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Murielle Fouassier témoigne de son expérience unique à travers ce blog: un voyage autour du monde, qu'elle a entrepris depuis janvier 2008, à la rencontre de milieux et de professionnels spécialisés en criminologie.

Suite à des études de psychologie, en France et de criminologie à Montréal, au Canada, Murielle a souhaité davantage élargir son champ de connaissance, afin de tenter de mettre en avant les pratiques d'interventions originales et efficaces en terme de diminution de la récidive, auprès des jeunes contrevenants, qui sont dans une période développementale complexe et déterminante.

Dans une ère où les interventions évoluent et progressent largement, où les moyens techniques nous permettent de dépasser nos propres horizons et de traverser les frontières, où tous les peuples se penchent sur des questions psycho-sociales déterminantes pour l'avenir de nos sociétés, "Criminologie de par le monde" symbolise le projet d'ouvrir et d'enrichir le regard porté sur l'intervention en criminologie. Il servira aussi à tous les professionnels exerçant de près ou de loin auprès d'une population de jeunes contrevenants, désirant ouvrir leur champ de connaissance ainsi que leur réseau.

Comment définir la criminologie en quelques mots? C'est une science sociale et humaine qui étudie les comportements criminels et tente non seulement d'expliquer le phénomène, en axant principalement son regard sur les causes et les impacts de la délinquance, mais aussi d'apporter des solutions, notamment en terme d'intervention.


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¤ L'INTERVENTION EN CRIMINOLOGIE

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10 sept. 2007

¤ QUEBEC: La thérapie psychodynamique, Kernberg



1. Références théoriques et empiriques…

La thérapie psychodynamique, décrite par Kernberg, se base fondamentalement sur les travaux de Freud, puis de ses disciples, tel que M. Mahler. Elle fait donc explicitement référence aux théories psychanalytiques contemporaines et plus lointaines. Ainsi, les principales notions qui décrivent l’individu, dans sa réalité interne et externe sont le conscient et l’inconscient, le Moi, le Ca et le Surmoi, le normal et le pathologique, la névrose, la psychose et les états limites, les stades (le stade oral, anal, le complexe d’Œdipe), les pulsions, les conflits intrapsychiques, le refoulement, etc. En ce qui concerne la thérapie proprement dit, les notions de transfert, de contre transfert, de neutralité bienveillante, d’association libre sont les concepts clés présentés par Kernberg.

2. Références légales, sociales ou politiques…

Les références légales, sociales ou politiques ne sont pas présentes dans la thérapie psychodynamique. En fait, c’est depuis l’apparition de la psychanalyse que ces thérapies sont utilisées.

3. Cadre et contexte de prédilection…

C’est avec le patient que le thérapeute fixe la fréquence de ses séances. En général, il s’agit d’une séance par semaine, mais, en fonction de la situation, cela reste variable. Cependant, une fois que le cadre est posé, il est important dans ce genre de thérapie de le respecter et de ne pas le changer, sauf dans de rares situations. Ainsi, les interactions entre le patient et le thérapeute sont le plus régulières possibles. De plus, elles sont ponctuelles, puisque le thérapeute n’intervient pas en dehors de ce cadre thérapeutique, afin de préserver l’authenticité de « ce lien thérapeutique » avec son patient.
Généralement, le thérapeute intervient seul, et ne travaille pas en équipe. Il doit garder, tant que possible, la confidentialité des propos du patient, ici, état limite, à moins qu’il s’agisse d’informations très particulières. Il intervient dans un contexte volontaire, où le patient devrait idéalement désirer changer.

4. Modalité des interactions…

Les interactions sont donc basées sur une relation duelle entre le thérapeute et le patient. Elles sont définies en terme de relation transférentielle et contre-transférentielle.

5. Définition des objectifs poursuivis et de l’alliance thérapeutique…

L’objectif principal du thérapeute est de faire en sorte que les conflits intrapsychiques inconscients du patient, qui génèrent des difficultés d’adaptation, soient mis à jour, c’est à dire, qu’ils deviennent conscients, afin que la relation d’objets, archaïque (clivée et partielle) devienne plus élaborée et dépasse les stades oraux et anaux, pour atteindre une dimension triangulaire, soit totale. Plus simplement, le thérapeute doit permettre au patient de changer en l’aidant à identifier ses représentations défaillantes de l’objet, et de soi, afin de les intégrer de façon plus élaborée.
C’est par l’interaction thérapeutique, appelée transfert, que les fantasmes archaïques du patient sont réactualisés dans l’ici et maintenant. Par ce biais, le thérapeute doit analyser la relation qui se joue afin de l’interpréter au patient de façon à ce que ce dernier puisse comprendre les motivations et défenses inconscientes qui déterminent ses passages à l’acte. Son rôle n’est ni celui d’un éducateur ni d’un enseignant : il ne lui donne ni conseils et ne lui fait aucun reproche, ne prend pas partie, ne juge pas. Pour que le patient puisse parvenir à avoir un discours « total », sans mensonges, tabous ni retenues, celui-ci doit se sentir parfaitement à l’aise et en confiance. Pour cela, le thérapeute doit lui manifester une écoute compréhensive et attentive, ainsi qu’une attitude neutre et bienveillante.
Avant que la psychothérapie expressive ne commence réellement, le patient et le thérapeute doivent établir ensemble un contrat, afin de structurer le traitement. Les objectifs doivent donc être clairs et réalistes, ainsi que satisfaisants pour le patient. C’est également par ce contrat que les deux individus vont se mettre d’accord sur le tarif, le mode de paiement, le prix des séances manquées, la fréquence des séances, la conduite vis-à-vis de tierces personnes etc. L’échéance n’est pas prédéterminée, car celle-ci dépend de l’évolution du traitement, différent selon chaque individu, mais la fin est déterminée par le thérapeute, lorsque celui-ci juge que le patient a atteint ses objectifs.


6. Grille d’analyse/explication des problèmes cibles…

Dans la thérapie psychodynamique des personnalités limites, les problèmes du patient sont avant tout internes et sont décrits en terme de pathologie. L’organisation intrapsychique précoce serait restée archaïque, ce qui entraînerait des conflits intrapsychiques préoedipiens importants ainsi que des représentations psychiques non élaborées, et fixées aux stades oral et anal. Ainsi, les relations triangulaires seraient particulièrement déficitaires, puisque mal, voire non intégrées.
Le Moi est donc mal construit, entre un Ca trop présent (les pulsions et les fantasmes archaïques débordants et n’étant pas maîtrisables), et un Surmoi sadique et persécuteur, qui n’est pas intériorisé, ne refoulant donc pas suffisamment les pulsions, et expliquant par là même, les nombreux passages à l’acte de l’individu. Les relations à l’autre, directement liées à la relation d’objets sont donc défaillantes, puisqu’elles sont, comme nous l’avons évoqués, archaïques et clivées.

7. Stratégies d’intervention et processus de changement…

→ Matériel ciblé et travaillé durant l’intervention
Le thérapeute se centre sur les éléments verbaux du patient, mais aussi ceux qui sont non verbaux, dont les attitudes gestuelles et les silences.
Plus particulièrement, dans le discours, celui-ci va chercher à analyser le transfert (positif comme négatif) dans l’ici et le maintenant, soit les émotions et les fantasmes qui se jouent dans la relation thérapeutique, et que le patient lui projette. Etant donné qu’il s’agit d’une reproduction des émotions et réactions vécues dans le passé du patient, le thérapeute parvient alors à comprendre la dynamique interne et la relation de ce dernier aux objets passés intériorisés. Deux types de transfert sont mis en place : Les transferts primaires, concernant les relations d’objet partiel, et les transferts élaborés, se jouant au niveau des relations d’objet total. Avec les personnalités limites, ce sont les transferts primaires qui sont à prendre en compte, qui doivent être progressivement remplacés par les transferts élaborés, avec l’aide du thérapeute et son éclairage.
Le contre-transfert est également un matériel qui doit être utilisé par le thérapeute, et concerne « toutes les réactions affectives du thérapeute vis-à-vis du patient. » La plupart du temps, celui-ci est une conséquence des défenses archaïques d’un transfert intense et primaire. Ainsi, le contre-transfert permet directement d’éclairer le transfert, et de mieux comprendre le patient. Il est en ce sens indispensable lors du traitement, et particulièrement de l’interprétation.
Enfin, il arrive que des passages à l’acte aient lieu. Dans ce cas, le thérapeute doit mettre un accent particulier dessus et ne pas les mettre de coté. Il doit tenter de l’interpréter avec le patient afin que ce dernier comprenne mieux et extériorise ses conflits internes.

→ Attitudes encouragées chez l’intervenant
Le thérapeute encourage son patient à tout dire, par son attitude bienveillante et son écoute attentive. Il doit être le plus neutre possible, c'est-à-dire un intérêt objectif et équilibré » afin de permettre au patient de tout dire, sans investir des éléments plus que d’autre. Il doit aussi adopter une « attitude d’abstinence », selon Kernberg, c'est-à-dire, ne pas répondre aux exigences conscientes et surtout inconscientes du patient, tout en restant quelqu’un de chaleureux, d’humain, d’attentionné.
Par contre, celui-ci doit être exigent sur ce qui concerne le contrat et l’engagement du patient. Il doit lui faire comprendre la nécessité d’un tel contrat. Pour les personnalités limites où la gestion du temps est difficile, le thérapeute doit être ferme et intransigeant, à un point tel qu’il pourra interrompre le traitement si cela n’est pas respecté.

→ Interventions et rétroactions verbales de l’intervenant
Le thérapeute a toujours une écoute attentive, qui lui permet de sélectionner le matériel sur lequel mettre l’accent, et d’explorer les différents thèmes, soit l’affect, le transfert, le contre-transfert et/ou la réalité externe, afin de travailler sur ceux qui lui semblent les plus significatifs.
Par des outils d’investigation, il parviendra La clarification est la première étape du processus. Cela consiste à inviter le patient à toujours en dire plus, à expliciter davantage, à être plus clair, à expliquer son discours. Ainsi, le thérapeute va lui demander d’éclairer des zones qui sont sombres, inexplorées ou incohérentes. Cela permet au patient, comme au thérapeute, de comprendre davantage ses pensées et de faire en sorte que le matériel qui servira plus tard à l’interprétation soit le plus « épluché » possible.
La seconde étape est celle de la confrontation. Cela permet de rendre le patient conscient de ses conflits et de ses dissonances, qui lui semblait avant cela naturels. Encore une fois, les interventions du thérapeute sont limitées aux éléments qui lui semblent indispensables de reprendre, et sont énoncés sous forme d’une question, afin d’inciter le patient à réfléchir davantage. Cette étape est le dernier pas vers l’interprétation.
Enfin, l’interprétation proprement dite met en lien le matériel conscient avec les motivations et désirs inconscients, afin que les conflits soient rendus intelligibles, et par là-même « désamorcés ». Pour cela, il doit analyser le transfert « qui consiste dans l’analyse de la réactivation dans l’ici et maintenant des relations d’objets intériorisées du passé, et qui constitue aussi l’analyse des constructions du Moi, Surmoi et Ca. » Par ses interprétations, qui sont des formulations d’hypothèses concernant les liens entre les conduites conscientes et inconscientes du patient, le thérapeute doit parvenir à faire émerger la signification du transfert inconscient.

8. Indications/Contre indications…

C’est lors de l’évaluation préliminaire que le thérapeute juge de la pertinence de la thérapie pour ses patients. Ces traitements sont privilégiés pour les personnalités limites ou les névrosés. De plus, l’individu doit être dans une démarche active de changement, et doit être ouverte à cette forme de thérapie. De plus, comme il s’agit de traitements essentiellement basés sur la capacité de l’individu à faire des liens, il est essentiel qu’il ait un quotient intellectuel normal, sinon quoi les interprétations du thérapeute ne feront pas de sens.
Par contre, ils sont contre indiqués pour les psychotiques et plus particulièrement pour les personnalités psychopathiques, ainsi que pour ceux qui ne sont pas en demande, car ils court-circuiteraient la démarche.

9. Résultats et efficacité…

Ces thérapies psychodynamiques privilégient la qualité de la relation, et s’intéressent à l’individu dans toute sa singularité. Ainsi, les études quantitatives ne sont pas réalisables car il s’agit d’un traitement à long terme, où les changements peuvent apparaître longtemps après la thérapie. Ceux-ci sont internes et ne concernent pas directement le comportement observable. Cela explique malheureusement en grande partie pourquoi ces thérapies ne sont pas d’avantage utilisées, car, dans une ère où tout doit être quantitativement justifié, elles n’apportent pas de résultats concrets et chiffrés en ce qui concerne l’efficacité du traitement.

10. Conclusions sur « les ingrédients actifs »…

Il est indispensable de maintenir le cadre du traitement le plus stable possible, particulièrement pour les personnalités limites, qui ont des défenses très précaires et qui pourraient être déstabilisés. Cela concerne les éléments du contrat, soit les limites spatiales et temporelles, le déroulement des séances, la responsabilité et les engagements du patient comme du thérapeute.
Les objectifs doivent être réalistes et les moyens explicités. Par contre, le contrat ne doit pas être violé, ou si tel est le cas, il faut revenir sur la situation avec le patient, tenter de comprendre et de trouver des solutions. Si cela est impossible, le thérapeute devra mettre fin au traitement.
Entre la mise en place du contrat et le traitement proprement dit, une frontière claire doit être mise en place, pour que le patient s’engage correctement dans le processus thérapeutique.
La communication entre le patient et le thérapeute doit être la plus authentique et la plus ouverte possible. Pour cela, la neutralité bienveillante est fondamentale, comme nous l’avons précisé plus haut.

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