¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

Murielle Fouassier témoigne de son expérience unique à travers ce blog: un voyage autour du monde, qu'elle a entrepris depuis janvier 2008, à la rencontre de milieux et de professionnels spécialisés en criminologie.

Suite à des études de psychologie, en France et de criminologie à Montréal, au Canada, Murielle a souhaité davantage élargir son champ de connaissance, afin de tenter de mettre en avant les pratiques d'interventions originales et efficaces en terme de diminution de la récidive, auprès des jeunes contrevenants, qui sont dans une période développementale complexe et déterminante.

Dans une ère où les interventions évoluent et progressent largement, où les moyens techniques nous permettent de dépasser nos propres horizons et de traverser les frontières, où tous les peuples se penchent sur des questions psycho-sociales déterminantes pour l'avenir de nos sociétés, "Criminologie de par le monde" symbolise le projet d'ouvrir et d'enrichir le regard porté sur l'intervention en criminologie. Il servira aussi à tous les professionnels exerçant de près ou de loin auprès d'une population de jeunes contrevenants, désirant ouvrir leur champ de connaissance ainsi que leur réseau.

Comment définir la criminologie en quelques mots? C'est une science sociale et humaine qui étudie les comportements criminels et tente non seulement d'expliquer le phénomène, en axant principalement son regard sur les causes et les impacts de la délinquance, mais aussi d'apporter des solutions, notamment en terme d'intervention.


¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤


¤ L'INTERVENTION EN CRIMINOLOGIE

.................................................................

15 avr. 2008

¤ MALI: Le centre de détention, de rééducation et de réinsertion pour mineurs de Bollé



* Le contexte de placement du jeune :

Suite à la demande du directeur, Moussa Sarawi Maïga, qui ne pouvait malheureusement pas me recevoir le jour même, deux intervenants, Ousmane Traore, administrateur de l'action sociale et Moussa Bagayoko, coordinateur et secrétaire général de l'ONG malienne Maya-ton, me présentèrent les activités principales du centre et son contexte de placement.

Les délits ainsi que les infractions sont respectivement punis en moyenne de trois mois et six mois de détention, renouvelable. Ce sont dans les prisons régionales que les jeunes, les femmes ou les adultes purgent leur peine, sans qu'aucune forme de traitement soit proposé. Le centre de réinsertion pour mineurs en conflit avec la loi de Bollé, à coté de Bamako, est l'unique centre de détention spécialisée du Mali qui propose une alternative à la prison pour les mineurs contrevenants, de 13 à 18 ans. Il est donc le seul à proposer un suivi éducatif au jeune au lieu d'une simple incarération.

Les peines sont variables, selon le type de délit ou d'infraction criminelle. Les intervenants du centre de Bollé ont pu faire un état des lieux de la fréquence de chaque acte délinquant: Dans la grande majorité des cas, le jeune est arrété à cause de vol, commis par necessité économique, sans violence et sera amené à récidiver s'il ne trouve pas de logement à sa sortie de détention. Le vol qualifié, quant à lui, plus encré dans la délinquance, est nettement moins courant. Le trafic et la consommation de drogue sont assez rare. L'agression sexuelle, commise seul ou en bande est une infraction que les intervenants retrouvent davantage pendant les vacances et les temps libre des jeunes, ainsi que la pédophilie. Enfin, les homicides sont très rares et souvent involontaires et accidentels

Les intervenants du centre de Bollé ont un grand pouvoir de décision en ce qui concerne les peines des jeunes contrevenants. Il est de leur responsabilité de les renouveler ou non. La politique du centre, basée sur la réinsertion et la rééducation necessite du temps, ce qui les incite à prolonger au maximum le suivi du jeune au centre : cette opportunité est donc pour eux garante d'une intervention plus efficace. La longueur de la peine n'est donc pas figée, mais est étroitement lié à l'investissement du jeune dans le centre, particulièrement à sa formation. Ceci dans le but qu'il sorte avec un diplôme concret lui permettant une insertion professionnelle rapide et certaine.

Pour les libertés provisoires, les professionnels ont aussi un pouvoir marqué : ce sont eux qui vont soumettre la demande au juge, respectée dans la quasi totalité des cas. La liberté provisoire est un processus de réinsertion favorisé par les intervenants, qui la demande la majorité du temps.

* L'organisation du centre spécialisé de détention, de rééducation et de réinsertion pour mineurs de Bollé:

Le centre est composé de six unités :

- L'unité d'action sociale: Gérée par des éducateurs et des travailleurs sociaux, au nombre de six, leur mission repose sur plusieurs axes: établir un réglement moral afin de diminuer le stress de la détention; procéder à des enquêtes sociales pour compléter le dossier des jeunes; faire une permanance pour accueillir les jeunes à tout moment de la journée; faire des visites à domicile pour rencontrer les familles et faire le suivi judiciaire des jeunes. Chaque éducateur gère les dossiers des jeunes d'une même commune, afin de faciliter les déplacements dans les tribunaux ou dans les familles. Finalement, chaque éducateur gère environ 10 à 15 jeunes


- L'unité de santé: Gérée par l'Organisation Non Gouvernementale (ONG) Maya-Ton, composée de quatre personnes en permanence, trois infirmiers et une monitrice, ainsi que de quatre intervenants ponctuels, deux consultants théatre et deux professeurs en alphabétisation.

Auparavant française (de 1998 à 2001), l'ONG est aujourd'hui malienne et travaille en relation étroite avec la croix rouge. Le volet santé est essentiel dans le centre et occupe une place centrale, à travers ses nombreuses activités planifiées à la semaine: bilan et suivi médical des jeunes; bilan psychiatrique à travers une expertise mentale, dans un centre spécialisé; psychothérapie par le théatre, afin de permettre aux jeunes d'exterioriser leurs émotions et de symboliser leurs souffrances ; animation sanitaire ayant pour thème le tabac, les drogues, le sida, l'actualité etc. Celle-ci étant une demande qui émane des jeunes, les intervenants font souvent appel à des partenaires sociaux plus spécialisés sur ces questions pour collaborer avec eux; assistance judiciaire, afin de conseiller les jeunes ou les familles sur des problématiques judiciaires.

- L'unité de surveillance: Composée de 12 surveillants donc quatre minimalement toujours présents sur l'unité jour et nuit. Leur rôle est d'assurer la sécurité des locaux et des détenus ainsi qu'à éviter les évasions.

- L'unité socio-culturelle et sportive: Composé d'un éducateur qui est également le professeur de premier cycle. Comme la "fourmi ouvrière du centre", l'éducateur de l'unité est le premier collaborateur direct et a un rôle très complet au sein du centre: Il organise les activités sportives, incluant des matchs contre les équipes du quartier, les causeries (qui consistent à débattre de sujets sociaux et civiques avec les jeunes, selon les sujets qu'ils souhaitent aborder). Il s'occupe plus généralement de la vie des jeunes au quotidien: il collecte les informations des surveillants de nuit pour se tenir au courant des situations de la soirée et de la nuit; il en fait la transmission à l'équipe; il gère l'organisation des repas et des visites

- L'unité pédagogique et de formation professionnelle: Elle est composée d'une école et d'un certain nombre d'activités de réinsertion. L'école, pour les jeunes contrevenants ainsi que les jeunes du quartier, permet au jeune de suivre le premier cycle scolaire ou un niveau d'alphabétisation. Il comprend six classes, gérées par un professeur pour chacune ainsi qu'un directeur. Pour les jeunes déscolarisés, des formateurs et des bénévoles assurent leur réinsertion professionnelle à travers une diversité de discipline, afin que chacun puisse y trouver son compte: menuiserie, couture, métalurgie, savonerie ou confection de bogolan. Avant de prendre sa décision, le jeune devra passer une semaine dans chaque atelier afin de pouvoir faire un choix éclairé. Une fois investi, le jeune ne quittera pas le centre avant d'avoir terminé sa formation.

- L'unité agropastorale: Grace à la présence d'un jardin dont les récoltes permettent de renforcer l'alimentation du centre, les jeunes s'initient aux techniques de maraichage régulièrement avec les éducateurs.



L'emploi du temps du centre de Bollé est organisé de façon à favoriser la réinsertion des jeunes:

- 6h00: Réveil et entrainement musculaire avec les surveillants;

- 7h00: Toilette, nettoyage des dortoirs, petit déjeuner;

- 8h00 - 12h00: Activités professionnelles/Scolarité

- 13h00-15h00: Repas, sieste

- 15h00-18h00: Activités professionnelles/Scolarité

- 19h30: Dîner

* Les limites à l'intervention:

Malheureusement, une insuffisance financière et logistique freine les interventions, malgré l'investissement des éducateurs:

Des problématiques majeures d'ordre sanitaires, telles que le manque d'eau (problème de tuyauterie et absence de puit) ou de matières premières (bois) provoque une inquiétude chez les intervenants, pour la santé et le bien être des jeunes et doivent être sérieusement pris en considération par le gouvernement.

Au niveau du suivi éducatif proprement dit, beaucoup d'obstacles se posent: Le suivi post carcéral, qui fait parti intégrante de la mission de l'éducateur, ne peut se faire, faute de moyen: recueillant des jeunes habitant dans les différentes communes du Mali, les intervenants ne peuvent se déplacer pour de simples raisons financières: Ils ne possèdent pas de voiture: un seul véhicule est disponible, pour deux centres de détention, mais est exclusivement réservé pour les visites aux tribunaux. Ils devraient le faire sur leur temps libre et payer leur propre frais de déplacement. Ce problème se répercute également sur le travail avec la famille qui est finalement lui aussi délaissé. Ces difficultés sont une des raisons du haut taux de récidive des jeunes, selon les intervenants. Le dossier des jeunes, écrit à la main, étant donné qu'il n'y a aucun ordinateur, ne facilite pas non plus le travail, particulièrement la lecture pour les autres intervenants; ; Au niveau du personnel, l'absence de salaire pour certain formateurs ne leur permet pas d'être investi complètement au sein du centre; les emplois du temps des intervenants ne leur permet pas de faire des activités avec eux le soir, après le dîner, ce qui éviterait les jeunes de se retrouver tous dans le dortoir sans occupation définie.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Bonjour,
je suis actuellement en formation assistante sociale à Rennes, et je souhaite faire mon stage au Mali, et plus particulièrement à Bamako. J'ai pour projet professionnel de travailler en milieu carcéral et c'est pourquoi je suis intéréssée par votre récit. Je voulais vous demander si vous aviez des contacts que vous pourriez me donner concernant le centre de détention de Bollé et plus particulièrement de l'association maya ton qui travaille dans les murs de ces centres de détention pour femmes et mineurs.
Merci d'avance
Cordialement
Céline Bernard