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Murielle Fouassier témoigne de son expérience unique à travers ce blog: un voyage autour du monde, qu'elle a entrepris depuis janvier 2008, à la rencontre de milieux et de professionnels spécialisés en criminologie.

Suite à des études de psychologie, en France et de criminologie à Montréal, au Canada, Murielle a souhaité davantage élargir son champ de connaissance, afin de tenter de mettre en avant les pratiques d'interventions originales et efficaces en terme de diminution de la récidive, auprès des jeunes contrevenants, qui sont dans une période développementale complexe et déterminante.

Dans une ère où les interventions évoluent et progressent largement, où les moyens techniques nous permettent de dépasser nos propres horizons et de traverser les frontières, où tous les peuples se penchent sur des questions psycho-sociales déterminantes pour l'avenir de nos sociétés, "Criminologie de par le monde" symbolise le projet d'ouvrir et d'enrichir le regard porté sur l'intervention en criminologie. Il servira aussi à tous les professionnels exerçant de près ou de loin auprès d'une population de jeunes contrevenants, désirant ouvrir leur champ de connaissance ainsi que leur réseau.

Comment définir la criminologie en quelques mots? C'est une science sociale et humaine qui étudie les comportements criminels et tente non seulement d'expliquer le phénomène, en axant principalement son regard sur les causes et les impacts de la délinquance, mais aussi d'apporter des solutions, notamment en terme d'intervention.


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¤ L'INTERVENTION EN CRIMINOLOGIE

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10 janv. 2007

¤ QUEBEC ET AMERIQUE DU NORD: Les programmes probants auprès des jeunes délinquants persistants



I.Problématique

Depuis longtemps, le traitement des délinquants est une question sociale fondamentale : peut-on « guérir », « sauver l’âme » de nos criminels ? La majorité des sociétés, traditionnelles ou non, se sont penchée sur cette question, afin de rétablir un bien être social, une sécurité de tous ses membres… « Comment le bien pourrait-il triompher du mal ? »...
Au fur et à mesure que les sociétés « évoluaient » et que les sciences progressaient, se sont développées des théories, puis des théories sont enfantés des traitements. Par des recherches empiriques et théoriques, les traitements ont alors pu être mis l’épreuve, par des méthodes rigoureuses, qualitatives et quantitatives, qui n’ont cessés, jusqu’à ce jour, de s’améliorer.
Ainsi, aujourd’hui, nous pouvons tester, confirmer ou infirmer les pratiques, sans cesse grandissantes dans le domaine de la criminologie. La criminologie, qui est devenue une science, à part entière, dans certains pays, surtout en Amérique, mais aussi dans plusieurs endroits d’Europe. La France quant à elle, n’en est pas encore là : la criminologie est un axe de la psychologie, de la sociologie, du droit. Ayant terminé mes études de psychologie clinique en France, mais ayant toujours eu comme désir et objectif de travailler auprès de population criminelle juvénile, je suis ainsi partie, au Québec, afin de continuer mon parcours « initiatique » dans un continent où les traitements et les interventions auprès des délinquants montrent de plus en plus leur efficacité, démontrée par les chercheurs.


II. Les modèles de traitement…

Dans cette recherche, les modèles de traitements sont en très grande partie largement inspirés de l’approche cognitivo-comportementale, approche que j’ai tenu à étudier étant donné le consensus de la très grande majorité des chercheurs et des auteurs au sujet de son efficacité, en matière de délinquance juvénile (particulièrement la délinquance structurée).
Tous les programmes qui démontrent la meilleure efficacité sont ceux qui sont polyvalents et ne doivent pas avoir une seule technique d’intervention, mais plusieurs modalités différentes, en fonction du jeune. (HOLLIN, 1990, LEBLANC et al., 2002, DIANNE et COURNOYER, 2005)

Les programmes cognitivo-comportementaux, qui consistent à améliorer les habiletés dans la gestion de la colère, par la restructuration cognitive, l’acquisition d’habiletés et l’entraînement à l’application (à travers le réencadrement cognitif, l’entraînement à la relaxation, l’imagerie, le modelage et les jeux de rôle), s’avèrent efficace et diminuent significativement la colère, chez les jeunes contrevenants. (BECK and FERNANDEZ, 1998).
De plus, les ateliers incluant les problèmes de résolutions interpersonnelles, l’entraînement au contrôle de soi et à la gestion de soi, l’entraînement, la gestion de la colère, la prise de rôle, le développement du jugement moral sont également ceux qui semblent les plus satisfaisants. (HOLLIN, 1990).

Ainsi, le programme Reasoning and Rehabilitation (R and R) de Ross et Fabiano (1985) est vu comme l’un des meilleurs programme existant, puisqu’il comporte des éléments d’habiletés sociales, de résolution de problèmes interpersonnels, de modèles cognitifs, de prises de perspectives sociales, de raisonnement critique, de valeur, de méta-cognition, et de contrôle de soi. Le programme demande 80h d’entraînement intensif avec des groupes de 4 à 6 jeunes en probation, mais montre des résultats d’une efficacité extrême, après 9 mois, avec un taux de récidive de 18%, au lieu de 70% pour le groupe de probation et 48% pour celui dans un groupe d’habiletés de vie. (HOLLIN, 1990, LANDENBERGER and LIPSEY, 2005)

Cependant, le programme ART, à plusieurs modalités, qui utilise les techniques d’habiletés sociales et de thérapie cognitivo-comportementale de Glick and Goldstein (1987), est retenu comme montrant le plus d’efficacité. (HOLLIN, 1990, BARNOSKY, 2002, LANDENBERGER and LIPSEY, 2005) Il s’agit d’un programme cognitivo-comportemental, de 10 semaines avec 30 heures d’intervention administrées en groupe de 8 à 12 jeunes contrevenants, trois fois par semaine (soit 1 heure par atelier de groupe). Pour être éligible, le jeune contrevenant, doit avoir un risque de récidive modéré ou élevé, et avoir un problème d’agressivité ou un manque d’habiletés pro-sociales. En répétant les techniques apprises dans les ateliers, les jeunes doivent développer de nouvelles habiletés, de contrôle de la colère et utiliser des comportements appropriés.


III. Les cadres et contextes de prédilection…


Les programmes d’interventions auprès des jeunes contrevenants les plus sévères sont effectivement efficaces, de façon significative, quel que soit le type de jeunes. Plus ils sont secondés par des programmes spécifiques particuliers, plus l’efficacité est significative. La différence entre l’efficacité des traitements en milieu institutionnel et communautaire n’est pas significatif, mais toutefois un peu plus élevé dans la Communauté. (LIPSEY and WILSON, 1998). En contexte non institutionnel, le pourcentage d’efficacité des programmes sur la récidive est de 50%, par rapport à 30% pour le groupe contrôle, ce qui correspond à une réduction de la récidive de 40%, avec une meilleure efficacité d’abord pour des programmes de rencontres individuelles, d’habiletés interpersonnelles et des programmes comportementaux. En contexte institutionnel, le taux de diminution de la récidive est de 30 à 35%, ce qui reste, là encore, très élevé. Les programmes à prioriser qui fonctionnent le mieux sont les habiletés interpersonnelles, puis les techniques d’enseignement à la vie de famille, puis les programmes comportementaux.
Il apparaît effectivement que les programmes de probation, d’autant qu’ils soient intensifs soient bien efficaces avec ces types d’adolescents et plus efficace dans le temps (1 an après l’ordonnance) que les programmes en centre de garde, ou en probation régulière. Il faut qu’ils présentent de hauts risques d’activités délictuelles tout en ayant un niveau modéré de besoin. Enfin, l’intervention doit se focaliser sur les facteurs de risque. (DIANNE et COURNOYER, 2005)


IV. L’implication des membres de la famille…


Quelque soit le programme utilisé, une perspective d‘action multi systémique est recommandé: effectivement, il est nettement conseillé que les parents soient acteurs et impliqués dans l’apprentissages et l’entraînement des habiletés des jeunes. (DIANNE et COURNOYER, 2005) Une famille actrice et partenaire est essentielle dans le suivi et engendre une meilleure efficacité des programme, et donc, une diminution de la récidive plus significative. (GOLDSTEIN, 1989, DIANNE et COURNOYER, 2005)
Dans son étude extrêmement riche et complète, OLLENDICK (1996) évoque des programmes cognitivo-comportementaux de formation aux parents, consistant à développer des habiletés parentales. Selon un grand nombre de recherches, ces ateliers améliorent non seulement le comportement du jeune à la maison, mais dans la communauté. De plus, une attention particulière doit être mise sur la bonne relation parent-enfant.

V. Le continuum des services…


Pour une efficacité totale, lorsqu’il s’agit d’un suivi intensif dans la communauté, soit, les plus efficace auprès des jeunes délinquants persistants, aux programmes doivent être ajoutés plusieurs conditions, soit participer à des activités prosociales (loisirs, école, travail etc.) d’au moins 30 à 40h par semaine et avoir des couvre feu quotidien (DIANNE et COURNOYER, 2005).

VI. L’innovation…


BARNOSKY (2002) cherche à étudier l’efficacité d’une thérapie dialectique comportementale, mise en place à Washington, qui est un traitement cognitivo-comportemental compréhensif, spécialement conçue pour les individus pour qui il est difficile de traiter des dysfonctionnements mentaux. Originalement développé par M. Linehan, pour les individus suicidaires, ayant des difficultés à réguler leurs émotions, les programmes de DBT incluent l’entraînement et la consultation pour améliorer les habiletés des individus. Pour cela, les DBT ont un versant individuel, et un de groupe. D’abord, en petit groupe, tous les résidents vont dans des ateliers d’entraînement aux habiletés. L’emphase est mise sur l’aide à l’acquisition de nouvelles compétences, une à une, à travers les renforcements et la généralisation, jusqu’à ce que le jeune soit capable de les utiliser dans les interactions quotidiennes. Dans un second temps, le jeune est en thérapie individuelle, et l’intervenant travaille avec lui sur une analyse des comportements, une restructuration cognitive, un entraînement aux habiletés, etc. Puis, on enseigne aux partenaires (famille, assistants sociaux etc.) comment supporter et renforcer les nouvelles habiletés du jeune. Enfin, des réunions d’équipe sont organisées afin que les intervenants reçoivent une rétroaction pour s’assurer qu’ils adhèrent au cadre de la DBT.
Bien qu’il faille rester vigilent sur les résultats de cette étude, puisqu’elle n’est que préliminaire, il me semble que cette étude soit très pertinente et qu’elle puisse donner des pistes intéressantes, au sujet de la méthodologie pour mettre en place des programmes cognitivo-comportementaux en institution, plus particulièrement en ce qui concerne les quatre temps d’intervention.
Une seconde étude de BARNOSKY (2002), s’est intéressée à l’efficacité du programme ART, dans des institutions de jeunes contrevenants. Ce qui m’a semblé original et intéressant, c’est qu’en plus de l’application du programme ART, un groupe de discussion était mis en place, guidé par des animateurs, pour corriger les pensées anti-sociales des jeunes, et que cela semblait démontrer des résultats encourageants.

VII. Les conditions facilitant l’implantation…


La qualité de la mise en application doit être bonne puisqu’elle influe sur les résultats. (LEBLANC et al., 2002, LIPSEY, 2005) Pour cela, il faut être vigilent aux résistances de l’institution (maintient des punitions plus que de la réhabilitation, conflit de rôle entre gardien de prison et thérapeute, mise en place de l’intervention pour une bonne efficacité, les résistances du personnel et des chefs etc.), et les contrer par différents moyens : DIANNE et COURNOYER (2005), avancent qu’il faut avant tout des professionnels compétents toujours formés, qu’il est nécessaire de valoriser et prendre en compte les réflexions des intervenants dans la recherche « recherche action », puis faire des recherches évaluatives (élaboration et évaluation des programmes en cours d’implantation). C’est une fois la maturité du programme atteinte que les devis expérimentaux devraient se faire. Les résistances du client (pas de motivation à changer) contribuent aussi aux échecs des traitements, s’ils ne sont pas pris en compte sérieusement lors de l’implantation des programmes. (GOLDSTEIN, 1987, SHIVRATTAN, 1988, HOLLIN, 1990) En effet, malgré que la population ciblée soit non volontaire, il est nécessaire d’engager les jeunes dans une motivation et une ouverture au programme et de leur laisser le choix de ne pas participer. Pour cela, le modèle de GOLDSTEIN est conseillé par la plupart des études (HOLLIN, 1990, SHIVRATTAN, 1988, LANDENBERGER, and LIPSEY, 2005)

Ainsi, reprenons les grandes lignes de l’implantation du programme ART, qui a démontré son efficacité : Après le développement du programme d’étude ART, la phase préparatoire consistait dans l’entraînement rigoureux du personnel, puis la structuration du résident : c’est là que la motivation du jeune et sa mobilisation est sollicité par différents moyens pendant deux semaines précédant le début du programme, notamment par l’information, la campagne d’affiches, accrochées dans le hall, la salle a manger et n’importe où d’autre où était inscrit « Quelque chose de gros va commencer », « Joignez vous au gang des types de colères », des rencontres en groupe et individuelles sont également organisées pour présenter l’intérêt et les points forts du programme. A la fin des sessions, il est dit aux jeunes qu’ils iront ensemble manger une pizza, pour ceux qui auront complété leur devoir. (GOLSTEIN and GLICK, 1987).

L’étude de PULLEN (1996) est une très belle illustration de l’échec d’une bonne implantation d’un programme, R&R, dans différentes régions du Colorado, dans les services de probation intensive. Après un enregistrement vidéo des sessions d’apprentissage et des habiletés présentées par les intervenants aux jeunes contrevenants, revue ensuite par E. Fabiano, l’une des précurseurs du programme, les conclusions ont montré une amélioration au niveau de l’attitude, aucun résultat significatif au niveau de la récidive. Celle-ci a remarqué que les sessions n’étaient pas proposé de manière correcte, les informations cruciales n’étaient pas toujours communiquées, les concepts et les compétences demandés n’étant pas assimilés par les animateurs et mal expliqués, les combinaisons des sessions inappropriées, les leçons mal préparées, ce qui engendrait que les jeunes contrevenants ne comprenaient ni connaissances ni compétences, puisque le programme n’était finalement pas pertinent pour les jeunes. Le problème dénoncé par les animateurs est qu’ils n’avaient pas suffisamment de temps pour préparer les sessions. Les jeunes, quant à eux, n’étaient pas motivés et avançaient qu’ils étaient obligés de participer contre leur grès à ces ateliers.
Cette étude a pu démontrée que l’implantation du programme n’était que minimal, entre 1994 et 1995, au Colorado. Bien qu’il était indispensable de délivrer des périodes pour que les intervenants puissent être formés, le programme a manqué de support institutionnel. Effectivement, il y a eu un problème important au niveau de l’administration du programme, y compris le manque de formation des animateurs.
Ainsi, des recommandations ont été faites afin que les programmes puissent être facilités dans les structures, dont les plus pertinentes sont :
- Si l’état de département judiciaire projette de continuer à mandater la participation dans le programme, l’administration doit donner une priorité totale et mettre en œuvre les éléments suffisants pour le fonctionnement du programme et donc, redistribuer des ressources et mettre en place un dispositif de contrôle de l’application du programme.
- Les animateurs doivent être intéressé à présenter le programme, et ne peuvent être obligés. Des dispositifs doivent être mis en place afin de les intéresser.
- Augmenter le support administratif pour le programme, et chaque professionnel devrait être obligé à participer à participer à une réunion sur les principes, les exigences du programme pendant et pour la rééducation.
- Une session booster devrait être faite entre 30 et 45 jours après les ateliers.
- L’entraînement devrait être davantage favorisé
- Améliorer et diriger la mise en oeuvre et la qualité du programme
- Engager un coordinateur à temps plein pour la région, pour coordonner les sessions, examiner le programme et la forme d’évaluation, et d’être une ressource disponible aux animateurs, qui auront besoin de réponses concernant le programme
- Pendant la probation, il faudrait renforcer et encourager les parents à participer activement aux processus d’apprentissage de leurs jeunes.

VIII. L’efficacité…

Toutes les études le prouve : L’intervention auprès des délinquants en difficultés est efficace. Mais pour s’assurer d’une meilleure efficacité du traitement, trois facteurs sont pris en compte (LIPSEY, 1995) :

- La modalité et le type de traitement : Ce qui ressort des études, c’est le modèle psychoéducatif, avec l’approche cognitivo-comportementale et cognitivo-développementale, suivi dans un contexte judiciaire, et quand il est combiné à d’autres.
La forme d’adaptation différentielle semble effectivement la plus efficace, car aucun programme ne fonctionne avec tous les délinquants : les mesures et les méthodes doivent être adaptées aux types d’adolescents en difficulté : C’est au programme de s’adapter au client et non au client de s’adapter au programme. (HOLLIN, 1995) Pour cela, une approche différentielle doit intégrer la notion d’appariement entre l’intervention et le jeune. (LEBLANC et al., 2002, DIANNE et COURNOYER, 2005). Plus particulièrement, l’intervention auprès de jeunes en difficultés nécessiterait la présence de 4 éléments : l’intervenant, l’adolescent, la mesure et la méthode. Pour une efficacité optimale, c’est 4 éléments doivent être interreliés. (LEBLANC et al., 2002)
Ainsi, à l’unanimité des études les plus récentes, c’est le programme ART qui semble privilégié (LEBLANC et al., 2002, BARNOSKY , 2002, DIANNE et COURNOYER, 2005). En effet, celui-ci montre une corrélation plus élevée dans ses résultats, suivi du programme R&R. Lorsque tous les facteurs sont présents, dans les 12 mois qui suivent l’intervention, il y a 25% de chute de la récidive, ce qui correspond à 52% de moins que dans le groupe contrôle. (LANDENBERGER, and LIPSEY, 2005). Pour une implantation du programme dans la communauté, les parents et la famille sont sollicités pour participer au programme, et non simplement les jeunes. Cela durera 3 mois, où il y aura 2 rencontres par semaine, pour un total de 25 sessions, d’entre 1h 30 et 2h. Le premier temps est consacré à une discussion sur les différentes situations de vie vécues, puis, l’apprentissage et l’entraînement aux habiletés, sur une alternative basique, puis un entraînement au contrôle de la colère, ou de l’éducation morale (GOLDSTEIN, 1989)

- Le degré d’évolution des recherches dans l’application et l’implantation du traitement : Ceux-ci ont aussi bien évidemment un grand impact sur les changements du jeune, les recherches doivent donc être bien fondées et le programme bien implanté. (cf. voir le point précédant)

- Le « dosage » du traitement donné aux jeunes : Là encore, il doit s’adapter aux besoins du jeune, mais doit toutefois être intensif et d’un minimum de 26 semaines, soit de plus de six mois, et plus de cent heures de contact au total, trois rencontres par semaine avec un intervenant, rencontre familiale hebdomadaire, auto-observations quotidiennes, respect d’un contrat comportemental sur les distorsions cognitives. (DIANNE et COURNOYER, 2005) Selon les études de Lipsey (2005) Le programme en tant que tel devait être d’un minimum de 16 semaines, soit 4 mois. Les ateliers proposés doivent être contrôle de la colère (identifier les circonstances de la colère et trouver des moyens pour la contrôler) et résolution de problème interpersonnel (s’arrêter avant d’agir, prendre conscience de ses erreurs de pensée et modifier les pensées, trouver des solutions pro-sociales).

Suites à ses études, HOLLIN (1990) fait quelques recommandations qu’il me semble également intéressant de présenter ici : évaluer le jeune et ses besoins individuels pour maximiser les chances d’une analyse précise fonctionnelle ; avoir les critères claires pour l’intervention (motivation, volonté de s’ouvrir sur ses délits) ; faire une distinction claire entre les cibles criminologiques et cliniques ; être préparé à concevoir une étude de cas complexe en utilisant de multiples lignes de base pour travailler la cognition et le comportement ; faire attention aux questions relatives à l’intégrité du traitement (l’entraînement et la motivation du personnel et des familles influent sur le programme) ; construire des stratégies de généralisation à l’intérieur des programmes ; pour des intérêts professionnels et pour les futures générations de jeunes contrevenants, se préparer à entrer ces traitements dans les politiques et le social ; être préparé à contrer les mythes selon quoi rien ne fonctionne avec des méta-analyses etc.

IX. Les méta-analyses…

- BECK, R. and FERNANDEZ, E. (1998) réalisent une méta-analyse afin d’évaluer l’efficacité des programmes dans le traitement de la colère, en s’intéressant uniquement aux thérapies cognitivo-comportementales, qui sont celles qui ont déjà montré la supériorité de leur efficacité par rapport aux autres thérapies. En restant fidèle à la méthodologie qui apparaît dans les 50 recherches retenues et conduites sur 25 ans, de 1970 à 1995, ils présentent l’approche d’habiletés reproduites, dont l’intervention est en trois phases : la préparation cognitive, l’acquisition d’habiletés et l’entraînement à l’application.


-La méta-analyse d’OLLENDICK (1996), pose la question sivante : Qu’est-ce qui peut être fait au sujet de la violence des jeunes ? Il présente une recension des écrits extrêmement riche et variée, comportant des auteurs théoriques fondamentaux qui ont traités le sujet de la violence et de l’agressivité, ainsi que des chercheurs qui ont fait des études, non seulement en Amérique du Nord, mais également dans les pays européens, d’outre mer, d’Asie et d’Afrique, en ce qui concerne les facteurs, les effets de la violence et de la délinquance, ainsi que les traitements les plus efficaces.

- La méta-analyse de LANDENBERGER. et LIPSEY (2005), qui évalue les effets positifs des programmes cognitivo-comportementaux pour les contrevenants. Elle reprend d’autres méta-analyses, notamment de Pearson (2002), de Wilson et al (2005), de Lipsey (2001 et 2005), puis des recherches bibliographiques, datant de 1965 à 2005, des études sur Internet, dans les journaux spécialisés, les bibliographies, les moteurs de recherches.

- La méta-analyse de LIPSEY (1995) vise à voir l’efficacité des traitements cognitivo-comportementaux sur les jeunes contrevenants. Celle-ci s’inspire de 400 études auprès de jeunes contrevenants de 12 à 21 ans, publiés ou non, menées dans des pays anglophones, de 1950 à 1995, qui examinent le changement dans le niveau de délinquance de groupes de jeunes ayant eu un traitement (quel qu’il soit), en comparaison avec des groupes contrôles (non traités).

- La méta-analyse de HOLLIN (1990) reprenant, quant à elle, toutes les recherches sur l’intervention cognitivo-comportementale auprès de jeunes contrevenants, tant des programmes individuels (thérapie comportementale individuelle, programme d’entraînement aux habiletés sociales, programme cognitivo-comportemental, programme multimodal) que des programmes institutionnels (économie de jeton, les endroits d’accomplissement) ou en communauté (intervention en milieu scolaire, en milieu familial, et la probation), tente de dégager quelques éléments de succès et d’échec, concernant les connaissances qu’il existe de l’intervention cognitivo-comportementale.

- La méta-analyse de LIPSEY et WILSON (1998) traite de l’intervention efficace auprès de jeunes contrevenants. Ainsi, ils reprennent tous les résultats de 200 études expérimentales et quasi-expérimentales concernant l’efficacité des interventions auprès des jeunes contrevenants structurés, en y modifiant les résultats, ceux-ci n’étant pas assez précis, selon leur point de vue. En effet, aucune distinction n’avait été faites jusque là entre les différents types de criminels, particulièrement les plus sérieux, qui sont pourtant les plus résistants au traitement. Les caractéristiques des 200 études, publiées entre 1950 et 1995, sont très diversifiées, tant au niveau des sources, des pays de provenances, des disciplines des auteurs que des types, des âges, des origines ethniques, des programmes testés, ou encore que des méthodes et procédures.

X. Commentaire critique…

Les études que j’ai pris en compte ne sont peut-être pas les plus pertinentes, en terme de précision. Souhaitant évoquer le processus de généralisation des acquis auprès des jeunes contrevenants, en unité de garde, dans cette recherche, qui est un processus découlant de l’approche cognitivo-comportementale, je me suis rapidement confrontée à la réalité suivante : le sujet était trop précis, et il m’était impossible de recueillir le nombre d’études suffisantes, à moins d’ « extrapoler » largement le sujet. Ainsi, j’ai choisi d’être plus générale et d’ouvrir mon sujet aux programmes efficaces auprès des jeunes délinquants persistants, afin de pouvoir refermer petit à petit à des programmes, puis à des techniques à l’intérieur même des programmes.
C’est ainsi par « la méthode entonnoir » que j’ai procédé tout au long de cette recherche : Dans certaines études effectuées, la population étudiée s’ouvre au-delà même des jeunes contrevenants. Celle de LANDENBERGER et LIPSEY (2005) étudient les contrevenants en général. Mes premières lectures (méta-analyses) s’étant entendues sur les traitements avec une approche cognitivo-comportementale, voilà pourquoi j’ai délimité rapidement mon sujet à cette approche et que, dans cette optique, cette méta-analyse de 2005 était un grand apport pour moi : Ses données extrêmement récentes en terme de traitements efficaces auprès des contrevenants étaient très pertinents, si bien qu’il m’a semblé judicieux de la présenter en guise d’introduction.
Dans celle de BECK et FERNANDEZ (1998), la population concernée est plus vaste encore puisqu’elle a comme objet les traitements les plus efficaces pour faire diminuer la colère et ne s’intéresse pas uniquement aux jeunes contrevenants mais s’étend aux parents abusifs, aux écoliers avec des troubles du comportements et de personnalité, aux adultes et adolescents normatifs et aux détenus. Mon objectif, dans cette recherche, étant de parvenir à une idée assez claire d’un programme pour jeunes délinquants persistants, basé sur des idées probantes, cette méta-analyse évoquait les traitements de la colère, que nous voyions, au fur et à mesure, comme nécessaire à prendre en compte dans les programmes efficaces pour diminuer la récidive. Ainsi, cette méta-analyse, qui a également utilisé des études spécifiquement réalisée sur les adolescents persistants a pu nous apporter un modèle de programme de gestion de la colère plus précis, qui apportait les meilleurs résultats.
Cette recherche des programmes les plus efficaces auprès de jeunes délinquants persistants m’a mené aux programmes de Goldstein et de Ross et Fabiano. C’est pourquoi j’ai repris les études de GOLDSTEIN (1987 et 1988), de BARNOSKY (2002), de ROHDE (2004), de PULLEN (1996), bien plus précises en terme de programmes et de facteurs significatifs ou non.
Cependant, par cette démarche, il est possible que j’ai délaissé des études plus générales et plus pertinentes en terme de validité notamment méthodologique, au profit de ces dernières, dont certaines sont des recherches pilotes qui prédisent des résultats mais ne peuvent les avancer avec une certitude absolue, ce qui enlève de la valeur à ma recherche et donc, à mes conclusions.

XI. Commentaire méthodologique…

La plupart des études, notamment des méta-analyses retenues, ont une méthodologie très rigoureuse. Notamment, pour Lipsey et Wilson (1998), les études réalisées jusque là sont toutes trop générales, et proposent des interventions trop uniformes. Les caractéristiques associés à l’efficacité des programmes d’intervention étant très différentes, selon qu’on se situe en institution ou en communauté, ceux-ci se proposent de faire une recherche, qui divise les interventions les plus efficaces, en contexte institutionnel, ou en contexte communautaire. Reprenant tous les effets de taille afin d’être le plus fidèle possible dans la compilation des résultats, la méthodologie utilisée par Lipsey et Wilson est la plus rigoureuse, à ma connaissance, en ce qui concerne la précision des résultats.

Pourtant, certaines, particulièrement trois, doivent être prises avec plus de recul : les deux études de BARNOSKY (2002), ne présentent que des résultats préliminaires, ce qui enlève de la valeur aux conclusions de la recherche. Ces études, réalisées dans des établissements de Washington, entre 1998 à 1999, présentent des résultats sur la récidive, 12 mois après le programme, celles-ci devaient se prolonger sur une période de 18 mois après la période de suivi. Les résultats n’étaient donc pas encore communiqués à ce moment-ci de l’étude. De plus, la méthodologie n’est que très peu évoquée (ce qui ne permet pas de s’assurer de sa validité) et le cadre gouvernemental ayant comme second objectif de faire une étude de dépense (à savoir si de tels programmes sont avantageux sur le plan financier), il ne faut pas mettre de coté la possibilité que les résultats ne soient pas fiables, voire modifiés en fonction des conclusions budgétaires…


Mais il semble que ce soit l’étude de Rohde (2004) avec laquelle nous nous devons d’être vigilent : En effet, il ne s’agit là que d’une recherche pilote (réalisée entre 2001 et 2002, avec 76 adolescents de sexe masculin âgés de 12 à 25 ans, incarcérés dans un service correctionnel très sécuritaire), qui comporte des failles. La première grande limite concerne le fait que les résultats sont uniquement basés sur la parole (les réponses) des jeunes, ce qui est, en soit, subjectif. En plus de cela, les questions concernent principalement les cognitions et les pensées, ces deux choses étant majoritairement difficile d’accès pour cette population. Ainsi, il est difficile de s’assurer du crédit des réponses. Ainsi, l’efficacité de cette étude est loin d’être total, et nous donne simplement un léger aperçu concernant le type d’élément susceptible de travailler avec le jeune contrevenant, notamment dans les unités de garde.

XI. Conclusion: Consensus, débats et inconnus

Toutes les études s’entendent sur l’efficacité des traitements ognitivo-comportementaux, auprès des jeunes contrevenants persistants. Ils vont tous plus loin encore et reconnaissent qu’une seule méthode n’est pas préconisée avec tous les délinquants. (GOLDSTEIN, 1987, HOLLIN, 1990 LIPSEY, 1995). En effet, avec l’évolution des études, on reconnaît de plus en plus qu’il est nécessaire de prendre en compte les problématiques des jeunes (type de délinquance, type de personnalité) dans le traitement, afin de s’adapter au jeune, et non l’inverse.

En ce qui concerne les programmes cognitivo-comportementaux, il semble que plusieurs principes soient pris en considération par les auteurs, en tant que facteur qui améliore l’efficacité auprès des jeunes contrevenants persistants : Les programmes de gestion de la colère ainsi que des entraînements aux habiletés interpersonnelles sont ceux qui sont le plus souvent favorisés auprès de ces jeunes délinquants. Pour une bonne efficacité de ces apprentissages, un modèle de session est proposé, avec de nouvelles habiletés ou des alternatives sont proposés au jeune, suivi d’un jeu de rôle (modeling). Après cela, il semble aussi par un grand nombre de chercheurs qu’il soit important de les faire pratiquer lors de la semaine l’habileté proposée, un maximum de fois possible, et grâce à l’aide de travaux pratiques à réaliser. C’est cette répétition qui permettra aux jeunes d’apprendre les techniques apprises pendant les ateliers et à développer ainsi de nouvelles habiletés.
Cependant, les auteurs ne s’entendent pas exactement sur les caractéristiques des programmes : GOLDSTEIN (1987) décrit son programme comme en 25 sessions : 13 semaines, à un rythme de 2 par semaine d’1h 30 à 2h, pour un total de 40 à 50h. D’autres évoquent 30 sessions d’1h, pour un total de 30h (BARNOSKY, 2002). D’autre propose 16 sessions de 2h par atelier, pour un total de 32h. (ROHDE, 2004). D’autre encore de 32 sessions à un rythme de 2 ateliers par semaine, pour un total de 48h (LANDERBERGER et LIPSEY, 2005). On peut toutefois voir des différences qui ne sont pas réellement significatives.
Quoi qu’il en soit, quelques études ont aussi pu illustrer ce que la plupart des chercheurs évoquaient : une bonne implantation et intégrité du programme est essentielle pour que les effets attendus du programme puissent être observés.

La motivation du jeune est également est un facteur qui semble indispensable, dans les études où celle-ci est évoquée. Ainsi, il semble indispensable que le jeune soit motivé à participer au programme pour que les résultats concernant sa récidive soit efficace : un jeune en résistance n’acquerrera aucune compétence et ne mettra pas en application ses apprentissages. Pour cela, nous dégageons de ces études que les processus de renforcements sont ceux qui sont priorisés pour développer cet investissement chez le jeune.

L’implication des parents dans les acquis de leurs jeunes semble un facteur reconnu par tous. Cependant, là-dessus, des divergences existent au niveau de la technique à privilégier : Certains feraient participer directement les parents à des ateliers conçus spécifiquement pour eux, alors que d’autre les ferait participer aux ateliers des jeunes (GOLDSTEIN, 1987, LIPSEY, 1995). Enfin, pour d’autre, mettre les parents au courant en leur donnant quelques techniques pour supporter leur jeune est ce qui favorisé (BARNOSKY, 2002)
Ainsi, pour toutes ces considérations, le programme reconnu, quasiment à l’unanimité est le programme de ART de Goldstein, bien que certaines études mettent aussi en avant le programme R&R de Ross et Fabiano (1985) comme un programme qui démontre une efficacité presque semblable. Cependant, certaines recherches en ce qui concerne les effets significatifs n’ont pas pu démontrer l’efficacité du programme R&R, notamment à cause d’une défaillance au niveau de l’implantation, alors que les résultats du programme ART ont pu être reconnu à de multiples fois.

XII. Bibliographie :

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