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Murielle Fouassier témoigne de son expérience unique à travers ce blog: un voyage autour du monde, qu'elle a entrepris depuis janvier 2008, à la rencontre de milieux et de professionnels spécialisés en criminologie.

Suite à des études de psychologie, en France et de criminologie à Montréal, au Canada, Murielle a souhaité davantage élargir son champ de connaissance, afin de tenter de mettre en avant les pratiques d'interventions originales et efficaces en terme de diminution de la récidive, auprès des jeunes contrevenants, qui sont dans une période développementale complexe et déterminante.

Dans une ère où les interventions évoluent et progressent largement, où les moyens techniques nous permettent de dépasser nos propres horizons et de traverser les frontières, où tous les peuples se penchent sur des questions psycho-sociales déterminantes pour l'avenir de nos sociétés, "Criminologie de par le monde" symbolise le projet d'ouvrir et d'enrichir le regard porté sur l'intervention en criminologie. Il servira aussi à tous les professionnels exerçant de près ou de loin auprès d'une population de jeunes contrevenants, désirant ouvrir leur champ de connaissance ainsi que leur réseau.

Comment définir la criminologie en quelques mots? C'est une science sociale et humaine qui étudie les comportements criminels et tente non seulement d'expliquer le phénomène, en axant principalement son regard sur les causes et les impacts de la délinquance, mais aussi d'apporter des solutions, notamment en terme d'intervention.


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¤ L'INTERVENTION EN CRIMINOLOGIE

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8 mai 2008

¤ BURKINA FASO: Le centre de réinsertion de Laye, une initiative de l'Association Pénitenciaire Africaine (APA)



* L'Association Pénitenciaire Africaine:


L’Association pénitentiaire Africaine, a été créée en février 1996 au Bukina Faso, par des professionnels intéressées aux problématiques criminelles et désireuses de contribuer à l’amélioration des conditions de détention en Afrique. Elle regroupe aujourd’hui des membres dans une vingtaine de pays africains et européens et est financée par de nombreux partenaires d'organisations non gouvernementales, tel que l'UNICEF, Terre des hommes etc.

L'APA a pour objectif d'intervenir dans tous les pays africains, organisé en section indépendante, composé de bureaux exécutifs pour prendre les décisions concernant les questions liées aux situations de détention des jeunes et des adultes africains. Afin de créer une cohérence et une solidarité, les différents membres de l'association sont en contact très régulièrement par téléphone ou par internet.



C'est dans ce contexte que le centre pour mineurs de Laye est né, véritable initiative de l'Association Pénitenciaire Africaine, pour contrer les détentions systématiques des jeunes dans les prisons et mettre en avant la nécessité de répondre aux besoins développementaux et sociaux des mineurs délinquants. La prise en charge est également assurée par Terre des Hommes ltalie.


* Rencontre avec le directeur du centre de réinsertion de Laye:

M. Traore, directeur du centre et membre de l'APA, a pu me recevoir malgré un emploi du temps chargé, afin de me présenter le centre de réinsertion de Laye et le travail des intervenants. Le centre de Laye est une référence actuelle dans l'Afrique de l'Ouest, qui est l’aboutissement d’un partenariat entre plusieurs acteurs privés, publics, internationaux et au jour le jour, de la bonne volonté de chaque intervenant burkinabais, soit d'un psychologue permanant (permettant d'apporter à l'équipe et au jeune un regard extérieur sur les situations vécues au quotidien lors des réunions hebdomadaires, de s'occuper du suivi des jeunes et de faire des bilans psychologiques), d'un éducateur, d'un infirmier, d'un cuisinier, d'un animateur en alphabétisation et d'un formateur pour les activités professionnelles.

Le centre d’accueil de Laye pour mineurs en conflit avec la loi a une vocation nationale : il reçoit des jeunes contrevenants venant des quatre coins du Burkina Faso. Le centre est mixte, et peut recevoir jusqu'à 48 jeunes qui ont entre 13 et 18 ans. Il est actuellement plein, dont 24 filles. Cette mixité est expérimentée depuis janvier 2008, dans le but de créer un lieu plus proche de la réalité de la société: "C'est un risque, c'est sûr, mais autant que le jeune vive comme dans la société et se confronte aux notions de respect, de connaissance de l'autre. C'est plus difficile, mais la vie ne se limite pas au centre!"

Le type de délit est variable, mais correspond à des vols simples pour la grande majorité des cas, expliquable par la grande pauvreté des familles. Ces actes sont commis par necessité, souvent pour pouvoir se nourrir et nourrir leur famille. D'un ordre différent, quelques cas de crimes tel que des agressions sexuelles ou des homicides sont également commis.

Les facteurs explicatifs de la délinquance des jeunes, selon M. Traore, serait donc tout d'abord la pauvreté, puis les défaillances éducatives, ainsi que l'exode rural ramenant un grand nombre de jeunes dans les villes afin de trouver de l'argent.


Les responsables du centre bénéficient d’un environnement favorable à l’accomplissement de leur mission. Les initiateurs jouissent du soutien de la Commission Européenne et de la Fondation Terre des Hommes Italie.

Le centre de Laye est une alternative à la prison, ou à la peine en communauté, où le jeune sera surveillé par un travailleur social. "Dans les prisons du Burkina Faso, il n'y a pas de séparation entre les jeunes et les adultes si bien que ceux-ci sont très en danger, sans compter les apprentissages de stratégies criminelles qu'ils peuvent faire. Le centre de Laye se veut réellement être une alternative à cela."

Etant donné que l'incarcération physique est moins contraignante qu'en prison, il est toutefois necessaire qu'un service de sécurité, qui est composé de gardiens et de personnels du ministère de la justice, soit présent 24h/24.

En moyenne, le placement du jeune au centre de réinsertion de Laye est de 2 ans. "La durée était de un an au début, mais les résultats n'étaient pas suffisamment significatif. On a alors décidé de prolonger le temps de placement du jeune, et actuellement, les résultats sont nettement meilleurs."

L'un des fateurs essentiel à une bonne réinsertion est de rendre les parents partenaires. Pour cela, les intervenants se déplacent dans les familles, dans la mesure du possible.

Afin "de former le jeune à être un bon citoyen", les objectifs du centre sont:

- d’alphabétiser les mineurs,

- de scolariser ceux qui sont alphabétisés,

- de faciliter le développement de la confiance des mineurs en eux-mêmes à travers l’acquisition de nouvelles connaissances et de nouvelles capacités,

- de former les mineurs à un métier qui puisse les positionner sur le marché du travail (menuiserie, mécanique des engins à deux roues, électricité, élevage, entretien de moulin ).

Pour cela, les travaux manuels (jeux de société etc.), le sport, les cours d'éducation civique, l'alphabétisation, ainsi que des ateliers de formations à l’apprentissage sont les éléments essentiels de l’intervention.

Plus précisément, l'emploi du temps du jeune est organisé de la façon suivante:

- 5h45: Réveil

- 6h00-8h00: Toilette, rangement, activité élevage et jardinage, petit déjeuner

- 8h00-12h00: Scolarisation ou alphabétisation divisée en deux langues nationales de plusieurs niveaux: Diola et Moré + cours d'éducation civique

- 12h30: Déjeuner suvi d'une sieste

- 14h00-17h00: Formation professionnelle: Soudure, mécanique, menuiserie, électricité, couture, confection de batique, savonnerie.

- 17h00: jeux de société/sport

- 18h00: Toilette

- 19h00: Diner, suivi de temps libre

-21h00: Retour dans les dortoirs et coucher.

Pour maximiser l'insertion professionnelle du jeune, le jeune doit impérativement participer à chacun des ateliers, une à deux semaines, pour choisir, en toute connaissance de cause, l'activité dans laquelle il s'investira. "C'est aussi pour contrer les préjugés des jeunes".

Les financements, assurés principalement par les ONG internationnales, sont également distribués par l'état burkinabais: "La confiance et la réputation des professionnels, recrutés par des membres de l'APA et de Terres d'Italie, facilitent énormément la relation entre le centre de Laye et le gouvernement." "Cependant, les activités sont encore limitées et pourraient être plus diversifiées. Nous ne manquons pas d'idées, mais de moyens."

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