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Murielle Fouassier témoigne de son expérience unique à travers ce blog: un voyage autour du monde, qu'elle a entrepris depuis janvier 2008, à la rencontre de milieux et de professionnels spécialisés en criminologie.

Suite à des études de psychologie, en France et de criminologie à Montréal, au Canada, Murielle a souhaité davantage élargir son champ de connaissance, afin de tenter de mettre en avant les pratiques d'interventions originales et efficaces en terme de diminution de la récidive, auprès des jeunes contrevenants, qui sont dans une période développementale complexe et déterminante.

Dans une ère où les interventions évoluent et progressent largement, où les moyens techniques nous permettent de dépasser nos propres horizons et de traverser les frontières, où tous les peuples se penchent sur des questions psycho-sociales déterminantes pour l'avenir de nos sociétés, "Criminologie de par le monde" symbolise le projet d'ouvrir et d'enrichir le regard porté sur l'intervention en criminologie. Il servira aussi à tous les professionnels exerçant de près ou de loin auprès d'une population de jeunes contrevenants, désirant ouvrir leur champ de connaissance ainsi que leur réseau.

Comment définir la criminologie en quelques mots? C'est une science sociale et humaine qui étudie les comportements criminels et tente non seulement d'expliquer le phénomène, en axant principalement son regard sur les causes et les impacts de la délinquance, mais aussi d'apporter des solutions, notamment en terme d'intervention.


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¤ L'INTERVENTION EN CRIMINOLOGIE

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10 mai 2008

¤ COLLOQUE INTERNATIONAL DE CRIMINOLOGIE: DISCOURS NORD-SUD SUR LES PRATIQUES D'INTERVENTION



* Association Internationale de Criminologie en Langue Francophone (AICLF):


"L'Association Internationale des Criminologues de Langue Française (A.I.C.L.F.) se veut une plate-forme de communication entre chercheurs et praticiens. Elle vise à intensifier les échanges sur la question criminelle entre gens qui partagent le français comme langue de communication habituelle, voire même occasionnelle. Elle vise également à assurer une meilleure diffusion des recherches conduites dans les pays de langue française. Les objectifs de l'Association sont accomplis par l'organisation de réunions, de colloques scientifiques, ainsi que par des échanges d'informations.

Les objectifs de l'Association sont réalisés :
- par l'organisation de réunions et de colloques scientifiques tous les deux ans, ouverte à tous les courants de criminologie contemporaine;
- par la publication de bulletins de liaison de l'Association. Ces bulletins se veulent un lieu d'échanges et d'informations sur les initiatives tendant à développer l'influence de la criminologie francophone à travers le monde. Ils renseignent sur la structure et les activités de l'Association, les modalités pour y adhérer, les congrès et événements internationaux à venir, ainsi que sur certaines recherches et projets en cours dans le domaine de la criminologie francophone. "
http://www.aiclf.umontreal.ca/)

Ainsi, en mai 2008, l'AICLF a tenu son colloque biennal dans un pays du Sud, le Maroc. De cette façon, elle pu inviter à engager un débat et un dialogue autour des phénomènes de délinquance, entre criminologues du Nord et du Sud. Ainsi, durant 3 jours, du 11 au 13 mai, des questions fondamentales ont été abordées, dans le contexte de séances pléniéres et d'ateliers.


* Première séance plénière: Migrations et délinquances

1er orateur: Mme Malika Benradi, Université Mohammed V:
"Pour une analyse critique du discours sur la criminalité des maghrebins en Europe: Les statistiques de la peur "

A notre époque, un amalgame est fait entre la migration, le terrorisme et l'islamisme. Pourtant, la migration n'est pas un crime, elle est un moyen pour améliorer la condition de vie personnelle et familiale des individus. La véritable criminalité du groupe maghrebin, dominée par la violence, ne se situe pas au Maghreb même mais en Europe.
Ainsi, madame Benradi se demande où se situe la réalité criminelle.

Il y a 20 ans, V. Giscard d'Estaing disait que les migrants ne pausaient pas de problèmes, sauf ceux qui réalisaient des crimes violents. Ainsi, on ne peut ni parler de facteurs biologique, ni social: La race n'est pas un facteur explicatif, la personnalité et la confrontation à la frustration non plus. En effet, en Amérique du Nord, un grand nombre de maghrébins sont bien adaptés malgré la différence culturelle et les conflits de culture.

La théorie de la réaction sociale semble être quant à elle une théorie explicative pertinente. Effectivement, qu'elle soit officielle, c'est à dire générée par la police ou les juges, ou officieuse, par la presse, les citoyens etc., les deux niveaux de réactions sociales en Europe semblent être négatives envers les maghrébins.
Effectivement, des études prouvent que la presse les cible davantage pour dénoncer des affaires où ils sont impliqué, que les gardes à vue sont plus systématiques, quel que soit le délit et que le jugement est plus sévère.

Ainsi, pour madame Benradi, c'est la réaction sociale qui engendre la criminalité des maghrébins étant donné qu'il a été démontré que le contrôle envers cette population est plus importante et que la réponse répressive est alimentée par l'opinion publique.

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2ème orateur: Madame Michelle Vatz-Laâroussi, université de Sherbrooke:

"La disqualification des pères immigrants au Québec: Impacts psycho-sociaux sur les enfants"

Actuellement, on assiste à une diversification des populations et des flux migratoires dans des sociétés autrefois homogènes, tel que la Bulgarie, le Maroc etc. Ainsi, l'orateur parle de "mondialisation des courants migratoires", et malgré les croyances communes, 60% des déplacements se font du nord au sud et pour les 3/4, dans un pays voisin.

Ainsi, de nouvelles mobilités se sont développées, qui ont une influence notoire sur la dynamique migratoire : La plupart se fait par des espaces transfontaliers, tel qu'en Europe, au Canada, aux Etats Unis ou en Asie. Cette circulation régulière entraine deux sortes de migration: l'une est temporaire ( les individus circulent mais ne s'installent pas), l'autre est construite sur une dynamique de réseaux et dans une logique culturelle, économique et familiale.

Sous la lumière de l'immigration, madame Vatz-Laâroussi apporte des explications à la délinquance:

- La première génération immigrante a généré une délinquance orientée vers le crime organisé, principalement en Amérique du Nord, notamment la mafia italienne et les jeux clandestins chinois;

- La seconde génération a généré davantage une délinquance en lien avec la réaction sociale et les milieux de vie. Il s'agit des groupes ethno-religieux, des groupes urbanisés, de ceux en lien avec la ségrégation résidentielle, l'exclusion, la guetthoisation. A partir de 1990, en Europe, et en 2001 aux Etats Unis apparaissent de nouvelles délinquances: le terrorisme, l'immigration clandestine et les sans papiers. Dès cet instant, la définition de la délinquance change, puisqu'avec la fermeture des frontières, l'immigrant devient un délinquant. De plus, une autre délinquance se forme parallèlement, en conséquence à cette immigration: les passeurs, les réseaux de prostitution et de clandestins.

Pourtant, selon la réaction sociale, la gestion de l'immigration est différente: En Belgique, les albanais sont considérés comme les principals délinquants; En France, il s'agit des maghrébins et des africains. Pourtant, au Québec, ils sont recherchés pour migrer car ils sont francophones. Il s'agit d'immigrants qualifiés avec un niveau de scolarité et un statut socio-professionnel élevé.

Malgré cela subsistent des obstacles systémiques tel que des disqualifications professionnelles si bien que l'orateur parle d'un déficit de reconnaissance. Après 2001, les préjugés ont augmentés et les plus scolarisés ont eu un taux de chômage extrêmement élevé (27%), correspondant à quatre fois plus que la population native. Finalement, à cause de cette réaction sociale, qui engendre des problématiques liées à l'emploi, à la famille, à la valorisation de soi, les individus désinvestissent peu à peu les normes sociales et la délinquance s'accentue. Naturellement, de nouvelles stratégies sont mises en place afin de tenter de rééquilibrer ces défaillances par des surinvestissements, tel que la religion, la famille ou les pairs, provoquant des extremismes parfois dangeureux.

Ainsi, selon madame Vatz-Laâroussi, pour intervenir sur la délinquance actuelle, il est important de travailler sur la reconnaissance des parents, afin de combler les déficits socio-affectifs, mais également d'accompagner la résilience des jeunes. Enfin, avec chacun, il serait aussi important d'améliorer les politiques d'insertion socio-professionnelles des immigrants.

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* Deuxième séance plénière: Violences terroristes

1er orateur: Monsieur Abdessamad Dialmy, université de Fes:

" Psychosociologie de la politique de la violence terroriste au Maroc"

Les facteurs socio-culturels sont eux aussi déterminants. En ce qui concerne l'exécutant, la pauvreté semble mis en avant ( la plupart est d'un milieu socio-économique déficitaire), ainsi que le niveau de scolarité faible, l'analphabétisation, l'hebergement précaire et le jeune âge.
Le terrorisme est basé sur une idéologie, souvent religieuse, qui rejete l'occident et ses valeurs; Le croyant fait des lectures de l'islam simplifiées et doit imiter le comportement du prophète et faire la djiad, la guerre sainte.

Les facteurs psycho-émotionnels semblent jouer eux aussi sur le passage à l'acte terroriste, selon monsieur Dialmy. Le désir de vengence envers l'occident est profondément encré dans les pensées des martyrs: L'occident, vue comme humiliante, frustrante, pécheresse. Les armées marocaines étant défaites, le croyant considère être le seul à pouvoir agir et rendre justice. Par le El tishad, le croyant vient chercher la reconnaissance en plus de la vengence. Il sait qu'en se faisant martyr, la reconaissance est grande et glorifiante. Cet acte, autorisé dans la religion musulmane, à l'inverse du suicide, qui ne l'est pas, lui créé une identité nouvelle. Cette reconnaissance, entre autre, il la trouvera au paradis, où 70 femmes vierges l'attendront: Cette pureté, qui vient pour lui s'opposer à la modernité qui transforme les femmes actuellement, est une manière de retrouver sa masculinité à laquelle il doute, à cause de la condition de vie difficile au Maroc. L'acte terroriste devient donc l'unique réponse à sa vie actuelle, lui permettant de trouver le bonheur qu'il espère atteindre.

Finalement, il reste évident, selon monsieur Dialmy, que les facteurs psychiatriques sont toujours présents pour faciliter le passage à l'acte terroriste. En effet, le sofisme, ou grande djiad, qui correspond à la guerre intérieur passifiste que doit mener chaque croyant pour être meilleur, est quant à elle une guerre à valoriser, pour les croyants, et qui répond à leurs besoins, d'une manière saine et constructive.

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* Troisième séance plénière: Enfants, jeunesse et délinquance

1er orateur: M. Abdallah Maâouia, Université de Tunis:

"Approche psychologique et psychosociale de la délinquance et de la criminalité"

La délinquance est explicable par l'expérience vécue des individus, qu'elle soit interne ou externe, psychologique ou psychosociale.

Selon l'approche psychologique, on parle de personnalité délinquante, en évoquant la psychopathie, la personnalité antisociale ou encore perverse.

Par exemple, derrière la problématique délinquante d'un jeune ayant un problème avec son père se cachera une image du père défaillante ou un renversement de la place du père, qui expliquera ce problème de socialisation.

Selon l'approche psychosociale, certains grands évenements sociaux ont eu des répercussions sur la délinquance. Dans les années 70, le changement de gouvernement vers une politique libérale a eu un impact sur la délinquance féminine. Les femmes, qui n'avaient jusqu'à présent aucun rôle économique étaient dans la production de biens. Cette nouvelle acquisition de rôles et de statuts a été un facteur de délinquance, qui a orienté les femmes vers les crimes économiques, qui n'existaient jusqu'à présent que chez les hommes.

Quant à la représentation sociale, elle a aussi son rôle à jouer dans la délinquance. Les centres de rééducation mixtes avec des formations professionnelles de 2 ans qui proposent de l'électricité, de la menuiserie, de la mécanique, de la couture etc. sont essentiels dans la mesure où ils offrent aux jeunes avec des problèmes scolaires et des défaillances sur le plan socio économique une vision positive et structurante de la société. Une étude a pu mettre en avant un discours encourageant et positif de la part des jeunes délinquants concernant de tels milieux sociaux. Pourtant, dans la société, les conditions de travail et de vie sont plus difficiles et plus injustes que dans ces lieux de réinsertion sociale. Les jeunes, ayant évolués dans la société, ont une représentation sociale décourageante et particulièrement négative. Ainsi, même si le milieu de vie leur semble bénéfique, leur investissement dans les formations n'est pas encourageant. Ils savent que le centre ne changera pas leur monde à la sortie. De l'aide économique de la part des pays occidentaux semblent essentielle pour redonner un espoir à la population et pouvoir investir les délinquants dans une démarche active de réinsertion sociale.

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2ème orateur: Mme Nicole Vettenburg, Université de Gand:

"Comment interpréter le comportement des jeunes, selon le regard pédagogique et criminologique"

Selon que la délinquance soit normale (commune) ou persistante, l'analyse doit être différente.

Présentation de la vulnérabilité sociétale: De moins en moins, le jeune vit d'expériences positives avec les institutions sociales. Au contraire, au lieu de profiter de l'offre positive de ces institutions, il est confronté aux aspects négatifs. L'interaction entre les institutions et les jeunes est donc de plus en plus négative, par le phénomène de cumulation.

Finalement, la solution ne serait-elle pas d'arréter de discriminer le jeune, afin qu'il renoue des liens avec les institutions sociales?

En effet, des études (1988, 2001, 2007) ont prouver que:

- l'attitude de l'enseignant a de l'influence sur le comportement négatif du jeune;

- les facteurs scolaires ont plus d'influence sur les comportements négatifs à l'école que les facteurs familiaux;

-les caractéristiques culturelles et familiales sont plus importantes que les caractéristiques structurelles.

Ainsi, la prévention de la délinquance doit être générale et individuelle, mais toujours radicale, offensive et intégrale, participative et démocrative. Cela signifie qu'elle doit aller au coeur même du problème et travailler tous les aspects, en tenant compte des besoins du jeune, de ses capacités et de la pertinence de l'intervention.

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3ème orateur: Mme Catherine Sultan, Magistrate du tribunal de la jeunesse, France:

"Droit pénal des mineurs français: modèle remis en cause"

Le droit pénal des mineurs, en France, fut créé avec deux ordonnances, pendant des crises politiques: en 1945 et en 1968. La société assume un rôle d'éducation et de protection des jeunes. Le juge devient donc entraîneur et engagé dans la vie des jeunes, qu'ils soient en danger ou délinquants.

Cependant, dans ces deux catégories de jeunes, les réponses sont différentes, bien que la logique soit la même. Ainsi, travailleurs sociaux et juges se péoccupent du sens de l'agir et accompagnent l'enfant dans son cheminement. Une dialectique est mise entre le juridique et l'éducatif: chacune se réfère à l'autre, afin d'apporter une réponse adéquate.

Avec l'évolution de la société, la consommation augmente: les situations familiales sont de plus en plus fragilisées à cause du chômage, de l'immigration etc: la société ne parvient plus à intégrer ses jeunes. L'individualisme atteint des mesures inquiétantes: il n'y a plus de solidarité entre les communautés, les gens n'ont plus de repères.

Malgré ce contexte, les démarches judiciaires et éducatives n'ont pas changées, si bien que les réponses actuelles ne paraissent plus autant adaptées et nous oblige à remettre en cause le modèle de justice.

Selon Mme Sultan, les jugements sont de plus en plus rapides et l'activité pénale est en croissance, étant donné que la répression est telle que des dossiers traités en protection de la jeunesse sont désormais traité en pénal. La justice des mineurs est donc encombrée: le nombre de dossier est trop important ce qui nécessite des délais trop long. Finalement, ces réponses tardives ne sont pas aussi significatives pour le jeune qu'un délai court car la mesure perd de son sens et de son poid. Finalement, dans ce contexte, l'acte commis est davantage pris en considération que la personnalité du jeune: Les réponses pénales deviennent donc de moins en moins individualisées. Même les réponses éducatives sont sous couverts de répression et d'un contrôle strict, si bien qu'en tout point, et particulièrement dans ses droits, le statut du mineur se rapproche de celui du majeur.

Cependant, pour l'oratrice, un élément favorable et nouveau depuis ces 20 dernières années est la réparation: Les mesures réparatrices, extrêmement bénéfiques pour la victime comme pour le jeune est mis en place et devrait être privilégier, comme c'est le cas en Belgique, où le système de justice des mineurs est plus humain et plus éducatif (M. Born).

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* Quatrième séance plénière: Impacts des changements sociaux sur la personnalité et les comportements (souffrance, inadaptation, délinquance)

1er orateur: M. Mohammed Guedah, Université de Rabat:

"Transgression et transgresseurs entre la mise à l'épreuve de soi et de l'autre"

M. Guedah nous rappelle que les conduites transgressives sont généralisées durant l'adolescence, correspondant au moment de structuration de la personnalité. Durant cette période, les adolescents basculent souvent dans la délinquance, mais celle-ci se divise en deux types: la délinquance occasionnelle, qui ne dure pas et est commune à une grande majorité de jeunes, et la délinquance persistante, qui correspond à des troubles de la conduite significatives.

Au Maroc, ces conduites sont prédominées par la consommation de drogue ou d'alcool, par le vol, le vandalisme, le viol ou toute atteinte à la culture musulmane (manger pendant le ramadan, avoir des relations sexuelles avant le mariage...) La société marocaine est en voie de transition: Les valeurs tarditionnelles subissent de profondes mutations et évoluent. M. Guedah parle de crise actuelle. Ainsi, dans cette culture musulmane, une partie de la population vit une inadaptation sociale determinante.

Finalement, ces types de délit nous montrent que la transgression est une mise à l'épreuve de soi et comme une expression avant tout d'une quête identitaire, entre les changements développementaux que vivent les adolescents durant cette période de la vie complexe, et les changements sociaux, eux aussi particulièrement marqués ces dernières années.

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2ème orateur: Dianne Casoni, université de Montréal, CICC:

"Effet des changements sociaux sur l'individu: Du non de l'obéissance au non de la sybolisation"

Comme l'avancent les théories analytiques, la relation aux images parentales a un effet sur la personnalité de l'enfant, du jeune puis de l'adulte; elle a donc un lien avec la délinquance.

Mme Casoni évoque que la réalité sociale actuelle, dans nos sociétés modernes, est un "burn out", une dépression sociale visible, à cause des fortes pressions vécues au quotidien: la surcharge du travail, le chômage etc. "Cela a indubitablement un impact sur le jeune, qui, quant à lui, se sent abandonné, ou ne parvient pas à se décentrer et devient profondément égocentrique". C'est à cause de telles problématiques que le jeune, vivant une inadaptation sociale, basculerait dans la délinquance. Ainsi, un jeune turbulent, ayant déjà une tendance à l'agir, à cause de fortes décharges motrices, sera dans un déni de ses véritables émotions négatives et de ses angoisses. Le rôle des parents sera donc d'être attentif à la fois à l'immaturité émotionnelle du jeune et à son besoin de socialisation.

"Elever" un enfant, comme le mot l'indique, est un travail éprouvant qui doit contribuer au développement du jeune, le faire grandir psychiquement. Pour cela, l'attente, la frustration est essentielle. Dire non à une satisfation brute de l'enfant est constructif à condition que les parents puissent proposer une alternative satisfaisante, avec l'autre et dans le temps. C'est de cette manière que s'interiorisent les normes et que se développent symbolisation et mentalisation. Le passage d'un monde de plaisir égocentrique et contre l'autre à un monde de plaisir altruiste et avec l'autre est une façon d'apprendre au jeune à se conduire de façon adéquate en société, en étant acteur de ses agirs.

Ainsi, des centres de rééducation se sont ouverts afin d'aider le jeune à développer de nouvelles façons de faire, dans lesquels les éducateurs correspondent à des substituts parentaux. Le milieu de vie était donc utilisé pour poursuivre le développement du jeune. Le travail de symbolisation, où le jeune avait un lieu pour exprimer ses compréhensions au monde et ses frustrations permettait d'atténuer les pensées paranoides du jeune.

Pourtant, selon Mme Casoni, aujourd'hui au Québec et en Amérique du Nord plus généralement, la tendance est différente, puisque ces notions psychanalytiques de symbolisation sont oubliées au profit des approches béhaviorales. Les peines étant de plus en plus courtes ne permettent évidemment pas de réaliser des suivis en profondeur auprès du jeune, car le temps est un élément essentiel. "La psychisation met du temps alors que le changement de comportement est plus rapide!" Les deux changements constatés aujourd'hui sont donc logiques et interreliés.

Finalement, dans les centres de réadaptation, la souffrance des jeunes semble cachée: En effet, les sujets négatifs sont tus au profit de ce qui est bien, bon, heureux; les comportements conventionnels sont valorisés et ceux qui ne le sont pas sont interdits et punis. Aucune symbolisation ne peut donc se faire et les tensions restent présentes. Les passages à l'acte, selon Mme Casoni, sont donc toujours présents et l'explosion est prévisible, tant que la tendance actuelle ne changera pas et que le contrôle remplacera l'éducatif.

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10 sept. 2007

¤ QUEBEC: La thérapie psychodynamique, Kernberg



1. Références théoriques et empiriques…

La thérapie psychodynamique, décrite par Kernberg, se base fondamentalement sur les travaux de Freud, puis de ses disciples, tel que M. Mahler. Elle fait donc explicitement référence aux théories psychanalytiques contemporaines et plus lointaines. Ainsi, les principales notions qui décrivent l’individu, dans sa réalité interne et externe sont le conscient et l’inconscient, le Moi, le Ca et le Surmoi, le normal et le pathologique, la névrose, la psychose et les états limites, les stades (le stade oral, anal, le complexe d’Œdipe), les pulsions, les conflits intrapsychiques, le refoulement, etc. En ce qui concerne la thérapie proprement dit, les notions de transfert, de contre transfert, de neutralité bienveillante, d’association libre sont les concepts clés présentés par Kernberg.

2. Références légales, sociales ou politiques…

Les références légales, sociales ou politiques ne sont pas présentes dans la thérapie psychodynamique. En fait, c’est depuis l’apparition de la psychanalyse que ces thérapies sont utilisées.

3. Cadre et contexte de prédilection…

C’est avec le patient que le thérapeute fixe la fréquence de ses séances. En général, il s’agit d’une séance par semaine, mais, en fonction de la situation, cela reste variable. Cependant, une fois que le cadre est posé, il est important dans ce genre de thérapie de le respecter et de ne pas le changer, sauf dans de rares situations. Ainsi, les interactions entre le patient et le thérapeute sont le plus régulières possibles. De plus, elles sont ponctuelles, puisque le thérapeute n’intervient pas en dehors de ce cadre thérapeutique, afin de préserver l’authenticité de « ce lien thérapeutique » avec son patient.
Généralement, le thérapeute intervient seul, et ne travaille pas en équipe. Il doit garder, tant que possible, la confidentialité des propos du patient, ici, état limite, à moins qu’il s’agisse d’informations très particulières. Il intervient dans un contexte volontaire, où le patient devrait idéalement désirer changer.

4. Modalité des interactions…

Les interactions sont donc basées sur une relation duelle entre le thérapeute et le patient. Elles sont définies en terme de relation transférentielle et contre-transférentielle.

5. Définition des objectifs poursuivis et de l’alliance thérapeutique…

L’objectif principal du thérapeute est de faire en sorte que les conflits intrapsychiques inconscients du patient, qui génèrent des difficultés d’adaptation, soient mis à jour, c’est à dire, qu’ils deviennent conscients, afin que la relation d’objets, archaïque (clivée et partielle) devienne plus élaborée et dépasse les stades oraux et anaux, pour atteindre une dimension triangulaire, soit totale. Plus simplement, le thérapeute doit permettre au patient de changer en l’aidant à identifier ses représentations défaillantes de l’objet, et de soi, afin de les intégrer de façon plus élaborée.
C’est par l’interaction thérapeutique, appelée transfert, que les fantasmes archaïques du patient sont réactualisés dans l’ici et maintenant. Par ce biais, le thérapeute doit analyser la relation qui se joue afin de l’interpréter au patient de façon à ce que ce dernier puisse comprendre les motivations et défenses inconscientes qui déterminent ses passages à l’acte. Son rôle n’est ni celui d’un éducateur ni d’un enseignant : il ne lui donne ni conseils et ne lui fait aucun reproche, ne prend pas partie, ne juge pas. Pour que le patient puisse parvenir à avoir un discours « total », sans mensonges, tabous ni retenues, celui-ci doit se sentir parfaitement à l’aise et en confiance. Pour cela, le thérapeute doit lui manifester une écoute compréhensive et attentive, ainsi qu’une attitude neutre et bienveillante.
Avant que la psychothérapie expressive ne commence réellement, le patient et le thérapeute doivent établir ensemble un contrat, afin de structurer le traitement. Les objectifs doivent donc être clairs et réalistes, ainsi que satisfaisants pour le patient. C’est également par ce contrat que les deux individus vont se mettre d’accord sur le tarif, le mode de paiement, le prix des séances manquées, la fréquence des séances, la conduite vis-à-vis de tierces personnes etc. L’échéance n’est pas prédéterminée, car celle-ci dépend de l’évolution du traitement, différent selon chaque individu, mais la fin est déterminée par le thérapeute, lorsque celui-ci juge que le patient a atteint ses objectifs.


6. Grille d’analyse/explication des problèmes cibles…

Dans la thérapie psychodynamique des personnalités limites, les problèmes du patient sont avant tout internes et sont décrits en terme de pathologie. L’organisation intrapsychique précoce serait restée archaïque, ce qui entraînerait des conflits intrapsychiques préoedipiens importants ainsi que des représentations psychiques non élaborées, et fixées aux stades oral et anal. Ainsi, les relations triangulaires seraient particulièrement déficitaires, puisque mal, voire non intégrées.
Le Moi est donc mal construit, entre un Ca trop présent (les pulsions et les fantasmes archaïques débordants et n’étant pas maîtrisables), et un Surmoi sadique et persécuteur, qui n’est pas intériorisé, ne refoulant donc pas suffisamment les pulsions, et expliquant par là même, les nombreux passages à l’acte de l’individu. Les relations à l’autre, directement liées à la relation d’objets sont donc défaillantes, puisqu’elles sont, comme nous l’avons évoqués, archaïques et clivées.

7. Stratégies d’intervention et processus de changement…

→ Matériel ciblé et travaillé durant l’intervention
Le thérapeute se centre sur les éléments verbaux du patient, mais aussi ceux qui sont non verbaux, dont les attitudes gestuelles et les silences.
Plus particulièrement, dans le discours, celui-ci va chercher à analyser le transfert (positif comme négatif) dans l’ici et le maintenant, soit les émotions et les fantasmes qui se jouent dans la relation thérapeutique, et que le patient lui projette. Etant donné qu’il s’agit d’une reproduction des émotions et réactions vécues dans le passé du patient, le thérapeute parvient alors à comprendre la dynamique interne et la relation de ce dernier aux objets passés intériorisés. Deux types de transfert sont mis en place : Les transferts primaires, concernant les relations d’objet partiel, et les transferts élaborés, se jouant au niveau des relations d’objet total. Avec les personnalités limites, ce sont les transferts primaires qui sont à prendre en compte, qui doivent être progressivement remplacés par les transferts élaborés, avec l’aide du thérapeute et son éclairage.
Le contre-transfert est également un matériel qui doit être utilisé par le thérapeute, et concerne « toutes les réactions affectives du thérapeute vis-à-vis du patient. » La plupart du temps, celui-ci est une conséquence des défenses archaïques d’un transfert intense et primaire. Ainsi, le contre-transfert permet directement d’éclairer le transfert, et de mieux comprendre le patient. Il est en ce sens indispensable lors du traitement, et particulièrement de l’interprétation.
Enfin, il arrive que des passages à l’acte aient lieu. Dans ce cas, le thérapeute doit mettre un accent particulier dessus et ne pas les mettre de coté. Il doit tenter de l’interpréter avec le patient afin que ce dernier comprenne mieux et extériorise ses conflits internes.

→ Attitudes encouragées chez l’intervenant
Le thérapeute encourage son patient à tout dire, par son attitude bienveillante et son écoute attentive. Il doit être le plus neutre possible, c'est-à-dire un intérêt objectif et équilibré » afin de permettre au patient de tout dire, sans investir des éléments plus que d’autre. Il doit aussi adopter une « attitude d’abstinence », selon Kernberg, c'est-à-dire, ne pas répondre aux exigences conscientes et surtout inconscientes du patient, tout en restant quelqu’un de chaleureux, d’humain, d’attentionné.
Par contre, celui-ci doit être exigent sur ce qui concerne le contrat et l’engagement du patient. Il doit lui faire comprendre la nécessité d’un tel contrat. Pour les personnalités limites où la gestion du temps est difficile, le thérapeute doit être ferme et intransigeant, à un point tel qu’il pourra interrompre le traitement si cela n’est pas respecté.

→ Interventions et rétroactions verbales de l’intervenant
Le thérapeute a toujours une écoute attentive, qui lui permet de sélectionner le matériel sur lequel mettre l’accent, et d’explorer les différents thèmes, soit l’affect, le transfert, le contre-transfert et/ou la réalité externe, afin de travailler sur ceux qui lui semblent les plus significatifs.
Par des outils d’investigation, il parviendra La clarification est la première étape du processus. Cela consiste à inviter le patient à toujours en dire plus, à expliciter davantage, à être plus clair, à expliquer son discours. Ainsi, le thérapeute va lui demander d’éclairer des zones qui sont sombres, inexplorées ou incohérentes. Cela permet au patient, comme au thérapeute, de comprendre davantage ses pensées et de faire en sorte que le matériel qui servira plus tard à l’interprétation soit le plus « épluché » possible.
La seconde étape est celle de la confrontation. Cela permet de rendre le patient conscient de ses conflits et de ses dissonances, qui lui semblait avant cela naturels. Encore une fois, les interventions du thérapeute sont limitées aux éléments qui lui semblent indispensables de reprendre, et sont énoncés sous forme d’une question, afin d’inciter le patient à réfléchir davantage. Cette étape est le dernier pas vers l’interprétation.
Enfin, l’interprétation proprement dite met en lien le matériel conscient avec les motivations et désirs inconscients, afin que les conflits soient rendus intelligibles, et par là-même « désamorcés ». Pour cela, il doit analyser le transfert « qui consiste dans l’analyse de la réactivation dans l’ici et maintenant des relations d’objets intériorisées du passé, et qui constitue aussi l’analyse des constructions du Moi, Surmoi et Ca. » Par ses interprétations, qui sont des formulations d’hypothèses concernant les liens entre les conduites conscientes et inconscientes du patient, le thérapeute doit parvenir à faire émerger la signification du transfert inconscient.

8. Indications/Contre indications…

C’est lors de l’évaluation préliminaire que le thérapeute juge de la pertinence de la thérapie pour ses patients. Ces traitements sont privilégiés pour les personnalités limites ou les névrosés. De plus, l’individu doit être dans une démarche active de changement, et doit être ouverte à cette forme de thérapie. De plus, comme il s’agit de traitements essentiellement basés sur la capacité de l’individu à faire des liens, il est essentiel qu’il ait un quotient intellectuel normal, sinon quoi les interprétations du thérapeute ne feront pas de sens.
Par contre, ils sont contre indiqués pour les psychotiques et plus particulièrement pour les personnalités psychopathiques, ainsi que pour ceux qui ne sont pas en demande, car ils court-circuiteraient la démarche.

9. Résultats et efficacité…

Ces thérapies psychodynamiques privilégient la qualité de la relation, et s’intéressent à l’individu dans toute sa singularité. Ainsi, les études quantitatives ne sont pas réalisables car il s’agit d’un traitement à long terme, où les changements peuvent apparaître longtemps après la thérapie. Ceux-ci sont internes et ne concernent pas directement le comportement observable. Cela explique malheureusement en grande partie pourquoi ces thérapies ne sont pas d’avantage utilisées, car, dans une ère où tout doit être quantitativement justifié, elles n’apportent pas de résultats concrets et chiffrés en ce qui concerne l’efficacité du traitement.

10. Conclusions sur « les ingrédients actifs »…

Il est indispensable de maintenir le cadre du traitement le plus stable possible, particulièrement pour les personnalités limites, qui ont des défenses très précaires et qui pourraient être déstabilisés. Cela concerne les éléments du contrat, soit les limites spatiales et temporelles, le déroulement des séances, la responsabilité et les engagements du patient comme du thérapeute.
Les objectifs doivent être réalistes et les moyens explicités. Par contre, le contrat ne doit pas être violé, ou si tel est le cas, il faut revenir sur la situation avec le patient, tenter de comprendre et de trouver des solutions. Si cela est impossible, le thérapeute devra mettre fin au traitement.
Entre la mise en place du contrat et le traitement proprement dit, une frontière claire doit être mise en place, pour que le patient s’engage correctement dans le processus thérapeutique.
La communication entre le patient et le thérapeute doit être la plus authentique et la plus ouverte possible. Pour cela, la neutralité bienveillante est fondamentale, comme nous l’avons précisé plus haut.