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Murielle Fouassier témoigne de son expérience unique à travers ce blog: un voyage autour du monde, qu'elle a entrepris depuis janvier 2008, à la rencontre de milieux et de professionnels spécialisés en criminologie.

Suite à des études de psychologie, en France et de criminologie à Montréal, au Canada, Murielle a souhaité davantage élargir son champ de connaissance, afin de tenter de mettre en avant les pratiques d'interventions originales et efficaces en terme de diminution de la récidive, auprès des jeunes contrevenants, qui sont dans une période développementale complexe et déterminante.

Dans une ère où les interventions évoluent et progressent largement, où les moyens techniques nous permettent de dépasser nos propres horizons et de traverser les frontières, où tous les peuples se penchent sur des questions psycho-sociales déterminantes pour l'avenir de nos sociétés, "Criminologie de par le monde" symbolise le projet d'ouvrir et d'enrichir le regard porté sur l'intervention en criminologie. Il servira aussi à tous les professionnels exerçant de près ou de loin auprès d'une population de jeunes contrevenants, désirant ouvrir leur champ de connaissance ainsi que leur réseau.

Comment définir la criminologie en quelques mots? C'est une science sociale et humaine qui étudie les comportements criminels et tente non seulement d'expliquer le phénomène, en axant principalement son regard sur les causes et les impacts de la délinquance, mais aussi d'apporter des solutions, notamment en terme d'intervention.


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¤ L'INTERVENTION EN CRIMINOLOGIE

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10 sept. 2007

¤ QUEBEC: Compendium 2000 des programmes correctionnels efficaces, Motiuk



1. Références théoriques et empiriques…

Les programmes correctionnels sont qualifiés comme un « ensemble d’activités ayant un objectif précis», ou comme « une série planifiée de possibilités d’apprentissage présentés à des délinquants jugé, et, ayant pour objectif de réduire la récidive ». Il s’agit donc d’une perspective comportementale, dans une approche constructive.
Les références théoriques et empiriques sont différentes et multiples selon la structure du système de justice pénale, dans lequel on se situe, le nombre et la durée des rencontres etc. mais les activités sont souvent de nature psychoéducative, cognitivo-comportementale ou thérapeutique.
Leurs principes « tiennent comptent des particularités individuelles, dans le comportement criminel ». Ainsi est né une psychologie du comportement criminel, interdisciplinaire. Elle reconnaît un grand nombre de facteurs entrant en compte dans le comportement criminel, d’ordre biologique, personnel, interpersonnel et structurel, culturel, politique et économique. La perspective psychologique recommandée est une approche large de la personnalité et de l’apprentissage social qui repose sur un modèle fondé sur les causes de la criminalité et sur le changement personnel. On parle donc de facteurs de risques sur toutes les sphères de vie du jeune et les traitements ciblent les besoins criminogènes de la personne délinquante.
Pour Andrews et Bonta (1994), c’est avant tout l’approche cognitivo-comportementale, ou d’apprentissage sociale qui doit sous-tendre ces traitements, plutôt que d’autres formes de thérapies axées sur la compréhension de soi etc., en tentant d’agir directement sur la réduction des comportements et pensées antisociaux en utilisant des méthodes tel que le renforcement positif, tout en accordant une place privilégier aux notions de réceptivité (avec les étapes de Prochaska et DiClemente, de 1986), de motivation, de résistance et d’alliance thérapeutique.

2. Références légales, sociales ou politiques…

Ces programmes correctionnels ont été mis en place, durant les deux dernières décennies, dans un contexte socio-politique, où les pratiques et politiques correctionnelles de dissuasion, de sanction et de punition étaient prédominantes. Les politiciens et les décideurs voulaient satisfaire l’opinion politique, qu’ils disaient être en faveur d’une politique punitive. Ainsi, pour des raisons électorales, de plus en plus d’établissements carcéraux ont été construits. Les programmes correctionnels ont donc été discrédités. C’est l’évolution des examens quantitatifs qui ont permis de redonner du pouvoir aux programmes en prouvant l’efficacité des traitements, avec l’appuie des méta-analyses.
A présent que sont reconnues la légitimité et l’efficacité des programmes correctionnels, le théoricisme, l’ethnocentrisme, la destruction de la connaissance, le transfert d’expertise défaillant, et le manque de formation des intervenants sont encore de gros obstacles au dessus desquels il va falloir passer pour que soient véritablement mis en application les programmes.


3. Cadre et contexte de prédilection…

C’est la nature de la peine qui déterminera le genre de programmes utilisés. En effet, le cadre est vaste puisque le lieu d’exécution de ces derniers peut être la communauté, ou l’établissement. Le contexte de prédilection est lui aussi très large, puisque les programmes dépendent aussi des stades de prévention. Tolan, Guerra et Hammond (1994) en ont catégorisés trois :
La prévention primaire, qui est fondée sur deux approches, la prévention des situations, et la prévention par le développement. La première vise à limiter les occasions de commettre un crime, tandis que la seconde cible des populations fragiles dans le but de réduire les problèmes, à long terme, tel que la délinquance.
La prévention secondaire vise quant à elle des populations qui ont des risques déjà connus et problématiques, tel que la violence, les troubles de comportement, où les efforts déployés sont au niveau de la prévention de la délinquance juvénile.
Enfin, la prévention tertiaire s’adresse aux délinquants qui sont déjà reconnus coupables, dans l’objectif de réduire le taux de récidive.
Les types d’interventions, qualifiés dans cet ouvrage de programmes, sont présents dans les trois types de prévention. Le chapitre, quant à lui, se consacre uniquement aux programmes correctionnels donnés dans la prévention tertiaire, où les personnes sont donc contraintes de participer aux programmes, suite à des décisions judiciaires. En fonction du cadre d’intervention, et donc, indirectement, des risques criminogènes de la personne, les programmes pourront aller du plus intense (milieu carcéral, centre de garde etc., suivie intensif dans la communauté etc.) au plus léger, du plus court (quelques jours) au plus long (quelques années). Ils peuvent être précis et cibler un problème, ou bien cibler au contraire des objectifs très larges, mais dans tous les cas, ce sont les programmes multimodaux qui sont recommandés.

4. Modalité des interactions…


Un travail de partenariat est organisé autour de la personne délinquante, ou antisociale. Les enseignants, les travailleurs sociaux, les agents de probations, les éducateurs, les psychologues, les spécialistes (toxicologue, sexologue, psychiatre etc.), entre autre, sont les principaux acteurs. Ainsi, services correctionnels entretiennent des liens avec de nombreux autres organismes. Les interventions peuvent être employés séparément ou en conjonction.
Enfin, afin de maximiser l’impact des programmes correctionnels sur le délinquant, tout ceux qui gravitent autour de lui, soit la famille, l’école, les employeurs, etc. sont aussi impliqués dans les programmes.

5. Définition des objectifs poursuivis et de l’alliance thérapeutique…

Officiellement, le but social est d’assurer la sécurité de la collectivité, en contrôlant les individus ayant causés du tord à d’autres, tout en tenant compte de leurs besoins.
Le but des différents programmes est le même, soit, générer des changements chez les délinquants, à partir de choix personnels. Plus particulièrement, « faire en sorte qu’une personne ayant un comportement délinquant ou antisocial devienne plus respectueuse des lois ou adopte un comportement prosocial. Plus particulièrement, les programmes correctionnels visent à réduire les facteurs de risques et à renforcer les facteurs de protection : concrètement, les changements visés sont d’ordre comportementaux, cognitifs, psycho-affectifs, sociaux. Les deux premiers sont les plus souvent retenus dans les programmes, état donnés qu’ils sont plus facilement visibles.
Pour cela, l’alliance thérapeutique est vue comme particulièrement importante dans le processus de changement de la personne criminelle, d’autant que la grande majorité de la population concernée sont dans la résistance au changement. Cette alliance contribue à sa réceptivité au traitement, directement en lien avec la réduction de la récidive. L’un des défis serait de parvenir à aider la personne à passer de l’étape de précontemplation à la contemplation, puis à la détermination, à l’action et enfin au maintien.


6. Grille d’analyse/explication des problèmes cibles…

Les « clients », tel qu’ils sont nommés dans le texte de Motiuk, qui ont des comportements criminels ont la plupart du temps des problèmes de personnalité (hostilité, opposition, contrôle, domination etc.), de comportement (manque d’habiletés, incapacité à reconnaître sa responsabilité, colère, agressivité, violence et.), environnementaux (milieu socio-économique précaire, absence de bon réseau social etc.) et peuvent aussi présentés des traits de troubles mentaux (personnalité limite, antisociale, narcissique, psychopathique etc.). Ces facteurs, contribuant à la résistance, font de ces individus des clients qui ne présentent pas une bonne réceptivité au traitement, pour la majorité.

7. Stratégies d’intervention et processus de changement…
→ Matériel ciblé et travaillé durant l’intervention
Dans l’intervention auprès de personnalité criminelle, trois plans sont retenus : l’éducation, afin d’aider les personnes à acquérir des connaissances, la formation, afin de donner des outils pour permettre de développer des techniques manuelles ou cognitives, la thérapie, afin de remédier à des troubles émotifs et traiter les symptômes d’inadaptation. Cela peut être comparable aux procédés de guérison. La combinaison des trois procédés doit permettre de dégager de nouveaux modes de fonctionnement (de raisonnement et de résolutions de problèmes).
L’intervention doit ciblé tous les facteurs qui entrent en compte dans le comportement criminel et une attention toute particulière est accordée aux huit facteurs de risques suivant : les attitudes/ valeurs/ croyances, le soutien interpersonnel et social, les éléments fondamentaux de la personnalité, les antécédents de comportement antisocial, les circonstances difficile au foyer, à l’école et/ou au travail, dans les loisirs, et enfin la toxicomanie. Les besoins criminogènes des personnes sont ainsi ciblés par des outils d’évaluation/d’inventaire des risques et besoins criminogènes et l’intervenant tentera de les réduire, afin de diminuer la récidive.
Puis, les cibles favorisées sont l’évolution de la cognition ainsi que des états émotifs cognitifs antisociaux, la réduction des relations avec les pairs antisociaux, et l’augmentation des connaissances prosociales, le renforcement de la maîtrise de soi, du contrôle de soi et des compétences en résolution de problèmes.
L’intervenant doit aussi avoir une attention particulière à la réceptivité au traitement du client, afin d’accès ses stratégies, qui est un critère de réduction de la récidive important. Les facteurs de réceptivité comprennent la personnalité, la capacité, la motivation, les points forts, l’âge, le sexe, l’origine ethnique, la langue etc. Ainsi, tous ces éléments sont à prendre en compte durant l’intervention.
Pour toutes ces notions, ce sont les comportements et les cognitions de la personne qui sont ciblés, puisque ce sont ceux-là qui sont observables et mesurables. Il tentera de lui apprendre à acquérir des comportements plus prosociaux et adaptés.

→ Attitudes encouragées chez l’intervenant
Les programmes proposent des activités structurantes, accès sur la résolution de problèmes, l’utilisation de l’autorité, le renforcement des modèles anticriminels et l’acquisition d’aptitudes, favorisée par la mise en pratique des comportements et attitudes prosociales, en utilisant notamment des techniques de renforcement, le contexte de jeux de rôle, d’approximations progressives, d’extinction et de restructuration cognitive.
Mais afin de faire en sorte qu’un bon lien thérapeutique se mette en place, afin que la personne adhère plus facilement au processus de changement, et soit réceptive, l’intervenant doit avoir de bonnes qualités interpersonnelles, ouvertes, chaleureuses, dépourvues d’hostilité et de blâme, et engageantes. Il doit aussi être sincère, empathique, compétent, capable de motiver le client, avoir une bonne capacité de communication, être ouvert, enthousiaste, souple, attentif, respectueux, bienveillant.
Il doit cependant définir à la personne son rôle de professionnel ainsi que les limites de sa relation avec le client, et les maintenir tout au long du traitement.


→ Interventions et rétroactions verbales de l’intervenant
Les interventions varient en fonction du type de délinquants. Cependant, selon un bon nombre de chercheurs, il serait gagnant de commencer le programme par des entrevues motivationnelles (Miller et Rollnick, 1991). Cela reviendrait donc à aider les clients à faire une analyse des coûts-bénéfices du mode de vie délinquant. Il faudra aussi pouvoir créer des choix de motivations efficaces. Cette attitude non confrontante favoriserait l’établissement d’une bonne alliance thérapeutique. Il ne faut donc pas blâmer le « client », ni les étiqueter. Il ne doit pas non plus être trop moralisateur, trop critique.

8. Indications/Contre indications…

Ces programmes sont indiqués pour toutes les personnes ayant des comportements criminels : Tant les adolescents que les adultes délinquants sont visés. Hommes ou femmes, violents, intoxiqués, psychopathes, détenus, agresseurs sexuels etc.
Il est indiqué que les personnes à risques élevés aient les services les plus intensifs et que ceux qui ont des risques plus faibles aient peu ou pas de service. Le risque alors serait d’accroître les risques au lieu de les diminuer, par des facteurs tel que l’influence des pairs etc.

9. Résultats et efficacité…

Depuis quelques années, de nombreuses études portant sur les programmes correctionnels ont été répertoriées. Toutes les études (Lipsey, en 1992, Moncher et Prinz, Hollin, Andrews et Bonta, en 1998, Cullen et Gendreau en 2000 etc.) ont démontrés l’efficacité des programmes, en testant ceux qui étaient efficaces pour réduire la récidive et ceux qui ne l’étaient pas. Ainsi, tous, intervenants comme chercheurs, reconnaissent la nécessité et la validité de ces programmes.
Des études démontrent aussi que l’effet des programmes augmente avec le respect des principes des services à la personne, du risque, des besoins et de la réceptivité générale. En effet, à présent, les services correctionnels du Canada, comme dans plusieurs pays, cherchent à établir des méthodes afin d’assurer une bonne application de l’intervention. Selon Trotter(1999), il est essentiel que le travail social applique le modèle le plus fidèlement possible aux principes énoncés afin que les résultats soient significatifs. Des résultats montrent que tant les facteurs de réceptivité internes qu’externes sont à prendre en considération, afin de réduire la récidive.

10. Conclusions sur « les ingrédients actifs »…

- Mise en application optimale des programmes :
La sélection, la formation et la surveillance clinique des travailleurs face aux programmes (théories, outils etc.) est favorisée, ainsi que la mise à disposition de manuels sur le programme. Ce sont des ingrédients qui permettent une meilleure intégration des programmes et donc une meilleure intervention.
La motivation, le soutien de la direction, la compétence du personnel, un rapport des coûts-bénéfices, des objectifs et des méthodes claires, une structure hiérarchique bien définie sont des critères de réussite, pour une bonne mise en application des programmes correctionnels dans les services. De plus, l’intervention de chercheurs dans la conception ou la prestation des services accroît l’intégrité des programmes, afin de bien connaître les études consacrées aux pratiques, ainsi que les effets réels du programme.

- Les caractéristiques des programmes :
Le programme, quant à lui, doit être cohérent, et ses objectifs doivent être SMART, c’est dire simples, mesurables, atteignables, réalistes et dans le temps. De plus, le contenu des programmes doit être vu comme faisant partie d’un tout interactif, dynamique et évolutif.
Il est préférable que les programmes soient donnés dans la communauté, lorsque les facteurs de risques sont peu élevés. S’ils sont donnés en unité résidentielle ou en établissement, il est bénéfique d’axer les services sur la communauté.

- Les caractéristiques de l’intervention :

L’intervenant doit travailler dans le sens de la résistance : cela permettra de la réduire, le client devra participer activement à l’élaboration de son plan d’intervention, pour être preneur.
Pendant le traitement, les renforcements doivent être présentés quatre fois plus que les punitions.



¤ QUEBEC: La thérapie psychodynamique, Kernberg



1. Références théoriques et empiriques…

La thérapie psychodynamique, décrite par Kernberg, se base fondamentalement sur les travaux de Freud, puis de ses disciples, tel que M. Mahler. Elle fait donc explicitement référence aux théories psychanalytiques contemporaines et plus lointaines. Ainsi, les principales notions qui décrivent l’individu, dans sa réalité interne et externe sont le conscient et l’inconscient, le Moi, le Ca et le Surmoi, le normal et le pathologique, la névrose, la psychose et les états limites, les stades (le stade oral, anal, le complexe d’Œdipe), les pulsions, les conflits intrapsychiques, le refoulement, etc. En ce qui concerne la thérapie proprement dit, les notions de transfert, de contre transfert, de neutralité bienveillante, d’association libre sont les concepts clés présentés par Kernberg.

2. Références légales, sociales ou politiques…

Les références légales, sociales ou politiques ne sont pas présentes dans la thérapie psychodynamique. En fait, c’est depuis l’apparition de la psychanalyse que ces thérapies sont utilisées.

3. Cadre et contexte de prédilection…

C’est avec le patient que le thérapeute fixe la fréquence de ses séances. En général, il s’agit d’une séance par semaine, mais, en fonction de la situation, cela reste variable. Cependant, une fois que le cadre est posé, il est important dans ce genre de thérapie de le respecter et de ne pas le changer, sauf dans de rares situations. Ainsi, les interactions entre le patient et le thérapeute sont le plus régulières possibles. De plus, elles sont ponctuelles, puisque le thérapeute n’intervient pas en dehors de ce cadre thérapeutique, afin de préserver l’authenticité de « ce lien thérapeutique » avec son patient.
Généralement, le thérapeute intervient seul, et ne travaille pas en équipe. Il doit garder, tant que possible, la confidentialité des propos du patient, ici, état limite, à moins qu’il s’agisse d’informations très particulières. Il intervient dans un contexte volontaire, où le patient devrait idéalement désirer changer.

4. Modalité des interactions…

Les interactions sont donc basées sur une relation duelle entre le thérapeute et le patient. Elles sont définies en terme de relation transférentielle et contre-transférentielle.

5. Définition des objectifs poursuivis et de l’alliance thérapeutique…

L’objectif principal du thérapeute est de faire en sorte que les conflits intrapsychiques inconscients du patient, qui génèrent des difficultés d’adaptation, soient mis à jour, c’est à dire, qu’ils deviennent conscients, afin que la relation d’objets, archaïque (clivée et partielle) devienne plus élaborée et dépasse les stades oraux et anaux, pour atteindre une dimension triangulaire, soit totale. Plus simplement, le thérapeute doit permettre au patient de changer en l’aidant à identifier ses représentations défaillantes de l’objet, et de soi, afin de les intégrer de façon plus élaborée.
C’est par l’interaction thérapeutique, appelée transfert, que les fantasmes archaïques du patient sont réactualisés dans l’ici et maintenant. Par ce biais, le thérapeute doit analyser la relation qui se joue afin de l’interpréter au patient de façon à ce que ce dernier puisse comprendre les motivations et défenses inconscientes qui déterminent ses passages à l’acte. Son rôle n’est ni celui d’un éducateur ni d’un enseignant : il ne lui donne ni conseils et ne lui fait aucun reproche, ne prend pas partie, ne juge pas. Pour que le patient puisse parvenir à avoir un discours « total », sans mensonges, tabous ni retenues, celui-ci doit se sentir parfaitement à l’aise et en confiance. Pour cela, le thérapeute doit lui manifester une écoute compréhensive et attentive, ainsi qu’une attitude neutre et bienveillante.
Avant que la psychothérapie expressive ne commence réellement, le patient et le thérapeute doivent établir ensemble un contrat, afin de structurer le traitement. Les objectifs doivent donc être clairs et réalistes, ainsi que satisfaisants pour le patient. C’est également par ce contrat que les deux individus vont se mettre d’accord sur le tarif, le mode de paiement, le prix des séances manquées, la fréquence des séances, la conduite vis-à-vis de tierces personnes etc. L’échéance n’est pas prédéterminée, car celle-ci dépend de l’évolution du traitement, différent selon chaque individu, mais la fin est déterminée par le thérapeute, lorsque celui-ci juge que le patient a atteint ses objectifs.


6. Grille d’analyse/explication des problèmes cibles…

Dans la thérapie psychodynamique des personnalités limites, les problèmes du patient sont avant tout internes et sont décrits en terme de pathologie. L’organisation intrapsychique précoce serait restée archaïque, ce qui entraînerait des conflits intrapsychiques préoedipiens importants ainsi que des représentations psychiques non élaborées, et fixées aux stades oral et anal. Ainsi, les relations triangulaires seraient particulièrement déficitaires, puisque mal, voire non intégrées.
Le Moi est donc mal construit, entre un Ca trop présent (les pulsions et les fantasmes archaïques débordants et n’étant pas maîtrisables), et un Surmoi sadique et persécuteur, qui n’est pas intériorisé, ne refoulant donc pas suffisamment les pulsions, et expliquant par là même, les nombreux passages à l’acte de l’individu. Les relations à l’autre, directement liées à la relation d’objets sont donc défaillantes, puisqu’elles sont, comme nous l’avons évoqués, archaïques et clivées.

7. Stratégies d’intervention et processus de changement…

→ Matériel ciblé et travaillé durant l’intervention
Le thérapeute se centre sur les éléments verbaux du patient, mais aussi ceux qui sont non verbaux, dont les attitudes gestuelles et les silences.
Plus particulièrement, dans le discours, celui-ci va chercher à analyser le transfert (positif comme négatif) dans l’ici et le maintenant, soit les émotions et les fantasmes qui se jouent dans la relation thérapeutique, et que le patient lui projette. Etant donné qu’il s’agit d’une reproduction des émotions et réactions vécues dans le passé du patient, le thérapeute parvient alors à comprendre la dynamique interne et la relation de ce dernier aux objets passés intériorisés. Deux types de transfert sont mis en place : Les transferts primaires, concernant les relations d’objet partiel, et les transferts élaborés, se jouant au niveau des relations d’objet total. Avec les personnalités limites, ce sont les transferts primaires qui sont à prendre en compte, qui doivent être progressivement remplacés par les transferts élaborés, avec l’aide du thérapeute et son éclairage.
Le contre-transfert est également un matériel qui doit être utilisé par le thérapeute, et concerne « toutes les réactions affectives du thérapeute vis-à-vis du patient. » La plupart du temps, celui-ci est une conséquence des défenses archaïques d’un transfert intense et primaire. Ainsi, le contre-transfert permet directement d’éclairer le transfert, et de mieux comprendre le patient. Il est en ce sens indispensable lors du traitement, et particulièrement de l’interprétation.
Enfin, il arrive que des passages à l’acte aient lieu. Dans ce cas, le thérapeute doit mettre un accent particulier dessus et ne pas les mettre de coté. Il doit tenter de l’interpréter avec le patient afin que ce dernier comprenne mieux et extériorise ses conflits internes.

→ Attitudes encouragées chez l’intervenant
Le thérapeute encourage son patient à tout dire, par son attitude bienveillante et son écoute attentive. Il doit être le plus neutre possible, c'est-à-dire un intérêt objectif et équilibré » afin de permettre au patient de tout dire, sans investir des éléments plus que d’autre. Il doit aussi adopter une « attitude d’abstinence », selon Kernberg, c'est-à-dire, ne pas répondre aux exigences conscientes et surtout inconscientes du patient, tout en restant quelqu’un de chaleureux, d’humain, d’attentionné.
Par contre, celui-ci doit être exigent sur ce qui concerne le contrat et l’engagement du patient. Il doit lui faire comprendre la nécessité d’un tel contrat. Pour les personnalités limites où la gestion du temps est difficile, le thérapeute doit être ferme et intransigeant, à un point tel qu’il pourra interrompre le traitement si cela n’est pas respecté.

→ Interventions et rétroactions verbales de l’intervenant
Le thérapeute a toujours une écoute attentive, qui lui permet de sélectionner le matériel sur lequel mettre l’accent, et d’explorer les différents thèmes, soit l’affect, le transfert, le contre-transfert et/ou la réalité externe, afin de travailler sur ceux qui lui semblent les plus significatifs.
Par des outils d’investigation, il parviendra La clarification est la première étape du processus. Cela consiste à inviter le patient à toujours en dire plus, à expliciter davantage, à être plus clair, à expliquer son discours. Ainsi, le thérapeute va lui demander d’éclairer des zones qui sont sombres, inexplorées ou incohérentes. Cela permet au patient, comme au thérapeute, de comprendre davantage ses pensées et de faire en sorte que le matériel qui servira plus tard à l’interprétation soit le plus « épluché » possible.
La seconde étape est celle de la confrontation. Cela permet de rendre le patient conscient de ses conflits et de ses dissonances, qui lui semblait avant cela naturels. Encore une fois, les interventions du thérapeute sont limitées aux éléments qui lui semblent indispensables de reprendre, et sont énoncés sous forme d’une question, afin d’inciter le patient à réfléchir davantage. Cette étape est le dernier pas vers l’interprétation.
Enfin, l’interprétation proprement dite met en lien le matériel conscient avec les motivations et désirs inconscients, afin que les conflits soient rendus intelligibles, et par là-même « désamorcés ». Pour cela, il doit analyser le transfert « qui consiste dans l’analyse de la réactivation dans l’ici et maintenant des relations d’objets intériorisées du passé, et qui constitue aussi l’analyse des constructions du Moi, Surmoi et Ca. » Par ses interprétations, qui sont des formulations d’hypothèses concernant les liens entre les conduites conscientes et inconscientes du patient, le thérapeute doit parvenir à faire émerger la signification du transfert inconscient.

8. Indications/Contre indications…

C’est lors de l’évaluation préliminaire que le thérapeute juge de la pertinence de la thérapie pour ses patients. Ces traitements sont privilégiés pour les personnalités limites ou les névrosés. De plus, l’individu doit être dans une démarche active de changement, et doit être ouverte à cette forme de thérapie. De plus, comme il s’agit de traitements essentiellement basés sur la capacité de l’individu à faire des liens, il est essentiel qu’il ait un quotient intellectuel normal, sinon quoi les interprétations du thérapeute ne feront pas de sens.
Par contre, ils sont contre indiqués pour les psychotiques et plus particulièrement pour les personnalités psychopathiques, ainsi que pour ceux qui ne sont pas en demande, car ils court-circuiteraient la démarche.

9. Résultats et efficacité…

Ces thérapies psychodynamiques privilégient la qualité de la relation, et s’intéressent à l’individu dans toute sa singularité. Ainsi, les études quantitatives ne sont pas réalisables car il s’agit d’un traitement à long terme, où les changements peuvent apparaître longtemps après la thérapie. Ceux-ci sont internes et ne concernent pas directement le comportement observable. Cela explique malheureusement en grande partie pourquoi ces thérapies ne sont pas d’avantage utilisées, car, dans une ère où tout doit être quantitativement justifié, elles n’apportent pas de résultats concrets et chiffrés en ce qui concerne l’efficacité du traitement.

10. Conclusions sur « les ingrédients actifs »…

Il est indispensable de maintenir le cadre du traitement le plus stable possible, particulièrement pour les personnalités limites, qui ont des défenses très précaires et qui pourraient être déstabilisés. Cela concerne les éléments du contrat, soit les limites spatiales et temporelles, le déroulement des séances, la responsabilité et les engagements du patient comme du thérapeute.
Les objectifs doivent être réalistes et les moyens explicités. Par contre, le contrat ne doit pas être violé, ou si tel est le cas, il faut revenir sur la situation avec le patient, tenter de comprendre et de trouver des solutions. Si cela est impossible, le thérapeute devra mettre fin au traitement.
Entre la mise en place du contrat et le traitement proprement dit, une frontière claire doit être mise en place, pour que le patient s’engage correctement dans le processus thérapeutique.
La communication entre le patient et le thérapeute doit être la plus authentique et la plus ouverte possible. Pour cela, la neutralité bienveillante est fondamentale, comme nous l’avons précisé plus haut.

¤ QUEBEC: Le modèle psychoéducatif de Gendreau



1. Références théoriques et empiriques…

Le modèle psychoéducatif est une approche humaniste, vivement inspiré de théories issues de la psychologie, plus précisément celles d’Erikson (1963), et de son concept de stade du développement de l’identité en lien avec la relation de l’individu à son milieu. Il est aussi inspiré des théories cognitivistes, tel que la théorie interactionniste et constructiviste de Piaget (1956), incluant les notions d’assimilation et d’accommodation, et de stades du développement de l’intelligence. Il repose tout particulièrement sur deux références :
- Celles de l’être humain, en tant qu’individu en constante évolution et spécifiquement en difficulté, et en déséquilibre, sur le plan physique, psycho-affectif, social, cognitif et moral, expliquant ainsi sa mésadaptation sociale.
- Celles de l’interaction entre l’être humain en difficulté et son environnement, plus particulièrement l’intervenant.
C’est de ces notions qu’est directement inspirée la théorie de rééducation de Guindon (1969), puis approfondit par Grégoire dix ans plus tard, en la conceptualisant comme une restructuration du Moi, par l’actualisation des forces individuelles. Enfin, Gendreau (1978) introduit la notion de milieu de vie comme un ensemble structural dynamique de dix composantes essentielles interreliées et propose une organisation qui en définit les principaux aspects.


2. Références légales, sociales ou politiques…

Le modèle psychoéducatif québécois a été élaboré à partir des années 1960, par des éducateurs de divers centres de réadaptation et de protection pour les jeunes en difficulté, notamment celui de Boscoville, aujourd’hui encore une référence pour le développement de ce modèle. C’est dans les années 70 qu’il était à son essor et appliqué de manière pure, dans les unités de vie. Ainsi, le modèle psychoéducatif est apparu dans un contexte de désinstitutionnalisation des adolescents en difficulté, et de requestionnements des pratiques éducatives.

3. Cadre et contexte de prédilection…

Dans le modèle psychoéducatif québécois de Gendreau, il s’agit d’un cadre légal, et particulièrement en centre de protection ou de réadaptation. Il s’agit donc de répondre au mandat, soit de la Loi sur la Protection de la Jeunesse, soit de celle sur le Système de Justice Pour Adolescents, anciennement la Loi pour les Jeunes Contrevenants. C’est donc dans un contexte institutionnel d’approche de milieu, généralisée à de nombreux milieux d’intervention, que le modèle psychoéducatif est utilisé. Ainsi, dans un tel contexte, le travail d‘équipe est au cœur, puisqu’il ne s’agit pas du suivi ponctuel d’un jeune, mais bien d’un suivi « intensif », au sein d’une unité de vie qui peut répondre à ses besoins, dans un contexte de groupe, pendant un délai, définit par l’ordonnance du juge.

4. Modalité des interactions…

Le cadre théorique même met un bras d’honneur sur les interactions, qui sont au cœur de l’intervention. Elles sont majoritairement en groupe, étant donné qu’il s’agit d’un milieu de vie où se développent les jeunes en difficultés. Dans ce milieu d’intervention, « le groupe doit servir à l’évolution des individus » (Gendreau, 2001): il est un moyen d’aider le jeune à se réadapter dans un univers social. Un volet individuel est également consacré aux jeunes, pour répondre au souci de l’individualisation du suivi, notamment en ce qui concerne les activités (scolaires, artistiques, sportives etc.) et les rencontres.
C’est aussi avec tous les partenaires sociaux que les intervenants sont en relation, afin de rendre le suivi le plus cohérant possible et de mettre toutes les chances du coté du jeune, soit les professeurs, les éducateurs, les parents etc.

5. Définition des objectifs poursuivis et de l’alliance thérapeutique…


Il y a, dans l’approche psychoéducative, deux niveaux d’objectifs, tel que l’explique Gendreau : Il y a d’abord les objectifs généraux, qui sont ceux qui correspondent au mandat de l’établissement, et, par extension, de la société. Dans ce milieu de vie, l’une des attentions des intervenants est particulièrement l’alliance thérapeutique, puisque créer une relation positive entre eux et les jeunes est fondamentale, dans ce contexte de « vécu partagé ».
Les objectifs spécifiques, quant à eux, sont utilisés en fonction des objectifs généraux, et adaptés au contexte et au cadre de l’unité. Ils sont donc définis, « en lien avec les composantes du milieu ». Ils sont des étapes, non déterminées dans le temps et souples, qui permettent d’atteindre progressivement les objectifs généraux, dans le temps déterminé par la loi (exemple : l’ordonnance du juge.) Les critères principaux sont leur caractère observable, mesurable, réaliste, concret et limité. Il faut avoir une attention toute particulière sur les forces, les faiblesses et les différents besoins du jeune, pour parvenir à permettre au jeune de retrouver un certain équilibre, dans ses sphères développementales et sociales.
Ces objectifs spécifiques sont mis en place avec la collaboration du jeune, des autres professionnels et, si possible, des parents. De façon à le rendre le plus acteur possible, l’intervenant essaye au maximum de faire en sorte que ce soit lui qui découvre et spécifie ses objectifs.

6. Grille d’analyse/explication des problèmes cibles…

Selon l’approche humaniste de Gendreau, « toute conduite humaine étant globale » et « déterminée par une foule de facteurs » (Gendreau, 2001). Ainsi, dans ce contexte de réadaptation et de protection, les problèmes ciblés sont définis en terme de besoins, qui ne sont pas comblés adéquatement. Ainsi, le fonctionnement interne et externe de l’individu serait en déséquilibre, soit au niveau de lui-même et de son environnement.

7. Stratégies d’intervention et processus de changement…

→ Matériel ciblé et travaillé durant l’intervention
Durant l’intervention dans une approche humaniste, c’est avant tout l’expérience vécue dans l’ici et le maintenant qui est ciblée, c’est sur cet aspect que les intervenants travaillent. Ainsi, dans ce milieu de vie, adapté spécifiquement aux besoins des jeunes, où un cadre clair est définit, tant au niveau du temps, de l’espace, que des règles de vie (établissement d’horaires constantes, d’un espace sécurisant, d’un code de vie et de procédures cohérents et appropriés), le professionnel se centre sur les comportements observables et mesurables des jeunes, pour être en mesure d’évaluer son évolution et ses progrès. L’intervention laisse donc, particulièrement dans les premiers temps, une large place à l’étude des comportements dans la réalité du milieu de vie, par l’observation.
L’intervention met un accent tout particulier sur le projet de vie du jeune, qui est vu comme un « chemin tracé dans ses grandes lignes », qui lui ouvrira de nouvelles possibilités. C’est tout au long du suivi, par le projet d’intervention, que ce projet de vie est peu à peu mis en place et concrétisé, par un accompagnement du jeune dans les situations vécues, et en orientant sa participation dans les activités du milieu, ainsi que, peu à peu, son autonomie, car, en travaillant sur les forces et les faiblesses du jeune, c’est avant tout la généralisation des conduites acquises, qui est ciblée, ainsi que le retour du jeune à un certain équilibre.
Dans ce milieu de vie, la relation individuelle entre l’intervenant et le jeune est très importante. Les contacts intimes, la bonne connaissance de chaque jeune permettent notamment d’instaurer un lien de confiance avec ce dernier, et, de ce fait, de faciliter sa collaboration tout au long de son suivi. En plus du jeune, il est important de parvenir à rendre partenaire de la démarche d’intervention les parents et toutes les personnes significatives dans la vie du jeune, de façon à ce que le milieu naturel soit le plus propice à recevoir et accueillir le jeune, lors de son retour dans la communauté.

→ Attitudes encouragées chez l’intervenant
Dans la perspective psychoéducative, l’intervenant doit donc avoir une attitude à la fois d’éducateur et de psychologue. Il est donc interventionniste, puisque c’est directement au cœur du vécu du jeune qu’il intervient. C’est en cela que l’on parle de « vécu partagé ». L’intervenant doit donc pouvoir accompagner le jeune dans la participation aux différentes activités du programme, mais aussi participer activement à la vie du milieu : il doit être dynamique, congruent, disponible, sécurisant, encourageant, compréhensif, interactif. Il doit aussi, de façon plus technique, avoir des qualités d’animateur de groupes, d’évaluateur, de planificateur, d’organisateur, d’observateur, de facilitateur et de médiateur, lors de conflits, etc.
Il doit aussi parvenir, afin d’entrer en relation avec le jeune et de développer un lien significatif de confiance, pour vivre des relations harmonieuses avec lui, être à l’écoute, favoriser l’échange, rester objectif, être souple, empathique. On ne lui demande pas d’être neutre, puisque sa personnalité, ses valeurs et son vécu sont les forces de ses interventions et de ses méthodes de travail, auprès du jeune.
Par toutes ces qualités professionnelles, ainsi que sa connaissance sur chacun des jeunes pour leur permettre de les aider à réaliser leurs objectifs en leur donnant les moyens pour le faire et rendre le milieu opérationnel, il doit permettre aux jeunes de s’approprier ses objectifs généraux et de les atteindre, en leur donnant un sens. C’est par un système d’évaluation et de reconnaissance que l’intervenant parviendra à apprécier l’évolution des conduites des jeunes et que ces derniers intérioriseront peu à peu les comportements adéquats à acquérir, et ceux qui sont à abandonner. Des moyens renforçateurs, implicites ou explicites sont continuellement utilisés par les intervenants, pour signifier aux jeunes les progrès réalisés, et ceux qui restent encore à accomplir.

→ Interventions et rétroactions verbales de l’intervenant
L’intervenant doit avoir un discours encourageant, et reconnaître les qualités, les efforts et les acquis, bien plus que ses échecs et ses faiblesses. Il est important que lors des évaluations, le discours ne soit ni dévalorisant, ni culpabilisant, tant pour le jeune, que pour ses parents. Le système de reconnaissance mis en place permet que « le jeune puisse intérioriser la satisfaction d’avoir réussi ce qui était proposé ou pour lui souligner les progrès qui lui reste à accomplir. » (Gendreau, 2001) Ainsi, l’intervenant doit utiliser les félicitations, les témoignages de satisfaction, d’affection etc. le plus souvent possible, comme un renforçateur qui favorisera les comportements adéquats du jeune, et pour atténuer ou faire disparaître ceux qui ne le sont pas.

8. Indications/Contre indications…

Le modèle psychoéducatif est un modèle individuel et de groupe, privilégier tout particulièrement pour les adolescents en difficultés. Rien n’indique les contre indications du modèle psychoéducatif, en ce qui concerne les interventions en criminologie. Il semble, cependant, qu’elles ne concernent pas les adultes, mais uniquement les mineurs, ou jeunes majeurs, ceux-ci étant dans des stades de développement plus réceptifs aux changements, par un apport éducatif intensif.

9. Résultats et efficacité…

Gendreau nous énonce dans son texte que l’approche psychoéducative utilise un modèle d’intervention qui n’est pas scientifiquement quantifiable, c'est-à-dire que l’efficacité n’est pas réellement démontrée. Cependant, en ce qui concerne le taux de récidive, il semblerait, selon Leblanc et al., que cette approche a montrée de très bons résultats, particulièrement à la suite de l’évaluation de Boscoville, (Leblanc, 1983) où la méthode s’est avérée être la plus efficace en internat.
Aujourd’hui, à cause de certains changements sur le plan judiciaire et institutionnel, il semble que pour que l’approche reste efficace, elle doit être conjointe à une intervention cognitivo-comportementale ou cognitivo-développementale.


10. Conclusions sur « les ingrédients actifs »…

Un certain nombre d’éléments doivent être mis en place pour favoriser un changement, durable dans le temps.
Tant les fondements théoriques que les programmes qui sont à la base du travail de l’intervenant doivent mêler harmonieusement richesse, originalité et cohérence. L’intervenant doit avant tout avoir une bonne connaissance du jeune, de ses besoins, de ses forces et ses faiblesses, afin de pouvoir avoir un plan d’intervention individualisé le plus pertinent et adapté. Il doit croire dans le potentiel du jeune, et lui montrer qu’il met de l’espoir en lui. Il doit avoir une attitude bienveillante et respectueuse qui favorise la valorisation et la confiance, chez le jeune. Ses interventions seront appuyées par des outils, directement en lien avec le système de reconnaissance, pour permettre au jeune de renforcer ses comportements adéquates, et, finalement, de les généraliser. Il est conseillé d’utiliser au maximum pour le jeune des supports originaux, pertinents qui favorisent des expériences nouvelles, pour le plan d’intervention, afin de l’ouvrir à de nouvelles perspectives, adaptées à ses besoins et à ses forces.
Le milieu spécialisé doit lui aussi être adapté aux besoins de tous, et équilibré, entre chaleur et stabilité : l’objectif est que le jeune s’y sente bien, chez lui, mais soit contenu par un cadre permettant une vie en groupe satisfaisante pour tous. Les notion de temps et d’espace doivent donc être adaptés et réfléchis aux besoins des jeunes. Le groupe, quant à lui, doit être une force : Ce vécu partagé est un apprentissage social pour le jeune, qui apprendra à vivre les relations avec les pairs, les adultes, l’autorité, les règles, de manière adéquate.
Enfin, l’objectif final de l’intervention étant le retour du jeune dans la communauté, le milieu doit toujours s’inscrire au cœur de cette communauté, et particulièrement, celle du jeune. Le partenariat avec les parents, les acteurs sociaux significatifs est donc lui aussi un ingrédient essentiel pour permettre aux jeunes de retrouver un équilibre durable.



10 janv. 2007

¤ QUEBEC: Réflexion sur la place des programmes de réparation auprès des jeunes contrevenants du Centre Jeunesse de Montréal



Introduction

Dans les unités de garde du centre jeunesse de Montréal (CJM), les jeunes contrevenants évoluent, grandissent, mûrissent, « travaillent sur leur affaire », quand on leur donne tous les moyens pour pouvoir le faire, en terme de temps, de matériels, de suivis. Pourtant, « la recherche révèle que les interventions axées sur la collectivité et non privative de liberté sont plus efficaces que la mise sous garde pour favoriser la réadaptation de l'adolescent ». (Ministère de la justice, 2005) Ne pourrait-on penser que cela viendrait du fait qu’elles offrent aussi plus de perspectives positives à l'adolescent, par exemple en l'enjoignant de réparer les dommages causés à la victime ou à la collectivité?
Connus aujourd'hui sous le nom de Regroupement des organismes de justice alternative du Québec (ROJAQ), trente neuf organismes, présents dans les différentes régions administratives du Québec, travaillent en étroite collaboration avec les Centres Jeunesse du Québec (CJQ) et le Système pénal et ont pour mandat d’intervenir auprès des jeunes contrevenants et des victimes, en leur proposant un vaste éventail de mesures, et principalement des mesures de réparation. Mais ces organismes ne sont pas en lien avec les unités de garde, ou exceptionnellement. Pourtant, il semblerait que tant ces jeunes contrevenants, extrêmement carencés, que leur victime, en auraient besoin. Ainsi, pourquoi et comment favoriser l’implantation de mesures réparatrices au sein même des unités de mise sous garde, dans le Centre Jeunesse de Montréal ?

1 La justice réparatrice auprés des jeunes contrevenants

1.1 Comment définir la problématique des jeunes contrevenants rapidement?

1.1.1 Défaillances au niveau du développement psycho-affectif…

Selon les théories psychanalytiques, les bases de la construction de la personnalité s’établissent dans les premières expériences de l’enfant, soit, les premières années de sa vie. Symboliquement, l’image maternelle et paternelle ont des rôles différents à jouer au niveau de la construction psychique de l’individu.
- Carences affectives à la petite enfance :
Les besoins physiques et affectifs non comblés par le personnage central qui fait le lien avec le monde, principalement la mère, une surstimulation ou un surinvestissement de l'enfant (dans une relation duelle avec la mère), des sécurités élémentaires non respectées sont autant d’éléments qui favorisent les passages à l’acte et particulièrement la conduite délinquante, lors de l’adolescence.
En effet, ces carences du coté de l’image maternelle ont pour effet de provoquer chez l’enfant, puis de réactiver chez l’adolescent notamment un manque de confiance envers l’autre et soi, un sentiment de rejet, une insécurité affective, une faible estime de soi, un retard développemental important (cognitif, social, affectif), un attachement superficiel aux autres, une grande vulnérabilité affective. Les enfants qui auront vécu des carences affectives importantes sont donc plus sujets à la délinquance, car, au lieu d’avoir une première expérience affective et sociale positive, celle-ci sera, à l’inverse, menaçante et angoissante.

- Absence ou incohérence des figures de lois, pas de limites claires:
L’image du père doit, quant à lui, permettre d’établir des lois claires, justes, et cohérentes, pour que l’enfant soit arrêté, non seulement dans ses agirs mais aussi dans ses désirs.
L’enfant qui n’aura pas d’image paternelle n’aura donc aucune limite qui lui sera imposé. Il n’aura pas fait l’expérience de la loi sociale, ce qui ne lui permettra donc pas d’intérioriser des normes, des valeurs, des limites socialement acceptables. A l’inverse, élevé par les contraintes physiques, les punitions corporelles, les incohérences (laxisme puis violence), l’enfant intériorisera qu’une personne doit être battue pour comprendre, et qu’être le plus fort passe par la force physique. Au moment des premières identifications, celles-ci seront teintées de violence et d’agressivité. Cela devient pour lui son mode de résolution de conflits. Jamais on ne lui a montré à s’expliquer, se justifier, éclaircir des situations, demander pardon… C’était aussi le moyen utilisé pour imposer le respect. Ainsi, plus tard, au moment de se confronter au monde, à la société, l’adolescent n’aura aucun repère et n’aura pas eu l’habitude de se faire arrêter dans ses envies, ses désirs, ses pulsions. En plus de cela, s’il n’a jamais intégré des valeurs correctes (respect de l’autre, partage..), il n’aura aucun remord et pourra même faire preuve d’une certaine insensibilité. Dans le groupe de pairs, le jeune reproduira ses expériences, afin de se faire une place, d’obtenir de la valeur aux yeux des autres, de se défendre, de se faire reconnaître etc.

1.1.2 Défaillances au niveau du développement cognitif…

- Défaillance de l’intelligence opératoire formelle:
Selon Piaget, le raisonnement formel s’acquiert à l’adolescence. La pensée formelle permet au jeune d’explorer des dimensions qui lui étaient jusque-là inaccessibles tant du point de vue physique que sur le plan social. Sa réflexion liée jusque-là à des objets concrets, s’ouvre désormais à la possibilité de considérer des idées abstraites. Il apprend notamment à maîtriser les notions de probabilité, de réel et de possible. Il devient capable de réfléchir sur des choses, songer à des idées, manipuler des concepts, définir des stratégies, sans que ceux-ci ne soient immédiatement présents dans son environnement.
Les jeunes contrevenants persistants présentent généralement un écart entre le niveau verbal et non–verbal aux tests de QI. Un grand nombre n’a pas atteint le développement du stade de l’intelligence abstraite. « Très souvent, le jeune qui recourt à la violence est celui qui ne dispose guère d’autres moyens d’expression. En particulier, il ne sait trouver les mots pour traduire ce qu’il ressent. » (J.M. Petitclerc, 2002)
- Défaillance au niveau du développement de perspective interpersonnelle :
D’autres chercheurs ont tenté d’appliquer le modèle piagétien aux relations sociales. Ils ont développé des théories de la cognition sociale dont Selman, en 1980. La cognition sociale nous permet de nous mettre dans la peau de l’autre pour comprendre la dynamique de ses conduites alors que le jugement moral ajoute un jugement sur la valeur des conduites observées. Ainsi, avec l’adolescence, la compréhension sociale du jeune pourra intégrer sa propre perspective et celles des autres personnes.
La capacité de bien saisir l’entourage social, dépendant étroitement du niveau de la cognition sociale, est plus ou moins bien intégrée selon les adolescents. Au niveau des perspectives interpersonnelles, les jeunes qui n’éprouvent pas d’affect envers l’autre, ni d’empathie sont susceptibles d’agir plus facilement de manière délinquante: la victime n’aura pas de reconnaissance à leurs yeux, leur égocentrisme ne leur permet pas d’être conscient du mal produit, si bien qu’aucun sentiment de culpabilité émerge.
- Défaillances au niveau du jugement moral :
Kohlberg, cognitiviste, a contribué à tracer l’évolution de l’enfance à l’âge adulte. Ses recherches lui ont permis de dégager 3 niveaux de jugement couvrant six stades de développement. Le premier correspond à l’enfance, le second à l’adolescence, et le troisième niveau, quant à lui, à l’âge adulte. Dans ses études Kohlberg a constaté des différences interindividuelles très significatives. Tous les individus n’atteignent pas le niveau post conventionnel, correspondant à l’âge adulte, ni même le niveau conventionnel. Plusieurs stades, en effet, peuvent être discriminés chez les adolescents.
Ainsi, alors que le jugement moral devrait s’intérioriser et que l’opinion des autres deviendrait moins importante que les principes généraux auxquels adhèrent les individus, la grande majorité des adolescents en difficultés n’accède pas à ces modes de pensées. Le jugement moral est effectivement souvent déficient chez les délinquants et très précaire, si bien qu’ils ne prennent pas conscience de la gravité des actes posés.

1.1.3 Défaillances au niveau du développement social…

L’adolescence n’est pas le point de départ du processus de socialisation. Mais toutefois, l’évolution sociale change: le jeune doit assumer un rôle social, masculin ou féminin, il doit redéfinir ses rapports sociaux, tout cela, sous l’impulsion des transformations physiques et mentales. Quand on parle du développement social de l’individu, on parle de la famille, qui est le premier environnement social, ainsi que des relations avec la société plus élargie. Tout au long de la vie, il y a des modifications dans les relations. A l’adolescence, tout particulièrement, le jeune commence à se détacher de ses parents, pour aller vers le groupe de pairs, et, progressivement, vers une personne du sexe opposé. Selon Erickson, c'est donc à l‘adolescence que l‘identité personnelle va se préciser. Le jeune doit parvenir à se distinguer d’autrui tout en se posant comme unité intégrée de caractéristiques personnelles, de forces et de faiblesses. L’adolescence est donc une période de recherche, d’introspection et d’exploration à partir de laquelle surgit une identité. Elle constitue en plus un stade d’intégration des acquis antérieurs et d’expérimentation de rôles différents à la maison, à l’école ou avec les amis. Le groupe de pairs constitue un milieu favorable pour expérimenter des rôles, présenter des images différentes pour en connaître l’effet social à l’intérieur de relations interpersonnelles.
Si l’identité du jeune n’a pas été bien élaborée durant les périodes de maternage et d’identification, et que ses besoins n’ont pas été satisfaits adéquatement, si le jeune accumule des expériences négatives de socialisation, il pourra avoir, petit à petit, des sentiments de rejets, d’abandon. Comme il y a augmentation de l’influence des pairs, accompagné d’une chute marquée de l’influence des parents, si l’identité du jeune est fragile, il sera très vulnérable et sera facilement en proie à des pairs délinquants. L’appartenance au groupe entraîne beaucoup de conformité durant cette période. Mais d’autres éléments, lors des apprentissages sociaux, peuvent expliquer la délinquance. En effet, au niveau des stades de perspective interpersonnelle, il semblerait que le fait de rester dans une orientation centrifuge, sans accéder à la réciprocité soit un facteur de délinquance. N’ayant pas conscience de l’autre, le jeune reste égocentrique, accès sur lui, son plaisir. Il agit sans prendre conscience de l’autre, et même, à son détriment.

1.2 Quels sont les principaux objectifs de la justice réparatrice qui répondent aux besoins des jeunes ?

1.2.1 Conscientisation de l’autre et développement de l’empathie

Très souvent, les jeunes qui commettent des délits ne semblent prendre aucunement conscience de l’autre, et de leur victime, en particulier. Lorsque nous les interrogeons sur les conséquences de leur acte, en garde ouverte, dans mon unité de stage, rare sont ceux qui évoquent les tords causés à un individu! Ils donnent l’impression de ne se sentir nullement concernés par les autres et vont même jusqu’à dire que « c’est leur problème, ce qui leur est arrivé! » Non, spontanément, les conséquences qu’ils voient les concernent : « La conséquence, c’est que je me retrouve là, en dedans. » « C’est que mes parents vont plus me faire confiance. »
Un grand nombre n’exprime ni remord ni regret, ni compassion, ni pitié à l’égard des victimes. Bien que nous sachions que cela est avant tout une carapace protectrice pour ne pas se sentir vulnérable à l’autre, il n’en est pas moins nécessaire de solliciter chez eux des sentiments qui leur sont difficiles d’éprouver sans se mettre en danger. Cela ne peut se faire tant que l’adolescent se protège et se défend de l’émotion. « Celui qu’écrasent la haine, la honte et le ressentiment, le rejet et l’humiliation ne peut développer seul des projets créatifs et réparateurs et s’en trouver réconforté. Il a besoin qu’on lui montre le chemin » (M. Vaillant, 1999). Il a besoin de se sentir reconnu, de sentir qu’il peut avoir confiance, et c’est là que petit à petit, le processus de réparation pourra être envisagé et pourra devenir enrichissant pour lui et apaisant pour la victime. En effet, « la réparation amène les jeunes mis en cause à reconnaître ce qu’ils ont fait subir à autrui. » (M. Vaillant, 1999) La démarche de réparation consiste à reconnaître la victime dans sa globalité, sa place, ses paroles et ses droits.

1.2.2 Conscientisation des conséquences et développement de l’anticipation

La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) qui vise à inculquer aux jeunes des valeurs de respect et de responsabilisation, impose des sanctions qui « doivent être proportionnelles au mal causé par le délit. » (L. Walgrave, 1993). Mais dans ce processus judiciaire, où on se demande si ce n'est pas la force et la coercition qui sont mises en avant, le jeune, qui a déjà la plupart du temps des erreurs de pensées, n’a pas son mot à dire, et doit exécuter la sanction, qu’il le veuille ou non, qu’il en comprenne le sens ou non. Ainsi, pour la majorité des jeunes, le fait d’être mis face à la Loi et à ses règles a finalement une signification toute autre et l’effet inverse de ce qui est recherchée, puisqu’elle provoque bien souvent chez lui des sentiments d’injustice, d’aliénation et de rejet des valeurs sociales.
Or, pour qu’il s’insère dans la société, il est nécessaire que le jeune réponde de ses actes et comprenne l’impact de ceux-ci sur le monde qui l’entoure. Mais cela nous exige de comprendre et de composer avec les défaillances du jeune, de façon à trouver des moyens appropriés qui auront des effets dans le long terme. « Par le dialogue instauré entre les parties au conflit, par la recherche commune de solution, la justice que la médiation pénale peut promouvoir est naturellement moins violente, nettement moins traumatisante et surtout clairement participative. » (R. Cario, 2001) En effet, l'idée de justice réparatrice encourage une nouvelle approche face au crime et au conflit : « Dans le paradigme de justice réparatrice, la restauration des torts et des pertes causées est à l’avant-plan. (…) L’obligation de réparation entraîne une confrontation et (…) un engagement personnel de la part du délinquant » (L. Walgrave, 1993). « L’intervention réparatrice de la justice tend à faire réparer les dégâts matériels, ou compenser les tords physiques et/ou psychologiques » (L. Walgrave, 1993), de manière à réguler les conflits de façon plus humaine pour la victime et le délinquant. La « réparation » du tord étant recherchée, une attention toute particulière est mise sur les conséquences des actes, durant le processus réparateur. Les services de dialogue, en justice réparatrice tel que la médiation, les cercles de guérison etc. permettent de rendre le jeune acteur de sa démarche, de rétablir une communication, de renouer un dialogue, d’échanger entre les deux parties, de donner au jeune une occasion de s’exprimer sur ses actes et d’avoir accès au ressenti de l’autre.

1.2.3 Responsabilisation du jeune et réparation de ses actes

Pour un adolescent, il est essentiel que soit nommé et posé la loi. La rencontre avec la justice inaugure un rapport à la loi qui n’a, bien souvent, pas pu se faire dans la famille. Elle vient alors rappeler au jeune l’existence d’interdits, qui n’a pas pu être intégré jusque là et lui permettre d’appréhender autre chose que la Loi de la rue en découvrant les règles dans lesquelles il s’insère. La mission éducative est de lui permettre de réaménager son rapport à la réalité, de lui faire prendre conscience que son acte n’est pas juste un acte anodin et personnel, mais qu’il constitue un délit et s’inscrit dans le registre des codes et des lois sociales. Il est important que lui soit expliquée la fonction humanisante des codes, la nécessité d’établir des règles et le respect des libertés fondamentales et des droits individuels. Tout cela peut l’aider de sortir de son monde imaginaire de vengeance et de persécution. La réparation, dans ce cadre, peut être vue comme une possibilité de lui faire comprendre plus adéquatement en quoi et pourquoi son acte est vu comme une transgression. En le conscientisant à sa place d’acteur et aux conséquences que son comportement a provoquées autour de lui, celui-ci est plus apte à comprendre le sens des lois et « à examiner sa propre responsabilité » (M. Vaillant, 1999). Selon Winnicott, l’adolescence est une période de transition où le jeune a besoin de se reconnaître, dans ses actes, « d’être acteur dans le déroulement de son existence pour en dire quelque chose » (Winnicott, 1969) : Tu as enfreint la Loi, tu as dépassé la limite de tes droits en causant du tord, tu dois à présent te positionner comme acteur de cet acte et trouver des solutions pour réparer. Il est indispensable que le jeune reconnaisse être responsable des gestes qu’il a posés. La justice restaurative « responsabilise l’infracteur qui prend connaissance des répercussions réelles de l’acte commis. » (Cario, 2001)
Selon la Commission du droit au Canada, « le redressement des personnes délinquantes par la prise de responsabilité active » est l’un des objectifs direct de la justice réparatrice. (Commission du droit du Canada, 2003) En effet, « que ce soit au moyen de la médiation entre la victime et le délinquant ou de processus de groupe comme les cercles, les communautés communautaires ou les conférences de groupe, la justice réparatrice vise d’abord avant tout à inciter les délinquants à assumer la responsabilité de leurs gestes. » Les cercles, les conférences de groupe donnent aux différents membres de la Communauté la possibilité de permettre et d’inciter les délinquants à se reconnaître comme responsables de leurs gestes, et de leurs conséquences. Directement mis face aux tords causés par ses actes, devant un groupe garant des normes sociales, le jeune ne peut se cacher, mais doit répondre de ceux-ci. Il ne peut donc pas éviter d’être confrontés aux conséquences humaines de ses actes, comme il peut le faire dans le système de justice pénale accusatoire, où la question de la responsabilité n’est pas clairement définie et où la seule attribution de la responsabilité équivaut à l’accusation : tu es coupable.

1.2.4 Valorisation du jeune et réintégration du jeune par des moyens pro-sociaux

Comme nous l’avons évoqué dans la première partie de ce travail, ce sont bien souvent à des jeunes fragiles et avec une estime d’eux même extrêmement précaire dont nous avons à faire, malgré leur apparence trompeuse de caïds, puissants et intimidants. En garde ouverte, il est percutant de voir comme les jeunes de gang qui semblent si sur d’eux, devant les autres jeunes, ont finalement un besoin de reconnaissance tel qu’ils agissent de manière délinquante dans le but d’affirmer leur image, de se faire accepter, et donc aimer. Admettre l’intervention, c’est perdre du pouvoir, c’est risquer de montrer ses faiblesses, c’est finalement extrêmement menaçant pour certain! En ce sens, les jeunes qui paraissent les plus rebelles sont dans la grande majorité des cas les jeunes les plus en souffrance interne. Ils se sont souvent senti dévalorisé tout au long de leur parcours de vie, à la maison, à l’école, etc. Ils ont souvent accumulés les échecs et se sont, petit à petit, détaché des normes sociales, celles-ci devenant peu à peu source de dévalorisation personnelle et sociale. C’est là que la réparation a un effet tout à fait différent qu’une mesure punitive ou réhabilitative. En effet, pour pas que cela ne soit destructeur pour son développement identitaire, le jeune doit aussi pouvoir se reconnaître dans « des actes, créateurs, imaginatifs, utiles », et pas simplement dans ceux qui sont inacceptables (M. Vaillant, 1999). Ainsi, le jeune ne se sent pas accabler par une profonde culpabilité et peut retrouver une certaine dignité et estime de lui. Ainsi, « la réparation psychique même éducative et judiciaire, si elle s’engage sur les chemins de la créativité, si elle passe par l’espace transitionnel, peut dégager suffisamment d’espace psychique pour permettre un véritable apaisement personnel. Elle a le pouvoir singulier de transcender la violence interne et de calmer la souffrance causée par les injustices et les cruautés de la vie. » (M. Vaillant, 1999) Elle pourra finalement participer au processus de réconciliation du jeune face à la société. Elle lui permet de prendre une place, avec des droits et des devoirs. La mesure de réparation peut donc l’amener à rencontrer quelque chose de lui-même qui l’inscrit dans un autre champ, quant à lui positif, créateur et responsabilisant. Il peut alors se reconnaître plus facilement dans les actes destructeurs qu’il a commis, au regard de la société. La réparation lui offre la possibilité de se sentir fier tout en répondant de ses actes en les assumant avec dignité.

1.3 Quels Modèles de justice réparatrice sont utilisés auprés des jeunes contrevenants

1.3.1 La médiation

La médiation entre la victime et le délinquant (…) est l’un des « premiers processus modernes de justice réparatrice à avoir vu le jour. » (Commission du droit du Canada, 2003) Le processus de médiation directe consiste à réunir le délinquant, et la victime, tout deux consentants, avec un médiateur professionnel ou bénévole, avant ou après le prononcé de la peine, au moment qui parait adéquat pour les deux parties.
Au trajet jeunesse, qui est un organisme communautaire de l’organisation de justice alternative de Montréal, la médiation est mise en avant. C’est une démarche volontaire, qui requiert l’accort et la participation de toutes les parties. Selon un coordinateur et intervenant au Trajet Jeunesse, la médiation est extrêmement bénéfique et serait, selon son expérience, la méthode la plus adaptée, puisqu’elle confronte directement le délinquant à sa victime, le met face aux tords causés et l’amène à réfléchir sur la meilleure façon de régler l’événement. En effet, à ce sujet, Trajet Jeunesse a répertorié un taux de réussite passant de 90 à 91%. « Lorsqu’on a recours à la médiation, le succès à court terme ne fait aucun doute : la plupart des victimes et des délinquants sont satisfaits du processus et des résultats, on parvient à une entente dans presque tous les cas et la grande majorité des plans de réparation sont respectés par les délinquants. Cette affirmation s’applique aux premières études réalisées comme aux plus récentes » (L. Kurki, 2003). Un autre professionnel, membre du Programme Impact, est également d’avis que la médiation directe est de loin la meilleure mesure réparatrice. « Il faut toujours essayer de mettre en lien le jeune avec son délit » et c’est par la médiation directe que la connexion se fait la mieux. » Là aussi, autant que possible, c’est la mesure que tous les membres de son équipe mettent en avant.
La médiation permet souvent de rendre le délinquant plus conscient de la dimension de la victime, mais cependant, malgré les nombreux avantages de la médiation directe, elle est bien évidement la mesure la plus difficile à réaliser, et dans les faits, elle est très peu utilisée, puisque selon les statistiques, le taux de la médiation représente juste entre 10 et 15% de toutes les sanctions qui sont confiées. (Commission du droit du Canada, 2003) Un certain nombre de critères sont à prendre en compte et il faut être extrêmement prudent pour ne pas transformer un moment de « réparation » en instant de revictimisation, c’est pourquoi on doit s’assurer du niveau d’engagement, de motivation et de cheminement du délinquant. De plus, n’oublions pas qu’il y a de nombreuses victimes qui ne souhaitent pas être face à leur criminel et qui refuse ce type de réparation.

1.3.2 Les groupes consultatifs

Dans plusieurs régions du Canada, on fait appel de plus en plus souvent à des groupes consultatifs afin de faciliter la prise de décision touchant les adolescents aux prises avec le système de justice pénale. Il s’agit de divers groupes de personnes qui ont pour mandat de faire des recommandations sur les moyens à prendre compte tenu des circonstances et des besoins d’un adolescent aux prises avec le système de justice. Il peut s’agir notamment d’une conférence familiale, d’un comité de justice pour la jeunesse, d’un groupe de responsabilité communautaire, d’un cercle de détermination de la peine ou d’une conférence de cas réunissant divers services.
Tous ces groupes, bien qu’ils aient chacun leur spécificité, permettent de mieux comprendre la situation en cause, de trouver des solutions nouvelles et de favoriser la participation de la victime et des membres de la collectivité au système de justice pour les jeunes. C’est en cela que ces groupes sont vu comme un mécanisme réparateur qui insiste sur l’élaboration de propositions afin de réparer le dommage causé à la victime.

1.3.3 Les travaux bénévoles

Selon les professionnels des OJA rencontrés, les travaux bénévoles regroupent la très grande majorité des mesures réalisées par les jeunes en justice alternative, à Montréal et il en est de même pour le Québec, puisqu’ils seraient de quasiment 60% au trajet jeunesse, et qu’il en est de même à Programme Impact. (Journal du Trajet Jeunesse, 2005).
On parle de réparation symbolique (ou indirecte) dans la mesure ou le travail ne bénéficie pas directement à la personne qui a été victime, mais à la collectivité proche du condamné. Les Organismes de Justice Alternative sont en lien avec plus de trois cents partenaires et proposent des champs d’activité extrêmement variés, afin de répondre au mieux aux besoins des jeunes. Ces mesures, en effet, doivent aussi répondre aux objectifs de la justice réparatrice, et plus particulièrement « l’utilisation d’ententes ou de solutions réparatrices constructives adaptées au contexte et tournées vers l’avenir ». Dans cet esprit, les équipes de justice alternative tentent au maximum de trouver la ressource la plus en lien avec le délit du jeune contrevenant et la plus appropriée en fonction de ses besoins, de ses qualités et ses motivations. « Il faut que cela lui fasse sens, et que, tant que possible, cela soit également réparateur pour lui. Une ressource et des taches bien adaptées peuvent donc avoir elles aussi des impactes très forts pour le jeune ».

1.4 Dans quel cadre les programmes de justice réparatrice sont-ils utilisés?

Au fil des années, les Organismes de Justice Alternative ont cherché à développer un modèle d’intervention visant à permettre à des jeunes ayant commis un geste répréhensible de ne pas avoir à se présenter devant le tribunal ou, le cas échéant, de pouvoir s’amender sous la supervision d’une tierce personne de sa communauté. Ce sont ces organismes qui sont chargés de mettre en place et faire exécuter les programmes réparateurs, autour des jeunes contrevenants. Le renvoi à la médiation, aux groupes consultatifs, aux travaux communautaires a lieu à l’une des quatre étapes du traitement d’une affaire criminelle: au moment de l’intervention de la police (avant l’inculpation), de la Couronne (après l’inculpation mais avant le procès), du tribunal (à l’étape de la détermination de la peine) et des services correctionnels (après l’incarcération et avant la libération). (Commission du droit du Canada, 2003) Quelque soit l’étape de la mesure, elle est donc en étroite collaboration avec le système judiciaire.

1.4.1 Les Mesures discrétionnaires appliquées par les policiers

Pour une infraction mineure sans violence, à la suite d’une enquête, le policier peut lui-même choisir de cesser les procédures et fermer le dossier, donner un avertissement au jeune, ou bien renvoyer à un organisme communautaire. Dans le cas de renvoie à un organisme, l’objectif visé est d’aider le contrevenant à ne pas récidiver. Le jeune doit accepter de participer aux activités proposées par l’organisme, qui correspond généralement à une mesure réparatrice, telle qu’une lettre d’excuse à la victime, une rencontre avec elle, un remboursement financier etc. Toutefois, ce n’est pas dans ce cadre que les mesures réparatrices sont les plus courantes, puisqu’elles ne regroupent qu’un peu plus d’un cas sur dix.

1.4.2 Les Mesures Extra-judiciaires

Un examen préalable à l'inculpation constitue la dernière occasion pour un adolescent, avant que des accusations ne soient portées contre lui, de voir son cas déjudiciarisé. Un délégué de la jeunesse évalue alors l’admissibilité de l’adolescent à une sanction extrajudiciaire, en rencontrant notamment, le jeune, ses parents, la victime et d’autres adultes de l’entourage. Il évalue alors plus particulièrement les délits commis et les réactions de l’adolescent face à ceux-ci, le milieu familial, la motivation du jeune à réparer, les difficultés d’adaptation sociale du jeune, son développement et ses capacités cognitives et les attentes de la victime.
C’est à ce moment de la procédure que celui-ci peut décider de recourir à une sanction extrajudiciaire. Ces mesures extrajudiciaires sont particulièrement indiquées pour répondre en temps utile et de façon efficace aux infractions moins graves commises par les adolescents. « Ces mesures entraînent des perspectives positives. Elles permettent d'intervenir très tôt auprès des adolescents et offrent à la collectivité en général l'occasion de jouer un rôle de taille dans l'élaboration de stratégies communautaires qui s'attaquent à la délinquance juvénile." Ce processus est extrêmement utile pour réduire le nombre d'accusations portées contre des adolescents et ayant pour effet de les amener devant les tribunaux : Dans les organismes de justice alternative, en 2005, elles comptabilisent plus d’un cas sur deux, soit exactement 5680 cas, sur un total de 10884.
L’une des conditions est que le jeune ait reconnu sa responsabilité dans l’infraction commise. Le délégué jeunesse doit alors expliquer au jeune les modalités de la mesure et lui signifier l’importance de l’engagement. La nature des sanctions extra-judiciaires est souvent elle aussi réparatrice. Il peut donc s’agir là encore de faire du travail bénévole, remettre des objets à la victime, rédiger une lettre d’excuses, etc.

1.4.3 Les Mesures Judiciaires

Lorsque l’examen préalable à l’inculpation démontre que « les mesures extrajudiciaires, informelles, ont été jugées inappropriées pour traiter le cas d'un adolescent accusé d'une infraction, un fonctionnaire décide qu'il y aurait lieu de porter des accusations contre l'adolescent. » (Ministère de la justice, 2005) Le dossier est donc judiciarisé. Si le jeune est reconnu coupable, le tribunal déterminera alors une peine, « en fonction du but et des principes de la détermination de la peine » (Ministère de la justice, 2005), puis la prononcera, en y consignant les motifs.
Cela peut être une ordonnance de probation, de mise sous garde, de surveillance ou une ordonnance spécifique, tel des travaux bénévoles, des programmes d’habiletés etc. C’est dans cette dernière catégorie que les organismes de justice alternative du Québec, tel que Trajet Jeunesse ou Programme Impact font une grande partie de leur travail, puisqu’elles regroupent, en 2005, environ un cas sur trois. (ROJAQ, 2005)

2 La justice réparatrice dans les centres jeunesses, en mesure de placement et de surveillance

2.1 Pourquoi développer des programmes réparateurs dans les Centres Jeunesses, en mise sous garde?

2.1.1 Réponse au mandat de la LSJPA

Le préambule même de la Loi sur le Système de Justice Pour Adolescent stipule que :

« - la société canadienne doit avoir un système de justice pénale pour les adolescents qui impose le respect, tient compte des intérêts des victimes, favorise la responsabilité par la prise de mesures offrant des perspectives positives, ainsi que la réadaptation et la réinsertion sociale, limite la prise des mesures les plus sévères aux crimes les plus graves et diminue le recours à l'incarcération des adolescents non violents


- les mesures prises à l'égard des jeunes, en plus de respecter le principe de la responsabilité juste et proportionnelle, doivent viser à renforcer leur respect pour les valeurs de la société, favoriser la réparation des dommages causés, avoir un sens pour le jeune, prendre en compte tant les différences ethniques, culturelles, linguistiques et entre les sexes que les besoins propres aux jeunes autochtones et à d'autres groupes particuliers de jeunes (Ministère de la justice, 2005).


Ainsi, elle vise avant tout à « faire en sorte que les réponses que l’on apporte à la criminalité juvénile soient axées sur la réadaptation. » (La Commission du droit du Canada, 2003), à apporter des réponses aux besoins des jeunes, des victimes, et de la Communauté, en tentant de favoriser des liens étroits entre ces différentes parties.
Ainsi, les valeurs réparatrices sont prônées dans la nouvelle loi. C’est pourquoi, elle favorise largement l’utilisation des sanctions extra judiciaires (ou de rechange), tout particulièrement à visée réparatrice et réhabilitative, dans un souci principal de dégorger les tribunaux. Des études ont pu mettre en avant la pertinence de ces mesures, qui encouragent à y avoir recours plus encore.
Mais, lors des sanctions judicaires, les objectifs de la LSJPA restent les mêmes, qu’il s’agisse de mesures de placement et de surveillance comme des mesures de rechange à la mise sous garde : « Toutes les peines de détention sous garde doivent viser la réinsertion sociale et les mesures qui permettront à l'adolescent de ne pas récidiver. » (Ministère de la justice, 2005) Effectivement, pour faciliter cela, toutes les peines de placement sous garde d'un adolescent prévoient une période de surveillance au sein de la collectivité, du tiers de la durée du placement.

2.1.2 Réponse au mandat des Centres Jeunesses

Le Centre Jeunesse de Montréal a différents cadres légaux. Il comptabilisait, selon les dernières statistiques de mars 2005, 17% des jeunes. (Centre Jeunesse de Montréal, 2006) En ce qui concerne les mises sous garde, en 2003-2004, il y a avait, en moyenne, 1 340 jeunes personnes en détention après condamnation au Canada. Ce chiffre comprenait 720 jeunes sous garde en milieu fermé et 620 sous garde en milieu ouvert. Cela correspond pour le Québec à 213 jeunes, au total.
Le mandat des intervenants est d’amener les jeunes qui commettent des délits à mettre fin à leurs actes délinquants et à prendre leurs responsabilités face à la société. Cela repose particulièrement sur trois points :


- Travailler sur les besoins et les défaillances du jeune, qui sont à la base des comportements délictueux, afin d’y répondre de manière pro-sociale à travers de nouveaux intérêts et implications (école, travail, sport…), des auto-analyses des cognitions qui sont en jeux dans les situations non pro-sociales, un suivi quotidien du jeune dans son vécu journalier,


- Favoriser la poursuite des tâches développementales du jeune, tant sur le plan cognitif, psycho-affectif que social, à travers l’individualisation de l’intervention pour cibler la problématique singulière du jeune contrevenant, l’utilisation de la vie en groupe comme une mini société pour permettre au jeune d’appréhender de façon pro sociale les relations interpersonnelles et les codes de vie, la généralisation des habiletés sociales individualisées dans la vie quotidienne du jeune, la valorisation du jeune en renforçant ses comportements pro sociaux, en mettant en avant ses idées pro sociales pour mieux renforcer les autres, la responsabilisation et l’autonomisation du jeune,


- Encourager tous les acteurs sociaux à participer activement à la réhabilitation du jeune, notamment en favorisant la réinsertion progressive du jeune dans la communauté, en rendant les parents acteurs de la démarche éducative et en travaillant en réseaux et avec de multiples partenaires (école, formation, club de sport…). Afin de maximiser l’intervention et d’ouvrir la communauté à participer activement au projet des centres jeunesse, les ressources du milieu, les établissements du réseau de la santé et des services sociaux et les organismes communautaires sont en effet sollicités au maximum.

De plus, dans certaines régions, dont Québec, et particulièrement Montréal, les centres jeunesses fournissent des services de médiation aux couples avec enfants qui vivent une situation de rupture familiale. Au CJM, le service de médiation a comptabilisé 721 adultes en 2005 (Centre jeunesse de Montréal, 2006). Ces méthodes sont donc déjà actualisées et reconnues dans un certain domaine, et font partie intégrante des services du Centre Jeunesse de Montréal. Ainsi, bien qu’on ne puisse pas parler de « justice réparatrice » ou de « mesures réparatrices », le mandat est toutefois intimement lié aux principes de la réparation, soit favoriser la réinsertion sociale des jeunes, répondre à leur besoin en les aidant à développer des habiletés (conscience de l’autre, des conséquences, contrôle des émotions et des pulsions etc. ) par des moyens appropriés, rendre la Communauté actrice et participative et favoriser le dialogue des différentes parties d’un conflit. Rappelons que la réparation repose sur « leur capacité à percevoir le tord causé à l’autre, d’imaginer sa détresse, de se représenter le préjudice matériel ou psychique qu’il a subi. » (M. Vaillant, 1999). Ces éléments ne sont-ils pas justement ceux qui sont ciblés en mise sous garde, tout particulièrement ?

2.1.3 Réponse aux besoins des jeunes contrevenants

Les jeunes de nos institutions ont bien souvent des carences, tant sur le plan affectif, social que cognitif. Contrairement aux délinquants occasionnels, qui sont en très grande majorité les « clients » des mesures réparatrices au Québec, les délinquants persistants ne sont pas ceux qui bénéficient de ces mesures réparatrices, tout particulièrement la médiation. « Rares sont les cas avec des actes de " violence grave " ; il s'agit le plus souvent d'événements somme toute assez bénins (ex. : menaces, graffitis, petits larcins, etc.). En fait, tout se passe comme si l'intervenant chargé d'évaluer le dossier ne pouvait envisager une rencontre de médiation que pour les délits mineurs. » (S. Charbonneau et D. Béliveau, 1999) Et pourtant, les adolescents persistants ne sont ils pas ceux dont nous devrions davantage nous soucier étant donné qu'ils sont non seulement ceux qui commettent à eux seuls plus de la moitié de tous les actes délinquants, mais également les plus carrencés d'un point de vue social, psycho-affectif et cognitif? Ainsi, plus que n’importe quel délinquant, celui qui est en placement a besoin d’une attention toute particulière.
Depuis 1990 environ, chercheurs et intervenants du Centre Jeunesse de Montréal collaborent étroitement afin de trouver des moyens efficaces pour répondre aux besoins des jeunes contrevenants et c’est dans ce contexte que sont nés les programmes d’intervention cognitivo-comportementaux. Actuellement, le but des intervenants dans les mises sous garde, comme à l’externe, est de « supprimer les excès antisociaux et de combler les déficits prosociaux » (Le Blanc et al., 2002) des adolescents délinquants qui leur sont confiés. C’est à travers notamment des outils individualisés et des activités d’apprentissage en groupe que les professionnels tendent à répondre à cet objectif. « Les ateliers d’apprentissage ont pour objet d’améliorer les habiletés relationnelles et la maîtrise des émotions qui sont déficitaires chez les adolescents en difficulté. » (Le Blanc et al., 2002) Des notions fondamentales telles que l’empathie y sont abordées et travaillées. L’organisation des programmes est finement orientée pour que le jeune parvienne peu à peu à intégrer et mettre « en application les habiletés sociales traitées au cours des séances », l’objectif étant qu’il puisse maintenir à long terme ses acquis et les généralise à son retour dans la Communauté, autrement dit, pour qu’il ne récidive pas.
En effet, à leur arrivée, il est frappant de constater comment les jeunes contrevenants que nous recevons se protègent et refoulent leur sensibilité, leur mal de vivre, leur culpabilité. Lorsqu’ils nous racontent leurs histoires, ils nous énoncent froidement la mort de certains de leurs amis devant leurs yeux, leurs expériences d’initiations dans les gangs, extrêmement violentes envers des innocents, leurs antécédents judiciaires, remplis d’agressivité et de haine, la situation sociale désastreuse de leur famille, la vision noire et fataliste de leur avenir, etc. Leurs perceptions sont remplies d’erreurs de pensées : « Il fait ça pour me faire chier », « Vous êtes injustes et vous faites exprès parce que vous m’aimez pas » : C’est effarant de se rendre compte comme ils interprètent tous les gestes de l’autre comme de l’agressivité dirigée volontairement contre eux . Rare sont ceux qui empathiques et allocentriques.
Il est toutefois marquant et encourageant de constater chez une grande proportion des jeunes l’évolution de leur rapport à autrui, au fur et à mesure du suivi, qui les aident à développer notamment certaines sphères relationnelles jamais explorées auparavant. Mais alors, pourquoi ne pas leur permettre de mettre à profit leurs apprentissages pour « réparer » leurs actes ? S’ils sont à présent outillés pour avoir accès à la conscience de l’autre, à sa souffrance, à leur responsabilité, ne serait-ce pas le moment propice pour les engager dans un processus de réparation, et ces jeunes, qui sont les plus fragiles au niveau de leur identité, ceux qui, à l’origine, sont les moins empathiques et qui commettent une grande proportion des délits graves, ne sont-ils pas, justement, ceux qui devraient être ciblé dans ces programmes de réparation, lorsqu’ils apprennent à ouvrir leur monde interne à l’autre?
Une rencontre de médiation pourrait être le moyen adéquat pour leur permettre de renouer des liens avec la société et pour leur enlever un certain poids quant à leur culpabilité, extrêmement présentes, au niveau de leur inconscient. La rencontre avec la victime bouscule souvent le jeune, qui ne peut que personnaliser et humaniser sa victime : Elle a des sentiments, des peurs, de la colère, elle n’est pas juste l’objet qui m’a permis d’assouvir mes plaisirs, elle n’a pas vécu les choses comme moi, mes comportements l’ont fait souffrir et ont eu des conséquences sur elle. Ainsi, un processus de médiation pourrait être parfaitement cohérent et complémentaire avec la finalité des programmes proposés en mise sous garde, à la lueur de la problématique initiale et du cheminement de ces jeunes dans nos services. Bien sur, chaque jeune se développe différemment et sur un rythme qui lui est propre, c’est pourquoi certains seront prêts à vivre cette expérience alors que d’autres n’auront pas atteints la maturité nécessaire. Ce n’est pas pour autant que pour ces jeunes, la réparation est inutile et qu’il faut en abandonner l’idée et les principes. En effet, l'objectif initial des travaux bénévoles est d'offrir à certains jeunes, pour qui la médiation directe avec la victime est impossible, la possibilité de réaliser des travaux au sein d'un organisme d'accueil. Car en faisant des travaux au bénéfice de la collectivité, ces derniers peuvent réparer le préjudice subi par la société.

2.1.4 Réponse aux besoins des victimes

Des études montrent les motivations réelles des victimes : Comme nous pouvons le supposer, ce serait avant tout dans le but d’obtenir réparation que les victimes participeraient à ces programmes, ainsi que pour les confronter aux conséquences de leurs crimes et a leur poser des questions sur les raisons qui ont motivé l’acte criminel. Mais, chose qui peut paraître plus étonnant, ce serait aussi dans un souci d’aider le délinquant que certaines victimes s‘insèreraient dans ces programmes. Dans les cas inverses, ce serait parce qu’elles n’y croient pas, parce qu’elles ont peur du délinquant, qu’elles sont trop en colère contre lui, ou parce qu’elles doutent de leur sincérité que certaines victimes refusent de participer à ces programmes. En effet, chose normale, suite à un traumatisme vécu, il est difficile de contrôler ses affects et de l’accepter sereinement. Une période de deuil est souvent nécessaire pour passer du choc à la colère, de la colère à la dépression, de la dépression à l’acceptation. Mais alors, ne serait-il pas possible de mettre en lien les victimes qui ne veulent pas participer, avec le processus de deuil inachevé? Le fait de ne pas y croire, d’être en colère, d’avoir peur pourrait être vu comme partie intégrante des étapes du processus de deuil. En effet, bien souvent, le temps a un pouvoir guérisseur, apaisant, et il ne faut pas oublier que dans la plupart des cas, les victimes n’acceptent pas de se trouver face à son agresseur rapidement, il leur faut cheminer, chacune à son rythme, et cela peut parfois être très long. Il faut nécessairement avoir dépasser le choc, la colère, la dépression pour avoir la force et le courage d’affronter son agresseur.
Selon une méta-analyse de Latimer, « l’ajout de programmes de justice réparatrice a amélioré la satisfaction de la victime à l’égard d’un processus qui était, de par sa nature même, assez insatisfaisant. » (J. Latimer, 2001) Ainsi, bien qu’il soit difficile de rendre compte des effets exacts de la justice réparatrice au niveau des victimes, nous savons que les victimes qui participent à des modèles de justice réparatrice sont généralement satisfaites de l’expérience vécue et « ont tiré des avantages du processus, surtout des rencontres avec le délinquant. » (Commission du droit du Canada, 2003). On voit souvent que, suite aux traumatismes vécus par les victimes, celles-ci trouvent très utiles de rencontrer le délinquant, notamment pour le certain pouvoir apaisant que cela leur procure, suite à cela. Ainsi, « les processus de justice réparatrice peuvent répondre aux besoins des victimes au lendemain d’un acte criminel », ceux-ci permettant de faciliter la guérison des victimes et de clore leur expérience de victimisation.
Alors, pourquoi ne proposer réparation qu’aux victimes de délits mineurs, si les bienfaits sont reconnus? N’est-ce pas bafouer le droit des victimes que de les négliger ainsi ? Même si le traumatisme est subjectif, nous pouvons toutefois avancer que celles-ci ont toutes les chances d’être fortement atteintes, de quelque manière que ce soit. Si les jeunes contrevenants sont en mesures de placement et de surveillance, cela signifie que toutes les autres options de peine ont été envisagées, et que les mesures de rechange à la mise sous garde (ou une combinaison de mesures), qui aurait pu faire répondre l'adolescent de son acte, ont toutes été examinées. (Ministère de la Justice, 2005). Or, il n’est pas pris en considération l’évolution du jeune lors de sa mesure de mise sous garde. Et celui qui aura acquis de nouvelles habiletés et sera près à rencontrer la victime pour accueillir sa parole, lui faire ses excuses, reconnaître devant elle sa responsabilité ne devrait-il pas le faire, si elle aussi est prête à le rencontrer? N’est-ce pas le droit de la victime, et le devoir du jeune?

2.2 Mise en place actuelle des mesures réparatrices dans les milieux de gardes pour jeunes contrevenants

2.2.1 Les « mesures réparatrices officielles »

La LSJPA propose une participation active de la victime. Pourtant, tant les délégués à la jeunesse que les intervenants ont de la difficulté à intégrer la victime au sein même du processus, sans l’utiliser. Certes, il manque de temps et de ressources, mais de façon générale, on s'occupe plus du jeune, de ses intérêts que de ceux de la victime. Il est vrai qu’il est terriblement difficile de donner un soutien à la victime, de prendre partie pour elle et de l’intégrer à un mandat, qui est orienté vers le jeune. Les obstacles sont importants : Il n’ont pas l’objectivité nécessaire, pas la formation pour s’adresser aux victimes, pas le support institutionnel, le temps et les ressources suffisants. Lorsque des pratiques réparatrices sont mises en place dans les unités de garde du Centre Jeunesse de Montréal, « ce sont des initiatives isolées », qui émergent des convictions individuelles des intervenants.
Des recherches permettent de constater que cette réalité est généralisable dans un grand nombre de pays, particulièrement l’Ecosse et la Grande Bretagne, où les chercheurs en arrivent aux mêmes conclusions : « However, in general, it was found that there is little restorative justice intervention of any kind taking place in the juvenile secure estate. Some projects that had previously flourished were dealing with only a small number of cases, and many had disappeared. » (The Youth Justice Board, 2005) Les programmes réparateurs ne sont pas donc pas utilisés par les établissements, et, s’ils le sont, ce sont par quelques rares intervenants motivés qui ont pris l’initiative d’engager leur jeune dans un processus de médiation.

Les travaux bénévoles, quant à eux, sont actuellement la forme de réparation proprement dite la plus fréquente, en centre jeunesse, puisqu’un certain nombre de nos jeunes ont pu accumulés durant leur cheminement criminel des mesures de probation, avec obligation de réaliser des travaux communautaires. Mais là encore, il est difficile pour les intervenants de réaliser cette mesure lors de la garde de nos jeunes, puisque par définition, la mesure de garde consiste à priver le jeune de sa liberté en le maintenant en hébergement. Il faut donc attendre la moitié de son ordonnance, lorsque celui-ci est éligible. Mais, là encore, cette condition n’est pas ultime puisque le retour progressif dans la communauté n’est pas systématique, mais dépend du cheminement du jeune. Finalement, puisqu’il est relativement difficile pour les intervenants de mettre ce processus en marche, les travaux bénévoles s’effectuent à la fin de l’ordonnance de garde du jeune, soit au dernier tiers de sa peine, où le jeune est dans la communauté, pour le soutenir dans l’application de sa mesure réparatrice. Rappelons en effet que les ordonnances de garde, sous la Loi sur les Jeunes Contrevenants, ne prévoyaient aucune surveillance au sein de la collectivité lorsque le jeune était remis en liberté. C’est pour parer à cette lacune que la LSJPA a intégré à la mise sous garde une période obligatoire de surveillance dans la Communauté, afin de proposer aux jeunes un soutien
adéquat, pendant la période de transition entre son placement sous garde et sa réintégration dans la collectivité.

2.2.2 Les « mesures réparatrices gérées à l’interne »

Cependant, dans les foyers et les centres d’hébergement, « la question du règlement des conflits, des multiples querelles, discordes et manquements réguliers aux règles de la vie commune se pose partout avec insistance. » (M. Vaillant, 1999) Ainsi, de plus en plus, des équipes mettent en pratique des démarches de réparation, au sein des institutions. « Il s’agit souvent de répondre aux problèmes disciplinaires les plus courants, en intégrant la proposition de réparation comme une sanction à visée médiatrice et restauratrice pour le jeune et pour le groupe. Il s’agit également d’intégrer la démarche réparatrice dans de nombreuses situations de crise ou de tension. » (M. Vaillant, 1999) Ainsi, plutôt que de punir les jeunes lors de situations conflictuelles, une réflexion suivie d'une mise en acte appropriée est souvent privilégiée pour « réparer » : lettre d’excuse, excuse verbale, actions quelconques, rachat etc. Ainsi, la réparation est toutefois au centre des objectifs et des outils éducatifs des unités de garde.

2.3 Comment développer des programmes?

2.3.1 Inspiration de différents modèles existants dans les prisons

Bien qu’il subsiste de grandes différences entre les prisons et les centres jeunesses, tant au niveau des objectifs, des lois qui les régissent, que de la population, il y a aussi des similarités non négligeables : absence de liberté, neutralisation, crimes graves, surveillance continuelle, objectif de réinsertion progressive dans la Communauté etc. C’est pourquoi il me semble intéressant, non de faire une comparaison en ce qui concerne la mise en place des mesures réparatrices entre les prisons et les centres jeunesses, mais de comprendre de quelle manière l’implantation parvient à se faire en prison malgré les difficultés rencontrées. En effet, nos recherches nous ont conduites à nous rendre compte que les processus de justice réparatrice étaient de plus en plus à l’œuvre dans les prisons, afin de permettre aux délinquants de mieux réintégrer la collectivité, à tel point que « there appears, at present, to be more restorative activity taking place in the adult prison system than in the juvenile secure estate.” (V. Knight et al.).

Au Canada plus particulièrement, le Service Correctionnel propose des services de médiation, animés par des professionnels, dans les pénitenciers. De plus, il est partenaire de la Direction de Justice réparatrice et du règlement des différents, où un grand nombre d’organismes à but non-lucratif « s’intéresse aux conséquences de l’acte criminel : blessures, traumatismes et torts subis par la victime », ainsi qu’aux « personnes concernées par un délit, victime et offenseur, et représentant de la communauté » (Centres de services de justice réparatrice, 2006). Ainsi, de nombreux services sont proposés aux parties, dont les Rencontres Détenus Victimes, « rencontres de groupe, en présence de personnes de la Communauté, entre détenus et victimes qui ne se connaissent pas, mais qui sont touchés par des délits semblables » (Centres de services de justice réparatrice, 2006). Ces rencontres se déroulent en plusieurs séances, avec une phase préparatoire, où les différentes parties sont rencontrées individuellement pour qu’ils puissent exprimer ses attentes et recevoir une présentation claire de la démarche et de ses conditions. La session elle-même, qui dure environ trois heures, où ils s’expriment mutuellement leurs motivations, attentes, souffrances, remords, pardons etc., avec l’aide, notamment, de supports ludiques. Elle est animée par deux intervenants, comporte deux à cinq personnes victimes d’actes criminels et des personnes détenues en nombre équivalent, tandis que des personnes de la communauté apportent discrètement leur support. Ces rencontres hebdomadaires se déroulent dans un local sécuritaire d'un pénitencier et dans un climat de respect, de confiance et d’écoute. (Centres de services de justice réparatrice, 2006).
Aux Etats-Unis, dans de nombreux états (Minnesota, Texas, Iowa, Ohio, Pennsylvanie etc.), des programmes appelés « Victim Offender Dialogue (VOD) » sont proposés dans certaines prisons, particulièrement pour les victimes de crimes violents et leur contrevenant. Le but premier est de « soigner » les victimes, désireuses de communiquer avec le contrevenant, et le second but est de faciliter le processus curatif des contrevenants violents. Ces rencontres permettent aux différentes parties de se rencontrer et de trouver un arrangement. C’est une occasion d’aider les deux parties, de compenser la victime et d’alléger le contrevenant. Bien entendu, un soin tout particulier est pris lors des rencontres préparatoires, pendant lesquelles les motivations, les enjeux, les objectifs sont abordés. (Just Alternatives Promising practices in justice and corrections, 2005)

A San Francisco, un programme appelé Resolve to Stop the Violence Project (RSVP), semble également apporté des résultats intéressants: des avocats de la défense, des anciennes victimes, des anciens membres de gang, des leaders religieux viennent rencontrer des détenus, six jours par semaine, et explorent avec eux les raisons du recours à la violence, en leur apprenant des solutions de rechange au comportement violent. Une fois par semaine, des victimes se présentent à l'unité pour exprimer aux contrevenants de quelles manières la violence a effectué leurs vies. De plus, par un lien visuel, les membres de la famille ou les victimes réelles peuvent parler des tords causés par le crime qu’elles ont vécues, cela fournissant l’occasion de contrevenant d'exprimer leurs remords. Des recherches ont démontrées que, tout au moins à court terme, la récidive avait nettement baissé pour les criminels qui avaient suivi ces programmes, et ce, proportionnellement aux nombres de semaines passées dans le programme RSVP. (Resolve to Stop the Violence Program, 2005)

A Hamburg, enfin, un programme a été mis en place en prison pour les grands criminels, qui ont de très longues ordonnances. Le programme « Focus on victims » (Hagemann and Robertz, 2000). Ce programme comporte huit modules, chacun de 8 heures. Le premier consiste à identifier des victimes, le second à réfléchir aux sentiments éprouvés par différents types de victimes, le troisième à sa propre victimisation et à son ressenti, puis, on y aborde les crimes, la responsabilité, les conséquences, les alternatives, et enfin, le dernier module consiste à évoquer le concept de médiation et de réconciliation, et de permettre, si les prisonniers le souhaitent, ainsi que les victimes, une rencontre de médiation.

2.3.2 Obstacles du développement des mesures réparatrices en milieu d’hébergement

“This may be due to the fact that some adult prisons have relatively stable populations and a local catchment area, making it easier to arrange meetings between victims and incarcerated offenders. Such conditions may also make it easier for the establishments’ managers to free resources for experimental and innovative projects.” (V. Knight et al.). En effet, de manière réaliste, il est très dur d’envisager une médiation dans les unités actuelles, pour les deux principaux problèmes posés : La mesure privative de liberté, notamment la mise sous garde est souvent si courte, que parfois, il est difficile d’engager le jeune dans une véritable démarche motivationnelle. Le second obstacle, évoqué par V. Knight concerne l’endroit de la rencontre. Aucune pièce n’est neutre et totalement libre pour favoriser ce genre de démarche. Pour des raisons d’équité entre les parties. Il est davantage recommandé par les professionnels rencontrés de cibler des pièces totalement inconnues, tant pour la victime que le délinquant : « Il est déjà difficile qu’au départ, les parties soient sur le même pied d’égalité ! » Il semble effectivement très néfaste pour la victime de se déplacer à l’unité qui correspond au lieu de vie du jeune. Mais étant donné que le jeune ne peut sortir et réaliser de déplacement, cela complexifie la mise en place de telles mesures.

Un autre gros problème concerne l’ordonnance du juge proprement dite. La peine de placement et de surveillance est prononcée et en court d’exécution. Or, celui-ci ne peut pas prononcer en même temps une demande de médiation, qui est, quant elle, une mesure « extrajudiciaire » ou alternative à la peine privative de liberté. De plus, puisque les jeunes ont principalement fait des voies de faits violents, ceux-ci ont la plupart du temps un interdit de contact avec leur victime. Ainsi, cette condition, même si elle sécurise la victime dan un premier temps, est un frein aux processus de médiation. Ainsi, comme elles sont donc énoncées jusqu’à présent, les ordonnances ne permettent donc pas qu’une mesure réparatrice directe se mette en place autour du jeune. Il faudrait finalement que le type d’ordonnance change, et permette de laisser une place formelle pour une autre mesure réparatrice!

Enfin, une dernière limite de la mise en place de tels programmes concerne l’objectif même des mesures réparatrices. En effet, selon les Organismes de Justices alternatives, « la réparation n'a de sens que si elle s'inscrit dans un processus visant à rétablir un équilibre personnel et social entre les torts causés et une action bénéfique pour le corps social dans son ensemble. » (ROJAQ, 2005) Depuis quelques années déjà, il semble que le sens de ces mesures s’est modifié au profit d'objectifs de rééducation. Aujourd'hui, certains ont recours à cette mesure uniquement même pour prévenir la récidive. Or, cet objectif est certes la finalité du système pénal, mais non celui de la justice réparatrice. « Viser cet objectif par la mesure de travaux communautaires ou la médiation à la victime nous conduit à utiliser la communauté et les victimes à des fins thérapeutiques. Nous estimons que ce n'est pas là leur rôle. » (ROJAQ, 2005) En effet, si cette tendance s’accrue, les victimes n’y trouveront plus leur place. « La place qu'occupent le contrevenant et la prévention de la récidive ne doit pas éclipser le fait que les besoins et les droits des victimes constituent une préoccupation importante qui devrait guider le choix d'une mesure. » (ROJAQ, 2005)

2.3.3 Réflexions encourageantes en cours

Il semblerait que la question de l’implantation de mesures réparatrices au sein même des unités de garde soit depuis peu une préoccupation d’actualité des Organismes de Justice Alternative. En effet, des recherches sont en cours, afin de parvenir à généraliser les mesures réparatrices aux peines de placement et de surveillance. Les organismes de justice alternative sont conscients de la nécessité de mettre en action certains programmes dans les unités de garde, tant pour les jeunes contrevenants que pour leurs victimes. Celles-ci, comme nous l’avons vu, sont injustement privées de ces programmes, alors qu’elles devraient finalement, en être les premières bénéficiaires, étant donné les préjudices importants qu’elles ont subit. Les jeunes, comme nous avons tenté de le mettre en évidence, devraient eux aussi être les premiers ciblés. Cependant, ceux-ci sont aussi conscient des certaines difficultés présentées ci-dessus. Aussi, pour éviter ces problèmes, et notamment la négligence de la victime, tout en maintenant un moyen privilégié pour faire en sorte que les adolescents assument la responsabilité de leurs délits, le ROJAQ a exposé des recommandations :
- « aux délégués à la jeunesse et aux juges de faire un usage nettement plus fréquent des mesures réparatrices, dans les cas où elles sont appropriées; en règle générale, toute mesure imposée à un jeune contrevenant devrait inclure au moins une dimension visant à lui faire prendre conscience de l'impact de l'infraction pour la victime;
- aux délégués à la jeunesse de faire la pratique de la conciliation et des mesures de réparation et de restitution en apportant une attention toute particulière à l'équité, tant du processus que de la décision, pour la victime et pour le contrevenant;
- aux directeurs provinciaux de voir à ce que, à partir des pratiques existantes, se fasse une réflexion sur la sélection des cas appropriés pour les diverses formes de mesures orientées vers les victimes ainsi que sur la pratique de la conciliation de façon à en dégager des guides pour l'intervention
- aux responsables de la formation collégiale et universitaire ainsi qu'aux responsables de la formation en cours d'emploi dans les centres de protection de l'enfance et de la jeunesse de mettre sur pied des cours de formation à la conciliation entre les contrevenants et les victimes
- au ministère de la Santé et des Services sociaux et au ministère de la Justice d'examiner la possibilité de mettre au point des programmes qui, misant sur d'autres mesures, comme les travaux communautaires, pourraient favoriser le développement de mesures se rapportant aux victimes. >> (ROJAQ, 2005).

Des recherches, en Grande Bretagne et en Ecosse sont également en cours. Dans le journal The Youth Justice juvénile Board for England and Wales, on déplore notamment qu’il n’y ait aucun cadre officiel pour encourager le développement de la justice réparatrice, dans les établissements de garde pour les jeunes contrevenants. C’est pourquoi, il propose notamment que, dans certains cas, il serait avantageux de permettre aux jeunes d’avoir des autorisations particulières de sorties, pour leur permettre de s'engager dans une médiation de victime-contrevenant, à l’extérieur. De plus, comme le ROJAQ, il dénonce la nécessité de formation des intervenants, qui n’ont que peu de connaissances sur la victimologie, et les enjeux de la justice réparatrice. La formation générale de conscience sur la justice fortifiante et les questions plus larges de victime pourraient en effet permettre que certaines des inquiétudes soulevées par les intervenants s’estompent et qu’enfin, les mesures de médiation pénètrent les portes des unités de garde des Centres Jeunesses, par les clés de la cohérence, de la connaissance et de la formalité.


CONCLUSION

Cette recherche semble montrer des perspectives de changement interressantes en ce qui concerne l’implantation des mesures de réparation au sein des milieux de garde. Il semble que les prisons parviennent à trouver des moyens pour parer aux différentes problématiques posées par les institutions et les conditions de détention. Les unités de garde pourraient vivement s’y inspirer, en utilisant des locaux neutres, au sein des bureaux administratifs, par exemple, où un intervenant se chargerait de conduire le jeune et de l’attendre, puisque, bien évidemment, ce ne pourrait être lui le médiateur, étant donné qu’une équité s’impose entre les deux parties.
Avancer concrètement signifierait finalement d'outiller davantage les intervenants , notamment en ce qui concerne les connaissances en victimologie en justice réparatrice et de lui donner un pouvoir de décision plus grand quant à l’engagement du jeune dans une telle démarche. Lui seul connaît suffisamment le jeune et son évolution, dans cette période de vie. La période de surveillance pourrait être lui aussi un moment favorable pour continuer le processus de responsabilisation et de réparation, et pour parvenir à une rencontre avec la victime. Il serait donc du devoir du juge d’intégrer systématiquement à l’ordonnance d’une mesure de mise sous garde, une mesure réparatrice, gérée en temps et en heure par l’intervenant et le délégué jeunesse, ce qui donnerait de la cohérence au mandat, tant de la LSJPA que des Centres Jeunesses.


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