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Murielle Fouassier témoigne de son expérience unique à travers ce blog: un voyage autour du monde, qu'elle a entrepris depuis janvier 2008, à la rencontre de milieux et de professionnels spécialisés en criminologie.

Suite à des études de psychologie, en France et de criminologie à Montréal, au Canada, Murielle a souhaité davantage élargir son champ de connaissance, afin de tenter de mettre en avant les pratiques d'interventions originales et efficaces en terme de diminution de la récidive, auprès des jeunes contrevenants, qui sont dans une période développementale complexe et déterminante.

Dans une ère où les interventions évoluent et progressent largement, où les moyens techniques nous permettent de dépasser nos propres horizons et de traverser les frontières, où tous les peuples se penchent sur des questions psycho-sociales déterminantes pour l'avenir de nos sociétés, "Criminologie de par le monde" symbolise le projet d'ouvrir et d'enrichir le regard porté sur l'intervention en criminologie. Il servira aussi à tous les professionnels exerçant de près ou de loin auprès d'une population de jeunes contrevenants, désirant ouvrir leur champ de connaissance ainsi que leur réseau.

Comment définir la criminologie en quelques mots? C'est une science sociale et humaine qui étudie les comportements criminels et tente non seulement d'expliquer le phénomène, en axant principalement son regard sur les causes et les impacts de la délinquance, mais aussi d'apporter des solutions, notamment en terme d'intervention.


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¤ L'INTERVENTION EN CRIMINOLOGIE

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8 mai 2008

¤ BURKINA FASO: Le centre de réinsertion de Laye, une initiative de l'Association Pénitenciaire Africaine (APA)



* L'Association Pénitenciaire Africaine:


L’Association pénitentiaire Africaine, a été créée en février 1996 au Bukina Faso, par des professionnels intéressées aux problématiques criminelles et désireuses de contribuer à l’amélioration des conditions de détention en Afrique. Elle regroupe aujourd’hui des membres dans une vingtaine de pays africains et européens et est financée par de nombreux partenaires d'organisations non gouvernementales, tel que l'UNICEF, Terre des hommes etc.

L'APA a pour objectif d'intervenir dans tous les pays africains, organisé en section indépendante, composé de bureaux exécutifs pour prendre les décisions concernant les questions liées aux situations de détention des jeunes et des adultes africains. Afin de créer une cohérence et une solidarité, les différents membres de l'association sont en contact très régulièrement par téléphone ou par internet.



C'est dans ce contexte que le centre pour mineurs de Laye est né, véritable initiative de l'Association Pénitenciaire Africaine, pour contrer les détentions systématiques des jeunes dans les prisons et mettre en avant la nécessité de répondre aux besoins développementaux et sociaux des mineurs délinquants. La prise en charge est également assurée par Terre des Hommes ltalie.


* Rencontre avec le directeur du centre de réinsertion de Laye:

M. Traore, directeur du centre et membre de l'APA, a pu me recevoir malgré un emploi du temps chargé, afin de me présenter le centre de réinsertion de Laye et le travail des intervenants. Le centre de Laye est une référence actuelle dans l'Afrique de l'Ouest, qui est l’aboutissement d’un partenariat entre plusieurs acteurs privés, publics, internationaux et au jour le jour, de la bonne volonté de chaque intervenant burkinabais, soit d'un psychologue permanant (permettant d'apporter à l'équipe et au jeune un regard extérieur sur les situations vécues au quotidien lors des réunions hebdomadaires, de s'occuper du suivi des jeunes et de faire des bilans psychologiques), d'un éducateur, d'un infirmier, d'un cuisinier, d'un animateur en alphabétisation et d'un formateur pour les activités professionnelles.

Le centre d’accueil de Laye pour mineurs en conflit avec la loi a une vocation nationale : il reçoit des jeunes contrevenants venant des quatre coins du Burkina Faso. Le centre est mixte, et peut recevoir jusqu'à 48 jeunes qui ont entre 13 et 18 ans. Il est actuellement plein, dont 24 filles. Cette mixité est expérimentée depuis janvier 2008, dans le but de créer un lieu plus proche de la réalité de la société: "C'est un risque, c'est sûr, mais autant que le jeune vive comme dans la société et se confronte aux notions de respect, de connaissance de l'autre. C'est plus difficile, mais la vie ne se limite pas au centre!"

Le type de délit est variable, mais correspond à des vols simples pour la grande majorité des cas, expliquable par la grande pauvreté des familles. Ces actes sont commis par necessité, souvent pour pouvoir se nourrir et nourrir leur famille. D'un ordre différent, quelques cas de crimes tel que des agressions sexuelles ou des homicides sont également commis.

Les facteurs explicatifs de la délinquance des jeunes, selon M. Traore, serait donc tout d'abord la pauvreté, puis les défaillances éducatives, ainsi que l'exode rural ramenant un grand nombre de jeunes dans les villes afin de trouver de l'argent.


Les responsables du centre bénéficient d’un environnement favorable à l’accomplissement de leur mission. Les initiateurs jouissent du soutien de la Commission Européenne et de la Fondation Terre des Hommes Italie.

Le centre de Laye est une alternative à la prison, ou à la peine en communauté, où le jeune sera surveillé par un travailleur social. "Dans les prisons du Burkina Faso, il n'y a pas de séparation entre les jeunes et les adultes si bien que ceux-ci sont très en danger, sans compter les apprentissages de stratégies criminelles qu'ils peuvent faire. Le centre de Laye se veut réellement être une alternative à cela."

Etant donné que l'incarcération physique est moins contraignante qu'en prison, il est toutefois necessaire qu'un service de sécurité, qui est composé de gardiens et de personnels du ministère de la justice, soit présent 24h/24.

En moyenne, le placement du jeune au centre de réinsertion de Laye est de 2 ans. "La durée était de un an au début, mais les résultats n'étaient pas suffisamment significatif. On a alors décidé de prolonger le temps de placement du jeune, et actuellement, les résultats sont nettement meilleurs."

L'un des fateurs essentiel à une bonne réinsertion est de rendre les parents partenaires. Pour cela, les intervenants se déplacent dans les familles, dans la mesure du possible.

Afin "de former le jeune à être un bon citoyen", les objectifs du centre sont:

- d’alphabétiser les mineurs,

- de scolariser ceux qui sont alphabétisés,

- de faciliter le développement de la confiance des mineurs en eux-mêmes à travers l’acquisition de nouvelles connaissances et de nouvelles capacités,

- de former les mineurs à un métier qui puisse les positionner sur le marché du travail (menuiserie, mécanique des engins à deux roues, électricité, élevage, entretien de moulin ).

Pour cela, les travaux manuels (jeux de société etc.), le sport, les cours d'éducation civique, l'alphabétisation, ainsi que des ateliers de formations à l’apprentissage sont les éléments essentiels de l’intervention.

Plus précisément, l'emploi du temps du jeune est organisé de la façon suivante:

- 5h45: Réveil

- 6h00-8h00: Toilette, rangement, activité élevage et jardinage, petit déjeuner

- 8h00-12h00: Scolarisation ou alphabétisation divisée en deux langues nationales de plusieurs niveaux: Diola et Moré + cours d'éducation civique

- 12h30: Déjeuner suvi d'une sieste

- 14h00-17h00: Formation professionnelle: Soudure, mécanique, menuiserie, électricité, couture, confection de batique, savonnerie.

- 17h00: jeux de société/sport

- 18h00: Toilette

- 19h00: Diner, suivi de temps libre

-21h00: Retour dans les dortoirs et coucher.

Pour maximiser l'insertion professionnelle du jeune, le jeune doit impérativement participer à chacun des ateliers, une à deux semaines, pour choisir, en toute connaissance de cause, l'activité dans laquelle il s'investira. "C'est aussi pour contrer les préjugés des jeunes".

Les financements, assurés principalement par les ONG internationnales, sont également distribués par l'état burkinabais: "La confiance et la réputation des professionnels, recrutés par des membres de l'APA et de Terres d'Italie, facilitent énormément la relation entre le centre de Laye et le gouvernement." "Cependant, les activités sont encore limitées et pourraient être plus diversifiées. Nous ne manquons pas d'idées, mais de moyens."

15 avr. 2008

¤ MALI: Le centre de détention, de rééducation et de réinsertion pour mineurs de Bollé



* Le contexte de placement du jeune :

Suite à la demande du directeur, Moussa Sarawi Maïga, qui ne pouvait malheureusement pas me recevoir le jour même, deux intervenants, Ousmane Traore, administrateur de l'action sociale et Moussa Bagayoko, coordinateur et secrétaire général de l'ONG malienne Maya-ton, me présentèrent les activités principales du centre et son contexte de placement.

Les délits ainsi que les infractions sont respectivement punis en moyenne de trois mois et six mois de détention, renouvelable. Ce sont dans les prisons régionales que les jeunes, les femmes ou les adultes purgent leur peine, sans qu'aucune forme de traitement soit proposé. Le centre de réinsertion pour mineurs en conflit avec la loi de Bollé, à coté de Bamako, est l'unique centre de détention spécialisée du Mali qui propose une alternative à la prison pour les mineurs contrevenants, de 13 à 18 ans. Il est donc le seul à proposer un suivi éducatif au jeune au lieu d'une simple incarération.

Les peines sont variables, selon le type de délit ou d'infraction criminelle. Les intervenants du centre de Bollé ont pu faire un état des lieux de la fréquence de chaque acte délinquant: Dans la grande majorité des cas, le jeune est arrété à cause de vol, commis par necessité économique, sans violence et sera amené à récidiver s'il ne trouve pas de logement à sa sortie de détention. Le vol qualifié, quant à lui, plus encré dans la délinquance, est nettement moins courant. Le trafic et la consommation de drogue sont assez rare. L'agression sexuelle, commise seul ou en bande est une infraction que les intervenants retrouvent davantage pendant les vacances et les temps libre des jeunes, ainsi que la pédophilie. Enfin, les homicides sont très rares et souvent involontaires et accidentels

Les intervenants du centre de Bollé ont un grand pouvoir de décision en ce qui concerne les peines des jeunes contrevenants. Il est de leur responsabilité de les renouveler ou non. La politique du centre, basée sur la réinsertion et la rééducation necessite du temps, ce qui les incite à prolonger au maximum le suivi du jeune au centre : cette opportunité est donc pour eux garante d'une intervention plus efficace. La longueur de la peine n'est donc pas figée, mais est étroitement lié à l'investissement du jeune dans le centre, particulièrement à sa formation. Ceci dans le but qu'il sorte avec un diplôme concret lui permettant une insertion professionnelle rapide et certaine.

Pour les libertés provisoires, les professionnels ont aussi un pouvoir marqué : ce sont eux qui vont soumettre la demande au juge, respectée dans la quasi totalité des cas. La liberté provisoire est un processus de réinsertion favorisé par les intervenants, qui la demande la majorité du temps.

* L'organisation du centre spécialisé de détention, de rééducation et de réinsertion pour mineurs de Bollé:

Le centre est composé de six unités :

- L'unité d'action sociale: Gérée par des éducateurs et des travailleurs sociaux, au nombre de six, leur mission repose sur plusieurs axes: établir un réglement moral afin de diminuer le stress de la détention; procéder à des enquêtes sociales pour compléter le dossier des jeunes; faire une permanance pour accueillir les jeunes à tout moment de la journée; faire des visites à domicile pour rencontrer les familles et faire le suivi judiciaire des jeunes. Chaque éducateur gère les dossiers des jeunes d'une même commune, afin de faciliter les déplacements dans les tribunaux ou dans les familles. Finalement, chaque éducateur gère environ 10 à 15 jeunes


- L'unité de santé: Gérée par l'Organisation Non Gouvernementale (ONG) Maya-Ton, composée de quatre personnes en permanence, trois infirmiers et une monitrice, ainsi que de quatre intervenants ponctuels, deux consultants théatre et deux professeurs en alphabétisation.

Auparavant française (de 1998 à 2001), l'ONG est aujourd'hui malienne et travaille en relation étroite avec la croix rouge. Le volet santé est essentiel dans le centre et occupe une place centrale, à travers ses nombreuses activités planifiées à la semaine: bilan et suivi médical des jeunes; bilan psychiatrique à travers une expertise mentale, dans un centre spécialisé; psychothérapie par le théatre, afin de permettre aux jeunes d'exterioriser leurs émotions et de symboliser leurs souffrances ; animation sanitaire ayant pour thème le tabac, les drogues, le sida, l'actualité etc. Celle-ci étant une demande qui émane des jeunes, les intervenants font souvent appel à des partenaires sociaux plus spécialisés sur ces questions pour collaborer avec eux; assistance judiciaire, afin de conseiller les jeunes ou les familles sur des problématiques judiciaires.

- L'unité de surveillance: Composée de 12 surveillants donc quatre minimalement toujours présents sur l'unité jour et nuit. Leur rôle est d'assurer la sécurité des locaux et des détenus ainsi qu'à éviter les évasions.

- L'unité socio-culturelle et sportive: Composé d'un éducateur qui est également le professeur de premier cycle. Comme la "fourmi ouvrière du centre", l'éducateur de l'unité est le premier collaborateur direct et a un rôle très complet au sein du centre: Il organise les activités sportives, incluant des matchs contre les équipes du quartier, les causeries (qui consistent à débattre de sujets sociaux et civiques avec les jeunes, selon les sujets qu'ils souhaitent aborder). Il s'occupe plus généralement de la vie des jeunes au quotidien: il collecte les informations des surveillants de nuit pour se tenir au courant des situations de la soirée et de la nuit; il en fait la transmission à l'équipe; il gère l'organisation des repas et des visites

- L'unité pédagogique et de formation professionnelle: Elle est composée d'une école et d'un certain nombre d'activités de réinsertion. L'école, pour les jeunes contrevenants ainsi que les jeunes du quartier, permet au jeune de suivre le premier cycle scolaire ou un niveau d'alphabétisation. Il comprend six classes, gérées par un professeur pour chacune ainsi qu'un directeur. Pour les jeunes déscolarisés, des formateurs et des bénévoles assurent leur réinsertion professionnelle à travers une diversité de discipline, afin que chacun puisse y trouver son compte: menuiserie, couture, métalurgie, savonerie ou confection de bogolan. Avant de prendre sa décision, le jeune devra passer une semaine dans chaque atelier afin de pouvoir faire un choix éclairé. Une fois investi, le jeune ne quittera pas le centre avant d'avoir terminé sa formation.

- L'unité agropastorale: Grace à la présence d'un jardin dont les récoltes permettent de renforcer l'alimentation du centre, les jeunes s'initient aux techniques de maraichage régulièrement avec les éducateurs.



L'emploi du temps du centre de Bollé est organisé de façon à favoriser la réinsertion des jeunes:

- 6h00: Réveil et entrainement musculaire avec les surveillants;

- 7h00: Toilette, nettoyage des dortoirs, petit déjeuner;

- 8h00 - 12h00: Activités professionnelles/Scolarité

- 13h00-15h00: Repas, sieste

- 15h00-18h00: Activités professionnelles/Scolarité

- 19h30: Dîner

* Les limites à l'intervention:

Malheureusement, une insuffisance financière et logistique freine les interventions, malgré l'investissement des éducateurs:

Des problématiques majeures d'ordre sanitaires, telles que le manque d'eau (problème de tuyauterie et absence de puit) ou de matières premières (bois) provoque une inquiétude chez les intervenants, pour la santé et le bien être des jeunes et doivent être sérieusement pris en considération par le gouvernement.

Au niveau du suivi éducatif proprement dit, beaucoup d'obstacles se posent: Le suivi post carcéral, qui fait parti intégrante de la mission de l'éducateur, ne peut se faire, faute de moyen: recueillant des jeunes habitant dans les différentes communes du Mali, les intervenants ne peuvent se déplacer pour de simples raisons financières: Ils ne possèdent pas de voiture: un seul véhicule est disponible, pour deux centres de détention, mais est exclusivement réservé pour les visites aux tribunaux. Ils devraient le faire sur leur temps libre et payer leur propre frais de déplacement. Ce problème se répercute également sur le travail avec la famille qui est finalement lui aussi délaissé. Ces difficultés sont une des raisons du haut taux de récidive des jeunes, selon les intervenants. Le dossier des jeunes, écrit à la main, étant donné qu'il n'y a aucun ordinateur, ne facilite pas non plus le travail, particulièrement la lecture pour les autres intervenants; ; Au niveau du personnel, l'absence de salaire pour certain formateurs ne leur permet pas d'être investi complètement au sein du centre; les emplois du temps des intervenants ne leur permet pas de faire des activités avec eux le soir, après le dîner, ce qui éviterait les jeunes de se retrouver tous dans le dortoir sans occupation définie.

10 avr. 2008

¤ SENEGAL: Intervention en Service d'Action Educative, avril 2008

* Le Service d'Action Educative en Milieu Ouvert:

C'est directement au service que Maurice Dione, éducateur spécialisé qui travaille à temps plein sur le service, a accepté de me rencontrer durant sa journée de travail, afin de me présenter les activités du Service d'Action Educative de la région de Ziginchor.

Ce service dépend directement de la Direction d'Education Surveillée et de la Protection Sociale (DESPS), puisque c'est lui qui gére les lois et les fonds de la caisse pour les mineurs en rupture avec la loi. Le budjet et l'orientation du service dépend donc des décisions prises par le DESPS. Mais plus largement, le CAE de Ziginchor, comme ceux de France, dépendent du ministère de la Justice. Il s'agit d'un service de milieu ouvert et ne correspond donc pas à une structure d'hébergement. Il prend en charge des jeunes qui dépendent de la Protection de l'Enfance, ou de l'Enfance Délinquante.

* Le travail d'intervenant en SAEMO

Inspiré du modèle français, les éducateurs ont plusieurs missions:

- L'investigation: Les éducateurs comme Maurice Dione doivent apporter une aide à la décision du magistrat, en mettant en oeuvre soit une enquête sociale soit une mesure d'investigation et d'orientation éducative (IOE) afin de faire un portrait de la situation du jeune. Celle-ci necessite donc un travail d'expertise auprès du jeune et de son milieu (scolaire, professionnel, familial...), en regroupant des informations durant les visites et les rencontres personnalisées etc.

- La prise en charge éducative: il s'agit de permettre aux jeunes de s'inscrire dans une démarche de resocialisation positive, à travers des activités, des sorties etc. Pour cela, l'éducateur devra controler la liberté surveillée du jeune en allant à son domicile pour le rencontrer ainsi que ses parents; lui rendre visite dans les centres d'hébergement/fermés, où il sera placé (soit les centres polyvalents ou d'adaptation sociale) en travaillant de pair avec les éducateurs présents par le biais de rencontres ou d'ateliers (ex. ergothérapie).

Ainsi, le travail de l'éducateur en SAE en milieu ouvert est donc très varié:

- Il gère les dossiers de mineurs rattachés à deux lois différentes (ceux en conflit avec la loi, et ceux en danger moral );

- Il intervient à différent moments de l'appareil judiciaire (En amont de la determination de la peine, en procédant à l'enquète sociale, et en aval de la décision judiciaire, en procédant à un suivi éducatif);

- Il intervient à différents endroits: Au domicile du jeune et de sa famille, en structure d'hebergement, ou au service, où le jeune peut venir ponctuellement pour rencontrer son éducateur de suivi. Ainsi, non seulement pour accueillir les jeunes mais aussi pour gérer les rapports, un roulement se fait pour qu'il y ait en permamance un éducateur dans la structure.

* Fonctionnement et représentation de la loi dans la culture sénégalaise :

Le facteur principal de la délinquance juvénile, selon Maurice Dione, est avant tout le facteur économique. Les intervenants utilisent le terme de "délinquance économique". Le délit le plus répendu est effectivement le vol, suivi des coups et blessures volontaires, le plus souvent à cause d'évenements en lien avec l'image de soi et pour préserver sa "dignité".

Quant au taux de la délinquance, au Sénégal, aucune étude a été faite, à la connaissance de Maurice Dione, mais celui-ci explique que l'ampleur change en fonction de la région et de la ville. Ainsi, Dakar est proportionnellement plus criminelle. Elle comporte d'ailleurs un foyer éducatif dans chacun de ses quartiers. Des facteurs sociaux au delà de celui de la pauvreté permettent à Maurice Dione d'expliquer ce phénomène croissant qui sévit à Dakar, tel que l'exode rural, les tentations/opportunités criminelles et les inégalités sociales.

Selon lui, en Casamance particulièrement, la société reste encore profondément marquée par les traditions animistes. Ainsi , la plupart du temps, la communauté controle la gestion de la délinquance et parvient à régler les conflits sans en avertir les autorités. La justice institutionnalisée n'est pas encore une habitude et le premier réflexe sera encore aujourd'hui d'avoir recours aux méthodes traditionnelles (Prévenir le roi animiste de la communuté qui agira comme médiateur et trouvera une solution satisfaisante pour les deux parties: Le plus souvent un sacrifice.) C'est au cas où les délits sont plus graves ou ne parviennent pas à se résoudre de cette manière que les citoyens ont recours au système de justice. Ainsi, en Casamance, l'utilisation de l'appareil judiciaire n'est pas encore répendue et semble avoir un impact direct important sur la diminution de la délinquance chez le jeune, puisqu'elle produirait un sentiment de peur, tant chez le jeune que chez son entourage.

Or, la répression ne suffit pas, selon Maurice Dione, pour diminuer véritablement le phénomène de délinquance juvénile. Pour parvenir à agir sur ces facteurs, la logique éducative est mise en avant, quelque soit le délit commis. La rééducation, la réinsertion sociale et familiale ainsi que la liberté sont les objectifs principaux de l'intervention. Ainsi, la peine, notamment dans la mesure de liberté surveillée, est précisée au tribunal, mais dépend plus de l'éducateurque du juge. Les suivis sont donc souvent à long terme, au delà de 6 mois (généralement entre 1 et 2 ans). De plus, en fonction de l'attitude évolutive du jeune, une demande de modification de garde peut être faite par l'éducateur au juge, par le biais d'un rapport complet. Le juge l'acceptera le plus souvent.

* Les freins à une intervention plus efficace:

A cause de la politique de recrutement actuelle, les équipes ne sont pas suffisamment pluridisciplinaires ni nombreuses, ce qui nuit à leur efficacité. Trois éducateurs composent l'équipe du SAE de la région de la Casamance et huit éducateurs, au total, pour les différentes structures de la région. Le nombre de dossier est donc largement supérieur à ce qui est recommandé pour que l'intervenant puisse agir de manière efficace avec le jeune.

De plus, composées uniquement d'éducateurs spécialisés et d'asistants sociaux (rarement), le regard posé sur le jeune n'est pas exhaustif. Des psychologues et des criminologues seraient essentiels pour apporter un autre regard sur le phénomène de la délinquance juvénile.

Enfin, comme il l'a été présenté, l'éducateur est souvent appelé à se déplacer non seulement dans la ville mais aussi dans toute la région. C'est avec son véhicule personnel, ou plus précisément les transports en commun (les éducateurs ne possédant pas de véhicule), que l'éducateur ira à la rencontre des familles et des jeunes. Les trajets ne lui seront pas remboursés sur le plan financier, ce qui ne facilitera pas ses déplacements sur le terrain.

¤ SENEGAL : Intervention au sein d'un centre de sauvegarde, avril 2008


¤ Mise en contexte:

Après avoir réussi à trouver les coordonnées de la Directrice de l'Education Surveillée et de la Protection Sociale (DESPS) du Sénégal, non sans peine (numéro de téléphone et adresse non mis à jour sur internet), son emploi du temps, trop chargé selon ses propos, ne lui permettait finalement pas de me rencontrer. Cela signifiait donc clairement qu'il m'était impossible de rencontrer ni structures ni professionnels, étant donné qu'il fallait avoir son accord pour cela.
Ainsi, à Dakar, il fut impossible d'échanger sur l'intervention auprès des jeunes contrevenants.

Finalement, ayant fait des recherches malgré tout, certains établissements répertoriés, à l'extérieur de Dakar, semblaient très interressants, notamment en Casamance, à Ziginchor. Qui ne tente rien n'a rien... Une fois sur place, je me suis donc mise en relation avec deux structures: un centre de sauvegarde et un service d'action en milieu ouvert. L'un comme l'autre a accepté sans hésitation à me rencontrer pour échanger sur nos pratiques, et surtout, pour parler de la réalité de l'intervention auprès des jeunes, au Sénégal.

¤ Intervention au centre de sauvegarde de Ziginchor:

C'est Emile Dieme, le directeur du centre qui m'a accueilli. Celui-ci me propose de me faire visiter le centre, qui se trouve dans un environnement particulièrement agréable et disposant d'un grand espace vert de plusieurs hectars. Il y a une pièce servant d'école, une cuisine, un local pour les intervenants, un espace destiné à la couture, une grande pièce pouvant, dans l'avenir, permettre un hebergement pour les jeunes.
Actuellement, les financements ne permettent qu'à 3 professionnels d'être en activité: un directeur, qui, en plus des taches administratives, doit également prendre en charge les jeunes; un éducateur responsable pédagogique, qui s'occupe particulièrement de la gestion des dossiers; un autre éducateur qui gère l'école ainsi que les relations avec les partenaires extérieurs. De temps à autre, une monitrice de couture forme les jeunes. Malheureusement, là encore, les fonds manquent, à tel point qu'il n'y a que trois machines à coudre en état de marche, cela retreignant indubitablement le nombre de jeune qui s'investissent dans cette activité.

Quarante huit jeunes sont pris en charge, dont trente qui ont une ordonnance de garde provisoire. Il s'agit d'enfants dont les parents ont sollicités le juge pour prendre en charge l'éducation de leurs jeunes.
Les activités des jeunes sont les suivantes: scolarisation (étant donné qu'il n'y a qu'un éducateur-professeur, un seul niveau d'enseignement est proposé); repas; repos; jardinage; couture.

* Les difficultés et les projets pour le centre de sauvegarde:

M. Dieme et ses collaborateurs aimeraient pouvoir transformer cette institution en centre polyvalent, c'est à dire, avec et sans hebergement, et avec des jeunes en danger et des jeunes contrevenants, étant donné qu'elle est la seule de la région. Ainsi, le centre a le projet d'accueillir de jeunes délinquants, si la DESPS envoie les financements nécessaires, pour rendre réalisable une telle réorganisation du service. M. Dieme serait tout à fait motivé que le centre puisse prendre une telle expension, à condition, bien sûr, qu'il est tout le soutien materiel et professionnel pour rendre possible cela.
Dans un tel contexte, il aimerait mettre en place des activités telles que la menuiserie, la cérigraphie, la maintenance de froid, la sculture, la restauration et les activités sportives et améliorer les activités de couture, de jardinage ainsi que la scolarisation. Cependant, à trois intervenants, c'est actuellement irréalisable, et c'est déjà presque impossible de répondre au mandat actuelle de la structure. Selon M. Dieme, un centre équipé avec le materiel necessaire peut jouer son rôle mais l'inverse est difficile. Le centre ne possède pas non plus d'ordinateur ni de connection internet; pas de véhicules pour se déplacer dans les familles; pas de lits pour pouvoir heberger les jeunes... Celui-ci ainsi que son équipe restent, malgré ces réalités, très motivés et sont confiants pour l'avenir. Ils n'hésitent pas à dépenser, personnellement, en temps et en argent, pour continuer à faire fonctionner le centre et à en faire la promotion, en réalisant des campagnes de publicité, dans les villages ou par les ondes radio locales. Un bel exemple d'investissement personnel!

18 févr. 2008

¤ MAROC: Phénomène de délinquance à travers la rencontre avec Mohammed GUEDAH



* Présentation de M. GUEDAH:

M. GUEDAH est professeur et directeur du département de Pyschologie de l'université Mohamed V, à Rabat, capitale du Maroc. Il s'interresse à la problématique délinquante au Maroc, particulièrement celle des adolescents.
De plus, il fait parti de l'Association Internationale des Criminologues de Langue Française(AICLF) et organise, avec d'autres professionnels et chercheurs, le XI ème colloque ayant pour thème: "Délinquance et changements sociaux: Dialogue Nord Sud".
Ce colloque aura pour objectif de rassembler les préoccupations sociales et culturelles, les connaissances théoriques et empiriques et les pratiques/interventions actuelles des pays du nord et du sud afin d'avancer, ensemble, sur la problématique du phénomène de la délinquance.


* Etat de la délinquance au Maroc:

Les facteurs de délinquance, au Maroc, ne sont actuellement pas encore complètement établis. Ceux-ci dépendent d'une "interaction de facteurs sociaux et personnels dans un contexte culturel donné". Selon M.G., il est donc très délicat, voire impossible de mesurer avec exactitude les chiffres réels. Il semblerait, cependant, que certains facteurs criminogènes directs soient communs aux pays du Nord et au Maroc, notamment la famille (le contrôle parental et le le milieu socio-culturel) et l'école (l'absentéisme et le niveau scolaire).

Une variation cependant : Le système socolaire marocain est plus problématique que dans nos pays du Nord, et ne favorise pas l'intégration. Celui-ci, divisé en deux, public et privé, est particulièrement inégal. L'école privée, très chère, est donc composé de l'élite et mène facilement jusqu'à l'université. L'école publique, quant à elle, est très précaire. Bien qu'officiellement, les jeunes soient obligés d'être scolarisé jusqu'à 16 ans, la majorité quitte le système bien plus tôt: Manque de transport dans les villages; nécessité pour la famille que le jeune travaille (agriculture, pêche, élevage...); manque de qualification des professeurs; manque de place dans les écoles (dans de nombreux endroits du Maroc, le jeune ne va à l'école qu'à mi-temps); inadaptation des cours au marché de l'emploi...

Concernant l'évolution de la délinquance, des statistiques officielles sont établies au sein de la police et des tribuneaux, mais la délinquance auto-révélée par les jeunes présente un chiffre nettement supérieur. Il est donc difficile de situer l'évolution réelle de la délinquance.

Le type de délit est plus mesurable : le plus courant est le vol. Effectivement, en règle général, "les activités délictuelles sont très liées à l'argent." Vol à la tire, vol à l'étalage depuis peu et hold-up sont les principaux évoqués. Ceux-ci, réalisés en bande, ne sont pas reliés aux phénomène de gang de rue, qui est un phénomène très précis et dont la définition a été, à présent, établie.

* Réponses sociales à la délinquance:

L'un des problèmes aussi pour mesurer la délinquance, pour M. G., semble lié à l'activité policière. Bien que nous ne pouvons nier que cette réalité est également présente dans nos pays du nord, l'arrestation policière resterait très arbitraire. Les pratiques policières sont étroitement liées aux policiers et particulièrement aux rapports entre jeunes et autorité. La tendance reste encore liée au "bakchich" que demandent les policiers, en échange de leur silence. M.G. parle ainsi d' "affaires réglées souvent et malheureusement à l'amiable". De cela, nous pouvons donc supposer un lien direct entre la dénonciation des délits commis et le revenu économique du jeune ou de sa famille.

La procédure classique diffère des procédures des pays du Nord: Suite à l'arrestation de la gendarnerie royale, le jeune est présumé coupable. Une décision est alors prise, largement éclairée par l'enquète des travailleurs sociaux, concernant le type de mesure approprié. Il s'agit le plus souvent de placement en centre d'observation, de rééducation ou social, de protection de l'enfance pour jeunes délinquants. Les garçons et les filles sont systématiquement dans des structures distinctes. Des éducateurs, formés minimalement deux ans à l'université, sont chargés de leur réinsertion sociale. Etant donné le type de délit, l'objectif principal est de permettre aux jeunes de faire un apprentissage, dans la menuiserie ou la maçonnerie plus particulièrement, afin de sortir de l'institution avec un métier.

Sans que les chiffres aient pu être donnés, une grande majorité des jeunes ne récidivent pas.