premières années. Pour résumer, selon l’expression de Kestemberg, en 1980, « tout se prépare dans l’enfance, mais tout se joue à l’adolescence ».
La possibilité de soigner les adolescents par la psychanalyse a été occultée jusqu’à la fin des années 50. Puis, des auteurs psychanalystes, tel que Laufer, en Angleterre, ou Blos aux États-Unis, ont ouvert la voie à une véritable pratique psychanalytique avec les adolescents. Depuis lors, des centres de consultation adolescents ont été créés, avec le premier à Genève en 1973.

3. L’évolution de la place de la délinquance dans la psychanalyse

3.1. L
es principaux pionniers européens


S. Freud n’a pratiquement rien écrit sur la délinquance et le crime. En effet, il nourrissait une véritable aversion pour les individus qui transgressent les lois de la société, et considérait que la psychanalyse n’était pas « faite pour les canailles. » Il ira même jusqu’à déconseiller à ses élèves de prendre en analyse les délinquants. Il dira : « Notre art échoue devant de tels gens, notre perspicacité même n’est pas encore capable de sonder les relations dynamiques qui dominent chez eux. » Toutefois, en 1916, il consacrera un passage d’un ouvrage à la motivation pouvant conduire à commettre un acte délictueux, en le rapprochant directement du sentiment de culpabilité inconscient trop oppressant, amenant le criminel à chercher à être puni. Cette description dynamique inconsciente proposée par Freud, tout à fait nouvelle, situe nettement la psychanalyse dans un champ d’investigation cherchant à comprendre l’organisation inconsciente qui amène l’homme à faire des actes criminels.

A. Aichhorn, un pédagogue psychanalyste autrichien, est l’un des rares à avoir fait de la délinquance un champ d’application possible de la psychanalyse. Il a beaucoup travaillé auprès d'enfants et d'adolescents abandonnés, carencés et délinquants. Soutenu par Freud, il développe, entre 1918 et 1922, une pratique originale avec les jeunes délinquants qu'il reçoit dans le foyer éducatif dont il a la charge. A la source de l’inadaptation à la vie sociale, il repère une perturbation des relations objectales précoces. En opposant bonté et douceur à l'attente de sanction des jeunes, il crée un effet de surprise qui précipite le transfert positif de l'adolescent délinquant. Une fois la relation engagée, l'identification et la reprise de l'Idéal du Moi constituent les deux ressorts essentiels pour modifier la personnalité de ces jeunes. A partir du traitement de la délinquance, les travaux et la pratique d'Aichhorn ont laissé une empreinte décisive dans le mouvement psychanalytique.

M. Klein, psychanalyste britannique, s’est elle aussi penchée sur les tendances criminelles des adolescents, en les rapprochant directement aux fantasmes sadiques. En 1927, elle se réfère aux théories freudiennes pour expliciter que l’inconscient contient toutes les tendances et tous les fantasmes refoulés. Selon elle, les refoulements les plus profonds sont ceux qui frappent les tendances les plus antisociales. C’est l’analyse des jeunes enfants, de trois à six ans, qui donne une image très éclairante de la précocité de cette lutte entre la partie civilisée et la partie primitive de la personnalité. A cet âge, l’enfant dépassé ses fixations orales, parmi lesquelles elle distingue la succion et la morsure, intimement liée aux tendances cannibaliques. C’est aussi la première année que s’accomplit une bonne partie des fixations sadiques-anales. Le terme d’érotisme sadique-anal désigne le plaisir que procurent la zone érogène anale et la fonction d’excrétion, ainsi que le plaisir tiré de la cruauté, de l’autorité, de la possession. Pour elle, les tendances sadiques-orales et sadiques-anales sont celles qui jouent le rôle le plus important, dans le développement de la formation criminelle.

Pédiatre et psychanalyste anglais, D W. Winnicott s’est intéressé quant à lui à ce qu’il a appelé la tendance antisociale, vers la fin des années 40. Ce concept original permet d'expliquer certains comportements délinquants dont il attribue l'origine à une déprivation, c'est à dire à une perturbation survenue très tôt dans l'environnement de l'enfant. Ces comportements doivent être considérés comme des appels au secours et interprétés comme des signes d'espoir. Winnicott ne cessa de s’intéresser à cette question tout au long de sa carrière. Il s'adressera beaucoup à des travailleurs sociaux, des magistrats, des enseignants, des médecins, des familles d'accueil et des parents, afin de les aider à mieux prendre en charge les enfants à tendance antisociale et à trouver des traitements et des structures d'accueil appropriés.

En 1946, le professeur Lagache, psychiatre et psychanalyste français, contribuera au moment décisif où s'opère une mutation dont profitera l'Éducation surveillée : Celui-ci ouvre une fenêtre conceptuelle qui renouvelle le regard sur la délinquance juvénile, par une méthode souple, évolutive, adaptable au projet d'éducabilité tournée vers l'individu en devenir ; il intègre les acquis de la psychologie de la première moitié du XXème siècle, tout en bénéficiant des découvertes de la psychanalyse. Sa méthode intégrative, synthétique, vise à la connaissance et à la reconnaissance du sujet dans sa réalité psychique.

3.2. Les principaux pionniers nord-américains

K. Eissler, psychanalyste américaine, a beaucoup travaillé, pendant la guerre, auprès d’enfants britanniques présentant des conduites antisociales. Il souligne, en 1949, l’importance de considérer le jeune qui commet des délits indépendamment de ses actes. Pour cet auteur, il est nécessaire de définir si l’on s’attache à l’individu ou à ses actes. Eissler s’est intéressé à la compréhension des motivations et des mécanismes conscients et inconscients en jeu, plus qu’aux actes. Une de ses contributions importante a été d’étudier le rapport de l’individu à sa propre agressivité. Le passage à l’acte vient s’inscrire selon lui comme une manifestation qui tente d’éviter le déplaisir.

Mailloux, psychanalyste québécois, a acquis une réputation internationale dans le domaine de la criminologie clinique. Vers les années 70, il a fait œuvre de pionnier, avec D. Szabo, pour intéresser le milieu universitaire québécois à la criminologie. Il s’est intéressé aux composantes psychologiques qui favorisent le développement du comportement délinquant chez les jeunes garçons. Il introduit la notion d’identité négative comme facteur de délinquance, provoqué par le rejet parental précoce. Il ajoute aussi que celle-ci serait consolidée par l’appartenance à un gang, à qui il s’identifie en partageant les mêmes valeurs, ambitions et intérêts.

4. Les concepts psychanalytiques explicatifs de la délinquance

4.1. La période adolescente : Activation de la problématique sexuelle

4.1.1.
Crise du développement psycho-sexuel


Selon Freud, « avec le commencement de la puberté, apparaissent des transformations qui amèneront la vie sexuelle infantile à sa forme définitive et normale. »[1] Pour Marcelli, « l’adolescence est donc un moment de réorganisation psychique, débutant par la puberté, dominé par l’effet de celle-ci sur le psychisme, par des interrogations sur l’identité, sur la bisexualité, par une « bousculade » des identifications antérieures. »[2]
En effet, pour la plupart des auteurs, le point de départ de l’adolescence est la puberté. Mais le développement des organes génitaux, l’apparition d’érections avec éjaculation, la possibilité d’avoir des relations sexuels, et même de procréer ne sont pas sans avoir un impact fondamental dans le psychisme de l’adolescent : « L’avènement de la puberté, écrit Freud, inaugure les transformations qui doivent mener la vie sexuelle infantile à sa forme normale définitive »[3]: la croissance des organes génitaux, la fonction de reproduction et l’émission des « produits sexuels ». « Le nouveau but sexuel consiste chez l’homme à la décharge ces produits sexuels. »[4]
Seulement, toute la difficulté pour l’adolescent tient au fait que la maturation instrumentale sexuelle génitale ne correspond pas à la maturation psycho-affective, ce qui provoque très souvent, chez le jeune, un sentiment d’inadéquation et d’incomplétude : Tout adolescent a le sentiment de subir les transformations de son corps, tout autant qu’il doit faire face aux pulsions paradoxales qu’il ressent et qui lui sont très difficiles à supporter. Cette étape est donc violente pour l’adolescent, tant sur le plan physiologique que psychique : Ces modifications physiologiques sont si fortes et si brutales qu’elles peuvent être à la source de perturbation dans l’équilibre psychique de l’adolescent, d’autant qu’elles réactivent toute la problématique de l’angoisse infantile. Ces transformations physiologiques ont d’importantes répercussions sur l’image que l’adolescent se fait de lui-même : « les changements du corps entraînent la nécessité d’un changement de l’image du corps, ce qui ne va pas sans perturbations. »[5]

4.1.2. Crise sur le plan affectif

Haesevoets écrit : « L’adolescent est un sujet affectivement fragile et vulnérable au niveau de son identité et de son narcissisme. » Il explique qu’ «un événement douloureux ou traumatique vécu dans l’enfance peut prédisposer un individu, au moment de l’adolescence, à des troubles importants de la personnalité, (…), de l’identité ou de la conduite sexuelle. »[6]
Traversant, dans une période finalement très brève, une multitude de transformation d’une grande intensité, l’adolescent est en proie à des crises, ressurgissant de ses conflits non résolus, qu’il sera dans l’incapacité de pouvoir dépasser et qui submergeront ses affects, et ce, bien évidemment, d’autant plus si la construction de son identité fut mal amorcée, dans ses étapes de vie antérieure. L’imaginaire déborde, par réactivation des fantasmes oedipiens : L’inceste, interdit, mais désiré, est rendu possible par un corps qui s’érotise. L’amour trop intrusif produit alors un fort sentiment d’agressivité, mêlée à une grande culpabilité, qui « vient rompre ou freiner l’élan d’amour qui envahit la scène familiale. »[7] Les relations deviennent ambivalentes, partagées entre un amour excessif et un interdit qui ne l’autorise pas et le renfloue. Pour se sortir de cette situation inconfortable, l’adolescent doit alors trouver d’autres investissements, d’autres objets d’amour : il doit pouvoir désirer ailleurs que dans son environnement familial, et c’est pourquoi, il doit rompre les liens, d’une manière plus ou moins brutale.

4.1.3. Crise sur le plan relationnel

Le moment de l’adolescence est aussi un tournant sur le mode de relation que le jeune entretenait avec sa famille : les modes relationnels changent, les liens se distendent. On associe souvent cette période adolescente à la petite enfance et on parle d’une double perte : perte de l’objet primitif, avec une seconde phase de séparation-individuation et perte de l’objet oedipien, chargé d’amour, de haine et d’ambivalence, avec une remise en cause de l’imago parentale idéalisée.
L’une des tâches les plus importantes durant l’adolescence est ainsi de parvenir à se détacher de l’autorité parental et des objets infantiles, afin d’investir de nouvelles personnes. La réactivation du conflit oedipien, due à l’acquisition des pulsions génitales, perturbe le système relationnel de l’adolescent par rapport aux imagos parentales, support des identifications et de l’identité sexuelle: l’adolescent fait un travail de rapprochement, mais aussi d’éloignement, pour se construire son identité propre. Le rejet de ces imagos et le conflit d’identification s’inscrit dans une recherche identitaire.

4.2. Passage à l’acte : Réactivation des carences maternelles

4.2.1.
Les fonctions de l’objet maternel


L’objet maternel, selon Winnicott, se prête à deux fonctions : celle de sécuriser, apaiser l’enfant en s’adaptant aux besoins de l’enfant de manière affective, et celle de recevoir les agressivités de l’enfant, quand elle ne satisfait pas ses attentes. Ce qui fera d’un évènement qu’il sera traumatique ou non, c’est que l’enfant puisse ou non faire accueillir et partager ses émotions et ses pensées, par ceux qui ont, à ses yeux, le pouvoir de les légitimer : si l’enfant ne rencontre personne auprès de qui exprimer, partager, légitimer les émotions agressives, il ne pourra plus les éprouver, ni les faire valoir en terme de communication, dans toutes les situations qu’il associera à cette première expérience traumatique, et pourtant, ces émotions feront irruption dans des situations ultérieures, mais de manière inadaptée. Selon D. Dumas et à juste titre, il nous semble, « le trauma de l’enfant se représente, dans les structures de l’inconscient, comme un événement qu’il n’a pas pu symboliser. Mais ce qui cause cette violence par laquelle le symbole s’absente n’est pas tant à chercher dans la pré maturation que dans l’Autre. L’Autre étant le lieu dont dépendent les introjections du sujet, l’événement est traumatique dans la mesure où il révèle, non pas l’immaturité de l’enfant, mais celle de l’adulte. »[8]

4.2.2. Un lien à l’objet maternel vécu comme angoissant

Au stade adolescent, la libido est appelée objectale puisque les tendances ont besoin d'un objet extérieur au corps, elle n'est donc plus narcissique et, par conséquent, elle va être dépendante de la qualité de la relation objectale c'est-à-dire qu'elle est dépendante du comportement affectif vis-à-vis de l'objet d'aimance et ce comportement est lié pour Freud à la résolution du Complexe d'Oedipe.
Pour Winnicott, comme pour un certain nombre de psychanalystes, le moyen de défense que représentent ces passages à l’acte semble réellement témoigner des carences qui renvoient à l’établissement des premiers liens. En effet, très souvent des enfants privés de soins maternels et de tendresse, ou qui ne peuvent pas ressentir la chaleur de la communion avec la mère, subissent des épreuves affectives, qui peuvent s’exprimer plus tard dans des réactions d’agressivité ou dans une soif immodérée de jouissance. Lorsque les passages à l’acte sont profondément enracinés dans les dysfonctionnements des premières interrelations fantasmatiques, le désarroi du jeune est souvent identique à ce qu’il a pu éprouver lors des défaillances de l’objet maternel. Selon Avanzini, les trois besoins essentiels de l’enfant, et de l’adolescent sont d’être aimé, sécurisé et valorisé. Il en résulte que les sujets qui ont été frustrés à cet égard peuvent ressentir un sentiment d’abandon et de dévalorisation, allant jusqu’à les pousser à réaliser des actes antisociaux.
Au lieu d’avoir un caractère rassurant et narcissisant, le lien à la mère serait ainsi vécu du côté de l’angoisse. Cette angoisse semble directement en lien avec la frustration affective et précède l’angoisse de dévalorisation : Mal aimé, l’enfant développerait des sentiments de culpabilité et une immaturité affective. Lors de la période adolescente, la résurgence de l’angoisse, d’autant si elle a été intensément vécue, nécessite des actions de décharge, parmi lesquelles l’agir : L’angoisse est un moment essentiel du passage à l’acte, et elle ne manque jamais. En ce sens, les passages à l’acte pourraient donc trouver un sens dans le besoin de libérer certaines angoisses particulièrement envahissantes et l’acte violent semble fonctionner comme un recours contre les angoisses infantiles.

4.2.3. Une image de soi dévalorisée

Le schéma corporel ou image du corps, fait partie de l’image qu’un sujet a de lui-même. Sa construction dépend des apports affectifs et pour que sa structuration soit équilibrée, « une bonne relation avec une mère sécurisée dans ses propres rapports avec son corps »[9] est nécessaire.
Pour Lacan, c’est au stade du miroir que s’organise l’expérience d’identification fondamentale, au cours de laquelle l’enfant effectue la conquête de son propre corps. Cette identification, primordiale à cette image, va être structurante pour l’identité du sujet. Cette conquête de l’identité est uniquement appréhendée par la dimension de l’imaginaire : c’est à partir d’une image virtuelle optique que l’enfant s’identifie en premier. Cette acquisition d’une image visuelle, d’une représentation du corps propre, en particulier grâce à l’image du miroir participe essentiellement au développement de la conscience de soi : les relations mère-enfant jouent un rôle crucial dans la formation de l’image de soi. Ce n’est que par le regard de l’autre que le moi ne peut prendre sa valeur de représentation imaginaire : « le moi est une construction imaginaire »[10], pour Lacan. Si l’enfant ne fait pas l’expérience d’un maternage consistant et ne reçoit pas l’amour nécessaire, il aura une image de lui dévalorisée et restera angoissé, ne se sentant pas en sécurité.

4.3. Passage à l’acte : Réactivation des troubles de la fonction paternelle

4.3.1. Complexe d’Œdipe


La fonction paternelle intervient symboliquement dans le Complexe d’Œdipe en tant que structure métaphorique. Pour Lacan, ce complexe comporte trois étapes. L’enfant est dès sa naissance pris dans le symbolique, dans les allées et venues de la mère qui la symbolise. Du désir de la mère dépend le désir de l’enfant : Il ne désire qu’une chose : être le désir de sa mère.
Mais un second temps sera marqué par l’intervention du père. Sur le plan imaginaire, il sera pour l’enfant le père tout puissant puisqu’il sera le privateur de la mère. Le père apparaît donc comme porteur de la loi. Le père vient mettre une limite entre la mère et l’enfant : il retire l’enfant de sa position d’assujettissement à la mère.
Enfin, dans un dernier temps, le père doit pouvoir faire la preuve de la validité de sa parole, à savoir qu’il a le phallus. Il doit « intervenir comme celui qui a le phallus».[11] L’enfant pourra donc s’identifier à ce père, intériorisé comme idéal du moi. C’est ce qui marquera le déclin du Complexe d’Œdipe.

4.3.2. Défaillance au niveau de la Loi du père, de la symbolisation

Le père, venant aider à la séparation d’avec la mère, est intégré par l’enfant comme le représentant de la loi. Afin de se rallier aux structures symboliques, l’ordre du langage doit être intégré, sous la forme d’un interdit. Le père, par sa fonction symbolique, signifiera à l’enfant que l’accomplissement de son désir est impossible. Accepter la loi, c’est accepter que tout ne soit pas possible, c’est accepter surtout la castration, c’est renoncer à une partie de ses désirs, pour investir son énergie pulsionnelle dans d’autres projets : « Il a été castré de ses pulsions meurtrières, de ses pulsions sadiques et de ses pulsions incestueuses qu’il a sublimées en accord avec les idéaux de sa famille et de son groupe. »[12] Ainsi, l’avènement symbolique suppose une rupture avec le registre de l’imaginaire : l’enfant doit parvenir à prendre conscience, grâce au père, de l’impossibilité à réaliser ses fantasmes et, par conséquent, à y renoncer. L’interdit posé va structurer l’enfant et son désir : il lui permettra de maîtriser ses pulsions et ses désirs. Les désirs prendront sens, l’enfant sera à même de réagir à sa propre activité pulsionnelle.
Mais chez les futurs adolescents délinquants, l’image du père est souvent barrée dans sa fonction paternelle, que ces pères soient présents ou non dans la réalité. Ainsi, l'intégration de la loi, notamment œdipienne, est impossible d'où le développement, sous des formes cliniques diverses, d'éléments traduisant une fixation pulsionnelle prégénitale. L'absence de triangulation mère-père-enfant engendre une incapacité de séparation psychique par rapport à la mère, et des difficultés pour renoncer à l'illusion de toute puissance infantile et s'adapter aux exigences de la réalité. Il n'y a donc pas de croissance psychique, mais maintien d'un fonctionnement archaïque correspondant aux premières années de la vie. L'élaboration ne parvient pas à être effectuée de sorte que la charge émotionnelle demeure intacte et étroitement associée à la représentation. Les traumatismes vécues s'intègrent finalement moins bien dans la mémoire intellectuelle et biographique que dans un niveau de mémoire lié davantage aux expériences sensorielles ou pulsionnelles et corporelles.
Au moment de l’adolescence, l'incapacité au niveau de la représentation des images parentales rend dangereux et chaotique le rapport à la pulsion. Il n'y a pas de rempart, rien à quoi il puisse se raccrocher. Se constituent alors, sous la chape du refoulement, des sortes de « bombes à retardement », sensibles à un signal extérieur quand il reproduit l'une des conditions de leur survenue et susceptibles alors, sous l'effet de la charge émotionnelle, de produire un passage à l'acte aussi important qu'un acte criminel.

4.3.3. Processus d’identification défaillant

Comme nous l’avons rappelé, à partir de la relation duelle initiale s’instaure la relation triangulaire, où l’enfant doit désormais se situer par rapport à ses deux parents. Il se détachera petit à petit de son premier objet d’amour, sa mère, par crainte des représailles paternelles, et pourra ainsi lui servir de modèle d’identification masculine. « L’identification est un processus psychologique par lequel un sujet assimile un aspect, une propriété, un attribut de l’autre et se transforme, totalement ou partiellement, sur le modèle de celui-ci. La personnalité se constitue et se différencie par une série d’identifications. »[13] « C’est en raison d’une identification du sujet à l’imago du parent du même sexe que le Surmoi et l’Idéal du Moi peuvent révéler à l’expérience des traits conformes aux particularités de cette imago. »[14] L’identification au père permettra à l’enfant de pouvoir accéder aux valeurs morales. L’enfant pourra trouver d’autres formes d’intérêt avec le processus de sublimation qui déplacera le désir vers un objet non sexuel.
Chez ces futurs adolescents délinquants, ces pères ne constituent pas un modèle identificatoire. Ils ne peuvent l'introduire dans une filiation, dans une culture, dans une société dont ils sont eux-mêmes écartés. La difficulté du processus identificatoire, l'absence de barrage par rapport à la mère et aux désirs incestueux engendrent l'incapacité de vivre l'Œdipe et, par là même, rend impossible une intégration positive des pulsions et la constitution d'une véritable identité.

II. Les differents modeles d’interventions d’influence psychanalytique aupres des jeunes delinquants

Parmi les modes de traitement les plus utilisés auxquels recours le clinicien en psychologie et en criminologie, la psychothérapie individuelle est peut-être la plus connue. Cependant, depuis de nombreuses années, les psychanalystes ont adapté diverses techniques afin d’intervenir auprès d’une diversité d’individus et notamment, des jeunes délinquants. C’est pourquoi plusieurs autres formes de traitement ont été développées afin de répondre à des buts variés et des besoins différents, dont la thérapie de groupe. Il fait en effet parti de la tâche du clinicien d’évaluer la pertinence de proposer l’une ou l’autre forme de traitement, en fonction des buts visés et des besoins présentés par le jeune. Consciente du fait que ces types d’interventions puissent être méconnus à un public non spécialisé dans la psychanalyse, je ferais une courte synthèse de chacune des psychothérapies, avant de présenter leur intérêt, dans les interventions auprès des jeunes délinquants.

1. La psychanalyse classique

La cure psychanalytique classique comporte déjà un cadre : un divan, et un analyste que le patient ne voit pas. Deux règles fondamentales structurent la situation analytique : L'association libre (le patient doit dire tout ce qui lui passe par la tête), la non-intervention (le patient ne doit pas bousculer sa vie suite à une séance mais laisser la psychanalyse se dérouler). Le patient formule d'abord un contenu manifeste et le psychanalyste décèle un contenu latent, l’inconscient. Le psychanalyste peut donc proposer une interprétation. Mais le moyen essentiel de la cure est que le patient développe un transfert envers l'analyste, réédition de relation infantile, que l'analyste interprétera. Simultanément l'analyste pourra constater en lui un contre-transfert, sa propre réaction au transfert du patient sur lui.
Cependant, dans un cadre carcéral, pour des raisons pratiques, il est pratiquement impossible d’effectuer une psychanalyse répondant aux critères habituels : usage du divan, nombre et régularité des séances, durée de la cure etc... De plus, la nature de la pathologie ainsi que les conditions ne s’y prêtent pas. C’est pourquoi la cure psychanalytique classique n’est pas utilisée, et est de plus en plus remplacée par des entretiens cliniques d’influence psychanalytique.

2. L’entretien clinique de type analytique

L'adolescent difficile se trouve confronté à un certain nombre d'éléments, source pour lui de souffrance qui se rattache à toutes les frustrations, à toutes les dépendances, à tous les renoncements, à toutes les agressions que son histoire personnelle risque de traîner dans son sillage. Même durant un entretien clinique, le langage du corps est un révélateur, voir un amplificateur de ses difficultés. S'il n'a pas la possibilité de mettre en mots ses difficultés et de les exprimer, il obligera l'adulte à écouter ses silences, à découvrir des signes, à comprendre des comportements ou à entendre des plaintes. L’expérience clinique de l’analyste l’amène à repenser, et tenter de traiter les carences affectives massives et les impasses identificatoires, qui sont, comme je l’ai présenté dans ma première partie, à l’origine d’un manque de structuration du surmoi. Accompagner un adolescent, c'est lui faire part du souci que l'on se fait pour lui, c'est le reconnaître dans sa souffrance, valider ses émotions et l'aider à formuler à sa manière une demande.
L’entretien clinique doit toutefois être précédé d’une évaluation psychologique : elle sera réalisée afin de déterminer s'il s'agit d'un comportement réactionnel, d'un état pré délinquant ou d'une psychopathologie naissante ou avérée. Cette évaluation, même si elle demande parfois du temps, est capitale car elle va déboucher sur une prise en charge la plus adaptée possible. Elle fera le point sur la situation familiale, sociale, scolaire, professionnelle et culturelle : des rencontres avec les parents seront aménagées de façon systématique afin de les associer à la démarche thérapeutique. Il s'agit de voir quelle collaboration est possible et comment ces derniers se mobilisent. Quand les parents flageolent, l'adolescent est encore plus déstabilisé. Il a besoin de tisser des relations personnalisées avec son père et avec sa mère, même s'ils sont éloignés. Chacun perçoit que les liens familiaux sont devenus fragiles et les nouvelles configurations familiales rendent également plus délicates l’expression nécessaire de l'autorité.

3. Psychodrame analytique individuel et de groupe

Le psychodrame analytique individuel, créé par MORENO, regroupe un psychanalyste meneur de jeu, un patient et plusieurs analystes co-thérapeutes. Le meneur de jeu ne participe pas aux scènes. Le psychodrame comprend plusieurs temps : Le temps de l'élaboration de la scène (discours entre le patient et le meneur de jeu), le temps du jeu (dans lequel prime la figuration y compris gestuelle, l'association libre, et qui se comprend souvent comme transitionnel) et enfin, le temps de l'interprétation (dans lequel le meneur de jeu renvoie au patient ce qu'il a mis dans la scène.)
Le psychodrame analytique propose à l’adolescent de jouer des scènes dont il a lui-même imaginé la trame, dans un lieu qui lui permettra de ne pas restreindre son activité corporelle, mais qui ne sera pas trop vaste, afin de lui proposer un cadre contenant. S’il est tant utilisé auprès des adolescents, particulièrement les adolescents délinquants, c’est qu’il autorise la participation active des thérapeutes et une réponse rapide, ce qui correspond aux besoins du jeune. Mais le premier aspect est celui de la mise en acte. Ces jeunes, qui parlent par l’agir, à défaut de pouvoir symboliser leurs souffrances par la parole, parviennent ainsi plus facilement, par l’expression corporelle, à mettre en acte des contenus inconscients, à transformer leurs éprouvés en pensées et leurs actions en représentations.

Le psychodrame analytique de groupe se fonde sur les mêmes principes que le psychodrame individuel. Il y a « couple thérapeutique », c'est-à-dire un thérapeute homme et un thérapeute femme, et les patients eux mêmes se font co-thérapeutes. Il y a, éventuellement, un observateur, spectateur hors des enjeux de la scène. Les phénomènes de groupes sont alors particulièrement pertinents (par opposition au psychodrame analytique individuel, dans lequel les phénomènes de groupes sont finalement restreints aux co-thérapeutes).

4. Psychanalyse de groupe

Les deux règles fondamentales de non–omission et d’abstinence sont valables pour le groupe. Les adolescents énoncent en séance les échanges qu’ils ont eus à propos du groupe en dehors des réunions. De son côté, l’animateur interprétant garantit le respect des consignes et permet « au transfert de se développer sur lui et sur le groupe ». Il communique « à tous ce qu’il a compris. »
Contrairement à une psychanalyse individuelle, les inconscients des différents membres du groupe sont en interaction : « à tout effet inconscient tendant à se manifester dans un champ quelconque correspond une résistance s’opposant à cette manifestation ». Le groupe aide l’adolescent à se détacher de ses conflits familiaux au cours du processus d’individuation et permet une socialisation par les pairs. Inscrit dans un groupe, l’adolescent peut y déposer ses conflits intra psychiques, questionner ses investissements sexuels, accéder à un sentiment d’identité, tant individuel que collectif, le plus souvent parvenir à un remaniement de l’idéal du moi.

5. Psychothérapie familiale d’influence psychanalytique

J’ai évoqué plus haut l’importance que jouait la famille dans la problématique délinquante. C’est pourquoi la psychothérapie familiale semble bien appropriée. Dans cette tranche d’âge, il est donc naturel d’imaginer l’importance d’une intervention familiale. Les entretiens familiaux réguliers permettent de déceler les différents types de communications interpersonnelles qui structurent les relations intrafamiliales, ainsi que.d’aider la famille à évoluer en même temps que l’agresseur sexuel dans le processus de réparation et de réinsertion.
Pour les mineurs, cela fait partie intégrante du travail de séparation-autonomisation par rapport à la famille et à l’enfance plus généralement. Mais, la remise en question n’est pas facile et cela demande une motivation et un niveau de compréhension suffisant.

6. Les limites des psychothérapies psychanalytiques

6.1.
La résistance des adolescents délinquants


Cependant, je reste parfaitement consciente des limites des méthodes psychanalytiques. En effet, la nature même des conflits psychiques du mineur délinquant le place dans une attitude très défensive, accentuée par le contexte d’intervention de la prise en charge thérapeutique. Celui-ci parvient difficilement à accepter l’aide qui lui est proposée par l’intervenant, et prend généralement cette intervention comme une agression à son intégrité et une attaque intrusive qui vient lui faire violence. En effet, ces types d’interventions sont imposés au mineur délinquant, suite à un délit qu’il a commis et pour lequel il est jugé coupable, ce qui l’empêche véritablement de se positionner dans une démarche d’aide volontaire. Or, ce type de thérapie ne peut en aucun cas s’imposer. Faire émerger la demande, chez l’adolescent délinquant, c’est faire naître en lui le désir d’entreprendre un travail psychothérapique. Le travail du psychanalyste consiste donc à faire aboutir une demande " vraie " en ce sens qu’elle s’étaye sur un désir profond du jeune. La psychothérapie psychanalytique ne représente un “ soin ” que dans le cas où le sujet demande ou accepte d’être accompagné dans sa recherche volontaire et consciente des raisons profondes qui l’ont amené à être un délinquant. C’est ici que le travail psychothérapeutique proposé aux adolescents délinquants a toute son importance car il s’agit pour le thérapeute de faire apparaître dans cet autre étranger le familier que le sujet ne pouvait entrevoir. La psychanalyse permet d’ouvrir cet espace Autre en articulant les coordonnées fantasmatiques des sujets au réel de leur acte. L’objectif du travail thérapeutique est donc de permettre aux sujets de ne pas se déresponsabiliser de leur acte et de se réapproprier cette figure angoissante d’eux-mêmes. La difficulté majeure pour travailler avec les adolescents délinquants est de faire émerger cette demande, qui ne semble pas s’enraciner dans un véritable désir de comprendre ce qui les a poussé à s’enliser dans de tels actes. Il arrive donc, malheureusement, que la démarche soit finalement laborieuse et que l’intervenant ne parvienne pas à faire émerger cette demande. Par conséquent, le jeune ne s’investira pas dans ce travail de remise en cause et ne pourra tirer aucun bénéfice de la prise en charge psychologique proposée.


6.2. Les limites du temps

Une seconde difficulté, pour l’intervenant, est celle de la durée de la prise en charge. En effet, l’approche psychanalytique repose sur certains principes, particulièrement celui de l’exclusion du facteur temps. Dans un véritable travail psychanalytique, la prise en charge n’est pas limitée dans sa durée : d’hors et déjà, le début du travail en profondeur peut être très long à se mettre en place, pour que les choses bougent et évoluent. Toute la reconstruction psychique, qui est nécessaire pour provoquer des changements durables et solides chez le jeune, sollicite un long travail, qui ne peut être défini a priori. Or, dans le contexte d’intervention auprès de jeunes délinquants, la durée de la prise en charge est limitée et imposée par le cadre judiciaire. Ainsi, dans une majorité des cas, ce n’est pas tant la pertinence de la prise en charge qui fait échouer la thérapie, mais la limite du travail, qui demanderait de se faire sur le long terme.


6.3. La difficulté à évaluer la validité de ces techniques d’un point de vue quantitatif

L’application de la théorie psychanalytique au traitement des adolescents délinquants est encore récente. Ainsi, il est impossible de fournir des données sérieuses et quantifiées de résultats. Pourtant, à l’écoute des praticiens, malgré les difficultés évoquées plus haut, nul doute que cette technique soit capable de mobiliser l’organisation psychique des patients.
Mais rappelons la raison principale à l’absence d’études quantitatives… La plupart des auteurs psychanalytiques expriment des positions critiques au sujet des typologies de délinquants. Pourtant, il est parfois utile de comparer un individu à un groupe afin d’évaluer en quoi il ressemble ou se distingue d’une norme. De cette manière, cela peut permettre de mieux cibler un échantillon et ainsi poursuivre des buts de recherche mieux définis. Or, en ce qui concerne le fonctionnement psychique de l’individu, le fondement même en est son caractère unique. Puisque les typologies et les études quantitatives visent à cerner des caractéristiques de personnalités communes, elles ne sont d’aucune utilité clinique, et aurait tendance à masquer les différences individuelles en mettant en lumière ce qui est commun. Elles se trouvent donc nécessairement simplificatrices de la complexité de l’être humain..
Ainsi, rien n’atteste de la validité des résultats et de l’intérêt des méthodes psychanalytiques dans le champ de la délinquance. En effet, étant donné que, par essence, la méthode psychanalytique se base sur la notion de singularité de l’individu, dont elle tentera de comprendre la dimension psychique, celle-ci se défend non seulement de catégoriser un groupe d’individu, mais aussi de quantifier les résultats obtenus. Celle-ci se basant sur des éléments fondamentalement qualitatifs, il lui est finalement impossible de pouvoir donner des résultats clairs et concrets, ce qui ne facilite pas son intégration dans les programmes proposés dans les institutions spécialisées dans le traitement de la délinquance.

6.4. La nécessité de ne pas utiliser ces méthodes comme uniques interventions

Afin de mettre en place, concrètement, des conditions qui favorisent une reconnaissance et un engagement de la responsabilité de ces jeunes en difficulté et permettent leur réinscription sociale, il est nécessaire qu’après le jugement, et pendant la durée de la peine, soit proposé, en plus des psychothérapies psychanalytiques, un certain nombre d'aménagements, avec pour objectif que cette peine ait valeur de réhabilitation et constitue une préparation à une autre vie : une réforme des conditions de détention, avec notamment une plus grande ouverture vers l'extérieur, à travers des échanges avec l'Education nationale, la Jeunesse et les Sports, le monde du travail, les associations culturelles, sportives, etc., une continuité qui permette la mise en place de projets et leur réalisation (moins de transferts) pendant l'incarcération, mais aussi après la sortie, un tutorat permanent auprès de chaque mineur, lui offrant ainsi une personne référente unique à laquelle il pourrait avoir recours quels que soient ses lieux de détention successifs, la préparation d'une réhabilitation ayant in fine valeur d'acquittement signifié par les magistrats, la restitution des droits civils et civiques à l'issue de la peine. En effet, dans le cas des adolescents, la psychothérapie psychanalytique ne saurait être utilisée de façon exclusive. Il est impératif que des rencontres soient également réalisées avec les travailleurs sociaux, éducateurs, lors de réunions ponctuelles ou programmées avec les équipes. Cette articulation des réseaux permet d'évoluer vers une complémentarité structurante et une bonne identification stratégique qui répondent mieux aux attentes des uns et des autres. Ceci permet un enrichissement mutuel et facilite des rencontres et des réflexions théoriques utiles pour mieux percevoir et interpréter les demandes des adolescents difficiles, ceci dans un climat de clarté et de cohérence, avec réévaluation périodique de ce qui est fait.



III. Confrontation entre la Psychanalyse et les principaux modeles d’interventions aupres du jeune delinquant

La psychanalyse, dans le champ des modèles d’interventions, peut également avoir l’appellation d’orientation psycho-dynamique. Chacun de ces modèles, de ces orientations repose sur des prémisses philosophiques de base qui déterminent ce qui lui paraît important au plan du cheminement humain. C'est suite à ces prémisses que chacune à développé par la suite ses méthodes permettant d'atteindre les objectifs privilégiés. Pourtant, une réalité les rassemblent tous : Bien que chaque orientation a une conception propre du jeune délinquant, elles se réfèrent toutes de manière indirecte, à des notions psychanalytiques. Je confronterais par conséquent la psychanalyse avec trois approches : l’orientation cognitivo-comportementale, où l'on croit que les difficultés psychologiques sont liés à des comportements inadéquats appris par une personne dans son environnement quotidien, l’orientation systémique, dont les théoriciens défendent que les principaux problèmes humains surgissent à cause du genre d'interactions entre une personne et son entourage, et l’orientation humaniste, qui est basée sur la capacité de l'être humain à diriger son existence et à se réaliser pleinement.

1. Les conceptions cognitivo-comportementales :

Je ne ferais pas une description complète des thérapies cognitivo-comportementales (TCC), car elles sont connues de tous, celles-ci faisant parties des méthodes d’interventions les plus utilisées auprès des mineurs délinquants. Cette théorie, issue de la théorie béhavioriste, se situe dans le prolongement de la théorie du comportement basée sur les travaux de Skinner. La théorie cognitivo-comportementale constitue un grand enrichissement puisqu’elle prend en compte l’importance des pensées et des cognitions dans l’explication du comportement humain. Selon cette théorie, les symptômes psychopathologiques résultent de pensées ou cognitions erronées. Le but fixé est donc de modifier les cognitions jugées inadéquates.
Cependant, bien que les TCC travaillent avec des schémas cognitifs qui donnent du sens aux émotions et aux comportements, que les intervenants tentent d'assouplir ou de modifier, l'inconscient est directement ciblé, bien que le cadre ne soit pas celui de la psychanalyse. Les pensées ou les comportements inadéquats appris ou adoptés malgré soi, qui peuvent s'apparenter à des réactions « incontrôlables » et qui surgissent automatiquement en certaines circonstances, sont directement liés à des difficultés psychologiques. Ainsi, c’est l’expérience d’une carence relationnelle avec la mère qui donnerait lieu, du point de vue cognitif, à « une difficulté à se représenter le déroulement d’actions passées et présentes ainsi qu’à anticiper les actions futures. » (Lemey, 1979) Selon cet auteur, plusieurs caractéristiques relatifs au faible contrôle de soi seraient compatibles avec cette difficulté de s’inscrire personnellement dans une suite d’évènements. L’impulsivité, l’incapacité de réflexion, le manque de persévérance, la prédominance du présent et la difficulté à prévoir l’avenir sont autant de traits typiques d’une faible emprise sur le temps. Ces caractéristiques, sur lesquelles se penchent tout particulièrement les thérapies cognitivo-comportementales, trouvent donc leurs bases explicatives dans la psychanalyse. En effet, la tendance antisociale, liée à la délinquance, serait donc assimilable à une forme d’impuissance acquise à l’égard de la maîtrise temporelle, notamment en ce qui concerne le cantonnement du jeune dans le présent immédiat. Malgré leur centration comportementale, ces thérapies cherchent à agir sur le fonctionnement intrapsychique du jeune carencé émotionnel (développer des réactions adaptées, inhiber leur colère et contrôler leur impulsivité et leur sensibilité immédiate), afin de le stimuler ou le freiner par le contexte dans lequel il évolue. Les composantes contextuelles, surtout chez le délinquant mineur, ont une forte incidence sur les probabilités d’occurrence de l’agir. S’il doit y avoir une intervention contre les risques de conduites extrêmes chez ces jeunes, celle-ci doit bien évidemment porter sur les contextes de vie et sur l’encadrement que ces contextes offrent aux jeunes (la famille, l’école, la communauté). Cependant, il est impératif que l’intervention vise la personne elle-même, dans sa subjectivité, pour l’aider à sortir de son présent et à se projeter dans un futur qui lui convienne. Ce n’est qu’un travail de fond qui parviendra à cet objectif de reconstruction psychique.

2. Les conceptions systémiques

Les nombreuses recherches effectuées sur les antécédents des délinquants tendent toutes à désigner la famille comme berceau de la déviance : les enfants antisociaux sont issus de famille où la discipline est dure et incohérente, où les parents sont peu engagés des enfants et n’exercent presque aucune supervision des activités de ces derniers. Les relations aversives constituent une part importante des interactions sociales de ces familles. L’enfant apprend à les utiliser pour survivre et avoir de l’ascendant sur les autres membres de la famille. Il en résulte une escalade de l’agressivité, tant verbale que physique. Les programmes de traitement des parents, consistant à intervenir plus ou moins intensivement auprès des familles de mineurs délinquants, cherchent à mobiliser la famille en fixant des buts atteignables, afin d’améliorer les relations du jeune et de ses parents, de développer les aptitudes des parents et de les responsabiliser dans leur rôle parental. La famille du délinquant est souvent vue comme « la famille à transactions délictogènes » (G. Auloos,1979), comme une famille où règne entre les parents un conflit qui se traduit par des modes pathologiques de communication que fuira l’adolescent.
Là encore, ces conceptions ne peuvent que faire écho aux conceptions psychanalytiques : C'est la conjonction de deux figures parentales défaillantes dans leur rôle de soutien et de protection qui semble être la source des difficultés de ces jeunes. La problématique serait donc prégénitale. Pour qu’un jeune devienne moral, il faut donc qu’il ait rencontré des normes dans le milieu familial et qu’il ait connu suffisamment d’amour parental pour accepter de renoncer à la satisfaction immédiate. Cette mise en évidence n’a pas pour objectif de remettre en cause la valeur des thérapies systémiques. Il est important de travailler en collaboration avec les parents, puisqu’ils représentent le contexte de vie de ces jeunes. Seulement, ces interventions, qui ne fonctionnent pas avec toutes les problématiques familiales, ne sont pas suffisantes pour garantir une intégration des règles sociales de mineurs délinquants. D’ailleurs, les résultats montrent bien que la plupart du temps, les changements ne durent pas, à partir du moment où les traitements s’achèvent et ceci est parfaitement compréhensible. En effet, là encore, les programmes n’offrent pas un suivi de fond, mais une modification comportementale basée sur l’immédiat. Or, notre attention particulière devrait se porter sur la place et le rôle précoce du père dans sa fonction d'autorité et de détenteur de la loi, dans son aptitude à la dire et dans celle de la mère, si le père est absent, à la transmettre. Si nous ne prenons pas en considération le fait que ces représentations psychiques, profondément encrées dans l’appareil psychique du jeune, doivent être modifiées, par un travail analytique, nous ne pourrons pas espérer obtenir de résultats qui « tiennent », véritablement, dans le long terme.

3. Les conceptions humanistes

Cette approche est centrée sur le développement de la personne. Le psychothérapeute facilite l'exploration de soi engagée par la personne et l'expérimentation de nouvelles façons d'être et d'agir. En auto-développement, en particulier, on accorde beaucoup d'importance à développer les habiletés du jeune délinquant à utiliser son processus de croissance. Soit la capacité qui permet de transformer un problème à un retour à l'équilibre. Face à chacun des problèmes psychologiques du mineur délinquant, il est possible de retrouver l'équilibre s’il consent à franchir toutes les étapes qui mènent à une solution, même si cela peut être très complexe. Ce type de psychothérapie permet à l’adolescent la capacité de gérer sa vie de façon fort efficace, de se développer pleinement et de faire les choix qui lui conviennent vraiment afin d'atteindre un niveau de liberté et de bien-être appréciable. Ce genre de psychothérapie mise donc sur la capacité de développement de l’individu, dans son entier.
A mi-chemin entre développement personnel et philosophie, « c'est une approche qui prend en compte tous les aspects de l'être physique, affectif, rationnel, social et spirituel, ce qui permet à chacun de se sentir responsable de sa vie », explique S Ginger, l'un des précurseurs en France de cette méthode. L'accent est mis sur la capacité de la personne à prendre conscience de ses difficultés et de ses ressources et de modifier en profondeur sa façon d' être et d'agir.
Fortement influencée par la psychanalyse, cette approche fait appel à la notion d'inconscient et focalisent ses efforts sur la recherche des liens entre les difficultés actuelles et les expériences passées, dont les conflits refoulés et non résolus. On vise des changements profonds et durables chez le patient, tout en l’apaisant sur du court terme. Ainsi, même si cette thérapie humaniste s'intéresse à l'inconscient, aux lapsus, aux actes manqués, elle s'exerce toujours dans l'ici et le maintenant. Il ne s'agit pas de replonger dans les traumatismes passés, mais de percevoir leurs conséquences aujourd'hui, afin de mieux vivre avec et de s’adapter à son environnement.


4. Exemple d’une psychothérapie expliquée à la lumière de la psychanalyse : l’art- thérapie au centre des jeunes détenus de Fleury Merogis

4.1.
Le contexte d’intervention


Depuis plusieurs années maintenant, des professionnels, rattachés à l’équipe du service médico-psychologique, proposent une prise en charge spécifique auprès d’adolescents de 13 à 16 ans, dans le quartier spécial des plus jeunes détenus. Concernant le type de passage à l’acte qui a motivé l’incarcération, la large majorité des jeunes ont commis des viols avec une distinction qui apparaît d’emblée : viol individuel et viol collectif. Il y a parfois également des adolescents ayant commis des vols avec violences et parfois des meurtres. Ainsi, nous ne spécifierons pas cette étude à la seule intention des jeunes agresseurs sexuels. La détention préventive dure en moyenne de trois à six mois, ce qui pose d’emblée, sur le plan du cadre thérapeutique, la limitation du temps de l’action, et la contrainte à introduire parfois dès le premier entretien, la notion de séparation.

4.2. L’art- thérapie

L’art-thérapie est une proposition de se confronter à un espace pictural, afin que cette pratique de l’inscription puisse permettre une élaboration psychique. L’objet externe est vu ici comme un support nécessaire à un travail sur le vécu interne, la ou la tension est trop aiguë et ou l’adolescent n’a plus d’autre issue d’expression que le recours à l’agir. L’espace thérapeutique se concrétise par un bureau, ou va se produire la rencontre thérapeute-jeune détenu, ainsi que par un atelier d’expression picturale. Un dispositif thérapeutique spécifique qui associe entretien individuel et séance d’expression picturale en groupe est proposé en alternance. La première rencontre a toujours lieu sous la forme d’un entretien clinique individuel, ou le psychologue aide l’adolescent à formuler quelque chose de sa souffrance et à nommer les traumatismes subis au cours d’un itinéraire souvent chaotique et discontinu.

4.3. L’extériorisation du vécu pulsionnel

La dynamique des deux espaces alternés, verbal-individuel et non verbal-groupal, semble favoriser l’extériorisation du vécu psychique de l’adolescent. Cela a pour but de favoriser la figuration et l’élaboration des affects et des pulsions restées informulables chez des jeunes en proie à la problématique identitaire adolescente et ayant recours à l’agir comme mode d’expression pulsionnelle privilégiée.
Par rapport à l’irreprésentable, le vide ou le trop plein pulsionnels, par rapport à un narcissisme défaillant ne pouvant être garant du sentiment de continuité de soi, la liaison et la continuité existant entre entretiens psychologiques et séance d’expression picturale en groupe peuvent jouer comme contenant, lieu possible de métabolisation et de représentation des pulsions et affects, ainsi que comme cadre permettant l’amorce de la restauration d’une continuité narcissique.

4.4. Travail sur les représentations

« Retrouver le chemin des mots, le chemin identitaire, c’est ce que nous-mêmes nous tentons de faire en proposant, dans le contexte carcéral à de très jeunes adolescents, une prise en charge psychologique, voire thérapeutique, spécifique et en intégrant dans notre approche la dimension art- thérapie. » (C. Legendre, 1997).
Le langage verbal, comme je l’ai évoqué lors de ma première partie, est fréquemment sous-investi, comme si ces adolescents n’avaient pas appris à utiliser les mots les mots leur permettant d’exprimer leurs émotions, leurs affects les plus profonds, leur souffrance interne et rendant possible l’élaboration des traumatismes subis, sources de violence et d’extraction en eux, qui vont se répéter et se traduire dans la réalité de l’acte.
Dans le travail sur les représentations et la mise en mots des éprouvés avec ces adolescents en souffrance, apparaît l’importance d’un espace intermédiaire de mise en forme non verbale. C’est là qu’intervient la notion d’acte pictural, de l’outil thérapeutique qu’il peut représenter en articulation avec le cadre thérapeutique.


L’atelier d’art-thérapie va fonctionner comme un espace d’ouverture par rapport à l’espace clos de la prison et la feuille de dessin comme un lieu, une surface, ou le déploiement et la projection d’un espace psychique sont virtuellement possibles. L’acte pictural peut permettre la figuration puis la mise en mots d’éprouvés sensoriels élémentaires et la contention de l’explosivité. L’éprouvé brutal de ce que le sujet ressent peut être représenté et l’acte désamorcé.

Il s’agit d’aider ces jeunes sujets à transformer la tension interne à l’origine du passage à l’acte en tension créative, à faire face aux grandes quantités d’énergie pulsionnelle qui devront se transformer en petites quantités d’énergie pour permettre l’instauration de la pensée. Face au passage à l’acte, l’acte pictural peut permettre et favoriser la figuration de l’énergie pulsionnelle et l’élaboration d’une problématique interne. « Le support externe que représente la production picturale en tant que contenu et contenant imagé, semble indispensable pour travailler sur le vécu interne quand l’excitation, la tension, la violence d’une fantasmatique sont menaçantes pour l’unité du moi, quand le déferlement pulsionnel l’emporte sur le frêle édifice narcissique. » (C. Legendre, 1997).

En effet, l’organisation incomplète du moi de ces sujets ne permet pas d’intégrer l’énergie pulsionnelle à des fins constructives. Le support externe est nécessaire pour l’expression des processus internes sans le recours à l’agir. Une mise en représentation de la violence fondamentale, d’un imaginaire non représentable ou clivé est parfois possible. Il y a parfois l’ouverture d’un accès au fonctionnement le plus archaïque, responsable de la répétition du passage à l’acte. La construction de représentations externes peut amener ces jeunes sur la voie de la construction de représentations internes et favoriser l’émergence et la constitution d’un espace psychique.

4.5. Le besoin de contenants

Face au débordement pulsionnel et à la tension interne qui débordent souvent une organisation narcissique fragilisée et qui s’actualisent dans l’agir, l’art-thérapie propose un double contenant, celui de la feuille blanche ou puisse se figurer un vécu de type pulsionnel autrement que sous la forme d’un passage à l’acte et celui du groupe à qui est proposé un fonctionnement spontané et créatif, mais aussi structuré au sein de limites spatio-temporelles définies, dans un cadre déterminé.
Cet espace d’expression, ou une vie fantasmatique peut se déployer sans se vider en agirs incessants et destructeurs est donc couplé à des entretiens individuels au cours desquels l’adolescent est invité à une réflexion plus personnelle. C’est aussi le dessin produit qui peut servir de support à l’entretien et à la verbalisation. Cela implique donc un pas vers la symbolisation, ou le verbal vient donner un écart, une temporalité face à l’immédiateté du passage à l’acte. La mise en tension vers les mots permettra de mettre en œuvre une véritable distanciation symbolique.

4.6. La restauration narcissique

Il est nécessaire de doubler la pare-excitation externe représenté par la prison, institution indestructible, d’un cadre thérapeutique solide contribuant à renforcer le pare excitation interne plus que fragile de ces jeunes aux assises narcissiques extrêmement précaires. La vulnérabilité psychique, liée à la fois à leur jeune age et à la problématique adolescente en pleine action, est accrue chez les jeunes délinquants.
L’atelier en lui-même est un lieu de création, de réparation et de reconnaissance de l’œuvre comme sienne, ce qui a toute son importance du point de vue de la restauration narcissique.


CONCLUSION

Ainsi, la psychanalyse semble avoir largement sa place dans la compréhension et l'intervention du phénomène délinquant. Les concepts, en effet, ne sont pas sans nous éclairer face aux problématiques internes de ces jeunes. Bien qu’ils puissent témoigner d'un fonctionnement intellectuel, affectif et social bien adapté à la réalité extérieure, ils nous témoignent d’une réalité psychique problématique. Les traumas relationnels de l’enfance, notamment les expériences de rejet, favorisent la recherche chez le délinquant de puissance et de contrôle dans ses relations interpersonnelles. Le rôle joué par l’environnement familial, dans le développement des déficits du Moi dont souffre le futur délinquant et qui contribuent à son recours à l’agir comme moyen de se défendre de ses angoisses a été mis en avant. Ainsi, nous ne pouvons ignorer l’intérêt de la psychanalyse dans le traitement de la délinquance.
Cependant, les nombreuses difficultés auxquelles les professionnels sont confrontés ne peuvent nous empêcher de remettre en cause l’application des psychothérapies psychanalytiques dans le cadre d’interventions judiciaires. En effet, il semble que celles-ci ne soient pas toujours applicables aux adolescents. Comme toute thérapie, l’essentiel est de proposer une intervention qui soit adaptée à chacun des besoins de l’adolescent. En ce sens, l’approche humaniste me semble être un compromis parfait, entre une approche cognitivo-comportementale ou systémique, certes, basés sur les besoins immédiats des jeunes et de la famille, mais qui ne se veulent pas axés sur du long terme, et une approche psychanalytique, efficace, quant à elle, sur le long terme, mais qui nécessiterait un mieux être immédiat. Ce sont ses concepts qui sont mis à profit et qui viennent éclairer et inspirer les traitements mis en place. C’est là, en effet, selon moi, que la psychanalyse montre tout son intérêt et qu’elle est indispensable dans le champs de l’adolescence délinquante.


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